Sept conseils de psys et philosophes pour surmonter les prochains jours
L’annonce d’un couvre-feu à 18 heures sur le territoire national sonne comme un couperet et met à mal la patience et l’optimisme. Deux spécialistes en psychologie et une philosophe listent les bons réflexes à adopter pour vivre correctement la période.
Le couvre-feu à 18 heures sera généralisé sur tout le territoire à partir du samedi 16 janvier et pendant au moins quinze jours, a annoncé ce jeudi le premier ministre Jean Castex lors d’une conférence de presse. Si certains font preuve de résilience, d’autres en prennent un sacré coup au moral, en particulier en cette période de froid et de grisaille. «Nous ne sommes plus dans la sidération mais dans la frustration. Elle est immédiate et génère, à côté de la colère et de la volonté de désobéissance, une impression d’infinie lassitude», observe Marie Robert, philosophe, créatrice d’écoles Montessori et auteure de Le voyage de Pénélope, une odyssée de la pensée (1). Alors, comment lutter contre l’abattement et surtout comment contrecarrer concrètement les méfaits de ce mal-être ambiant au quotidien ?
S’accrocher à nos valeurs
Avant de passer à l’action, l’aveu est salutaire. «Quand on est confronté à un traumatisme, on commence par reconnaître le caractère stressant de la situation pour l’accepter et ainsi mieux l’affronter», souligne le professeur de psychiatrie et d’addictologie à l’université Paris VII Michel Joyeux, auteur de Les 4 temps de la renaissance (2). «Émotionnellement, c’est vertigineux mais il est intéressant de se demander pourquoi, de décortiquer cette pensée», ajoute la philosophe Marie Robert. Pourquoi est-ce si insurmontable de ne pas voir ses proches, d’aller faire la fête, d’être privé de liberté à partir de 18 heures ? L’auteure recommande de poser des mots sur ce que l’on ressent et d’en prendre la mesure.
Pendant le premier confinement, certaines personnes ont réalisé par exemple que ce n’était pas leur carrière qui comptait mais plutôt leurs proches, leurs enfants ou leur conjoint(e). D’autres se sont reconnectés à la spiritualité ou se sont passionnés pour les activités créatives. «Il faut s’accrocher à nos valeurs, à ce qui à nos yeux vaut le coup de vivre, assure la psychiatre et psychothérapeute Céline Tran (3). Quand on en prend conscience, on les vit de façon plus intense.»
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Aider son prochain
Aide-toi et le ciel t’aidera, dit le proverbe. L’altruisme fait partie de ces valeurs salvatrices. Aller faire des courses pour sa voisine, écrire un mot d’encouragement, prendre des nouvelles d’une personne isolée… Michel Lejoyeux associe cette disposition bienveillante à une forme d’«égoïsme de crise». «Il n’y a rien de mieux pour se faire du bien et pour se reconstituer un réseau social», résume-t-il. «Cela nous décentre de nous-même et aide ainsi à oublier nos propres angoisses», poursuit la psychiatre et psychothérapeute Céline Tran.
Préparer le retour à la lumière
Hiver oblige, votre humeur s’assombrit d’autant plus avec la baisse des températures et de la luminosité. Marie Robert conseille de s’inspirer du fameux concept danois hygge et de toutes ces ressources philosophiques et culturelles étrangères qui prônent le bonheur, pas seulement en buvant un chocolat chaud ou en s’emmitouflant dans une peau de renne, mais surtout «en préparant le retour à la lumière». «Les périodes de crise sont propices à la réinvention. Plus on profite de ce temps de fermentation pour enclencher des projets, meilleur sera le temps du renouveau puisque l’on sera plus que prêts», détaille-t-elle.
La philosophe en est convaincue, cette nouvelle période passée à la maison ne sera plus de l’ordre de l’occupationnel comme le premier confinement. «On quitte les coloriages pour mettre en place des choses davantage inscrites dans la réalité. La vie ne s’arrête pas là», insiste-t-elle. S’inscrire à une formation en ligne, faire du tri dans ses papiers, entamer des travaux… Vous avez les clés en main pour passer à l’acte.
Se laisser aller aux souvenirs et à la rêverie
Attention à ne pas faire complétement table rase du passé. Avoir un œil sur l’avenir c’est bien mais il ne faut pas oublier de regarder dans le rétro pour avancer. Alors au lieu de faire le vide et d’envoyer tout valser façon Marie Kondo, le professeur en psychiatrie Michel Lejoyeux invite également à la nostalgie positive. Album photo, cartes postales, vieux livres… «Les souvenirs des temps heureux protègent le présent traumatique», note-t-il.
Certaines images, textes ou musiques nous metteraient même sur les rails de la rêverie ou du mind-wandering, une technique simplifiée de méditation essentielle selon Michel Lejoyeux pour débrancher du stress. «Pendant 10 min, on laisse venir ses pensées, ses émotions face à un objet ou un son, pour laisser flotter son esprit sans but», décrit le psychiatre.
Développer son optimisme
Quand tout va mal, certains aiment se répéter des phrases réconfortantes du type «tout va bien». En effet, l’optimisme permettrait d’augmenter son aptitude à la résilience, constate le professeur en psychiatrie Michel Lejoyeux. Sans compter sur les bénéfices physiques sur la santé, validés scientifiquement : moins d’adrénaline et ainsi moins de problèmes cardio-vasculaires.
Pour travailler cette positive attitude, des chercheurs de la Boston University School of Medicine ont conçu un programme prometteur contenant trois activités à mettre en place chaque semaine, nous rapporte Michel Lejoyeux. En pratique, on commence par écrire une lettre de gratitude, sans l’envoyer, à une personne réelle ou fictive pour la remercier et lui expliquer ce qu’il nous apporte. Ensuite, on se planifie un autre jour une activité de son choix que l’on peut faire malgré le couvre-feu – série, sport, puzzle… – pendant 30 min et on garde une trace, même mentale, de ce moment. Enfin, à la fin de semaine, on détermine une de nos qualités et on cherche à se souvenir de quelle manière nous en avons fait usage les jours précédents. «64% des personnes qui ont suivi ce protocole ont gagné en optimisme au bout de deux mois, souligne le psychiatre. Ces techniques changent notre rapport à la situation. »
Autre alternative proposée par la psychiatre Céline Tran : noter quotidiennement trois éléments agréables de la journée. Le goût d’un thé, une douche chaude, un bon livre… «Quand on l’écrit, on revit ce moment et cela permet de l’ancrer davantage dans notre mémoire», indique la spécialiste.
Observer la nature
Développer son optimisme serait d’autant plus important lorsque l’on est parent. Même s’ils continuent pour le moment à aller en classe, les petits n’ignorent pas complétement le contexte anxiogène actuel et bien souvent s’imprègnent de nos angoisses. «C’est important de les sécuriser en leur disant «demain, le soleil va se lever comme tous les jours, explique la philosophe Marie Robert. Il y a quelque chose dans la nature qui nous ramène toujours à une sorte d’unité : même si tout nous paraît désastreux, il suffit d’ouvrir sa fenêtre pour apercevoir un coin de ciel bleu.»
Cultiver son souffle vital
La maîtrise de l’esprit passe aussi par celle du corps. Si on parvient à faire la paix entre les deux, il ne peut en résulter que du bonheur d’après le philosophe grec Épicure. «Dans ces moments de crise, la pensée prend de l’espace au détriment du physique», observe la philosophe Marie Robert. C’est pourquoi l’auteure incite à se tourner vers la médecine traditionnelle chinoise et notamment à cultiver son «souffle vital» en adoptant une meilleure hygiène de vie : suivre un régime équilibré, pratiquer une activité physique et faire usage des soins corporels type massages, étirements, application de produits d’hygiène. «En temps normal, on manque de temps pour être dans la douceur et ressentir chaque mouvement, cette période particulière c’est aussi l’opportunité rêvée d’alimenter notre temple», conclut-elle.
(1) Le voyage de Pénélope, une odyssée de la pensée, par Marie Robert, publié aux éditions Flammarion le 4 novembre, 272 pages, 19€.
(2) Les 4 temps de la renaissance, par Michel Lejoyeux, publié aux éditions JC Lattès, 250 pages, 19,90€.
(3) Votre meilleur ami, c’est vous, de Claire Mizzi et du Dr Céline Tran, publié aux éditions L’iconoclaste, 21,90 €.
* Initialement publié en novembre, cet article a fait l’objet d’une mise à jour.
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