Suis-je vraiment insomniaque ?
À partir de quand pouvons-nous dire que nous sommes insomniaques ? Comment différencier le sommeil perturbé des véritables insomnies ? Deux spécialistes aident à y voir plus clair.
Difficultés à s’endormir malgré la fatigue, réveils intempestifs au cours de la nuit et yeux qui restent grand ouverts des heures ensuite… L’insomnie et le manque de sommeil qui en découle sont un fléau. Mais à partir de quand pouvons-nous dire que nous sommes insomniaques ? Comment différencier le sommeil perturbé des véritables insomnies ?
Deux critères principaux
On reconnaît une insomnie quand elle regroupe deux critères principaux. D’un côté, l’insomniaque souffre de troubles du sommeil. «Il se réveille la nuit et a du mal à se rendormir, mais peut également avoir des difficultés à s’endormir le soir ou peut se réveiller trop précocement le matin. L’insomniaque a envie et besoin de dormir, mais n’y parvient pas», décrit Agnès Brion, psychiatre spécialiste des troubles du sommeil et ancienne praticienne attachée du service des pathologies du sommeil de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris (1). De l’autre, l’insomniaque subit les retentissements de ces troubles tout au long de la journée. «Fatigue et irritabilité, mais aussi difficultés de mémoire, soucis de concentration, parfois une incapacité à effectuer une tâche précise. On compte aussi des symptômes physiques comme les cernes ou le manque de vitalité», énumère Sylvain Dagneaux, psychologue TCC (thérapies comportementales et cognitives) et auteur de Prendre en charge l’insomnie par les TCC (2).
Les troubles doivent aussi survenir au moins trois fois par semaine et durer au-delà de trois mois. «En dessous de cette durée, les insomnies peuvent être liées à un événement de vie difficile (deuil, difficulté professionnelle…) et doivent disparaître. Au-delà, cela signifie que l’insomnie s’est installée et qu’elle va s’auto-entretenir définitivement, même si la situation d’origine a disparu», explique le psychologue.
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Prise de poids
C’est à partir de ce niveau d’insomnie que les impacts sur la santé, physiques et mentaux, deviennent préoccupants. Sur le long terme, les conséquences prédisposent aux maladies. «Le sommeil est un pilier du bon fonctionnement de notre organisme, rappelle Sylvain Dagneaux. Un manque trop important entraîne des effets néfastes sur le métabolisme et le système immunitaire, ce qui peut mener à des prises de poids ou plus gravement à l’augmentation des risques d’infection.»
Les causes ? Comme beaucoup d’autres maladies, l’insomnie compte dans ses facteurs un aspect génétique. «Le souci peut aussi venir de la personnalité : quelqu’un d’anxieux aura plus tendance à souffrir de troubles du sommeil, par exemple», explique la psychiatre Agnès Brion. En dehors de ces deux aspects, c’est souvent un facteur particulier qui va déclencher l’insomnie : un événement de vie traumatisant, des problèmes au travail, des préoccupations douloureuses… «L’insomniaque change alors son comportement : au lieu de se coucher parce qu’il a envie de dormir, il va se coucher pour dormir. L’esprit se focalise sur le souhait de dormir. Cela peut générer du stress, une augmentation du rythme cardiaque, et donc empêcher de trouver le sommeil», décrypte la psychiatre.
Les solutions
Pour pallier ces insomnies, il est important d’adopter quelques réflexes. Le matin, il faut se lever à heure fixe, et rester le moins possible au lit sans dormir, «sinon le lit devient le lieu où l’on ne dort pas. Cela crée un conditionnement dans le cerveau mais aussi dans tout l’organisme», insiste Agnès Brion. Il faut également s’exposer à la lumière, naturelle de préférence. «La lumière du jour régule l’horloge interne. Si l’on reste longtemps dans la pénombre de la chambre le matin, le corps ne distingue pas bien les moments où il faut dormir, et ne se régule pas», poursuit la spécialiste.
De la même façon, si l’on ne se rendort pas dans la nuit au bout d’une quinzaine de minutes, il est conseillé de se lever. «On évite ainsi les demi-sommeils et somnolences qui ne sont pas réparateurs. Il faut se lever et retourner se coucher une fois que le besoin de dormir se fait sentir», recommande Agnès Brion. «Il est important de se demander si l’on est dans un état émotionnel qui permet le rendormissement. Persévérer alors qu’on est agacé de ne pas dormir est contre-productif, car l’excitation de l’énervement empêche de dormir», complète Sylvain Dagneaux.
Sans surprise, il faut bien sûr éviter les écrans le soir et la nuit. «Leur lumière empêche la fabrication d’une neuro-hormone qui se fabrique dans l’obscurité : la mélatonine. C’est elle qui régule les sécrétions hormonales et notre horloge biologique. Et il ne faut pas non plus oublier l’aspect psychologique : il peut être addictif de répondre à des messages ou de regarder des séries à n’en plus finir», avertit la psychiatre.
Le cercle vicieux des médicaments
Quant aux médicaments, s’ils peuvent aider à gérer les insomnies isolées (avec l’aval d’un médecin), ils ne sont pas une solution pour les insomnies chroniques. «Le corps s’habitue aux médicaments : dès qu’on les arrête, les insomnies semblent encore plus importantes et on est obligé d’en reprendre. C’est un cercle vicieux», alerte Agnès Brion. Le mieux reste d’aller consulter un spécialiste du sommeil et de suivre des thérapies psycho-comportementales pour trouver des solutions efficaces à long terme.
(1) Agnès Brion est également membre de la Société Française de Recherche et de Médecine du Sommeil (SFRMS) et vice-présidente du réseau Morphée. Elle a écrit Mieux dormir avec l’hypnose, Éd. In Press, 128 p., 9,90€.
(2) Prendre en charge l’insomnie par les TCC, Éd. Dunod, 276 p., 29,00€.
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