Selon une étude, les hommes sont plus susceptibles de quitter une profession qui se féminise

Quand une profession se féminise, les hommes s’en éloignent. C’est le constat fait par une étude suisse, menée par l’université de Zurich et publiée dans la revue Social Networks dans l’édition datée mai 2023, à paraitre. 

Les travaux de recherche, qui évoquent une « résistance à la mixité », avancent même que cet aspect de la ségrégation sexuelle en entreprise pourrait être à l’origine des métiers « genrés ».

« La plupart des recherches décrivant les modèles de ségrégation sexuelle professionnelle se concentrent sur les caractéristiques professionnelles supposées innées qui correspondent aux capacités et préférences stéréotypées de genre, telles que l’utilisation des compétences mathématiques ou des compétences sociales. Cependant, au-delà de ces attributs professionnels, la ségrégation sexuelle est supposée présenter des modèles émergents liés à la mobilité professionnelle interdépendante des femmes et des hommes, en particulier, les hommes quittant sélectivement les professions féminisantes« , nuancent-ils.

Les hommes désertent les métiers quand ils se féminisent

Pour rappel, la ségrégation professionnelle peut être définie comme « une situation où les travailleurs sont assignés, de droit ou de fait, à des professions différentes en fonction de leurs caractéristiques intrinsèques, comme leur sexe ou leur origine ethnique », comme le souligne une étude de la Direction de l’Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques (DARES), parue en 2019. 

C’est en s’appuyant sur des données longitudinales représentant la mobilité professionnelle au Royaume-Uni entre 2000 et 2008 que les universitaires suisses ont pu prouvé que « les hommes quittent ‘sélectivement’ les professions et les spécialisations dans lesquelles les femmes sont majoritaires », comme le reprend Le Temps

Et les chercheur.ses sont sans appel : « les résultats montrent une tendance substantielle et claire des hommes à quitter leur emploi lorsque davantage de femmes y entrent », appuient-ils avant d’illustrer « qu’une augmentation de 10% de la proportion de femmes qui accèdent à un emploi réduit la probabilité pour les hommes de rester d’environ 12%« . 

Puis, en illustrant le phénomène avec deux professions hypothétiques, l’une avec « 25% d’afflux de femmes » et l’autre avec « 75% d’afflux de femmes », les chercheur.ses ont noté que les hommes étaient « environ deux fois moins susceptibles de rester en poste » dans le second cas de figure. 

Une résistance à la mixité qui nourrit la ségrégation sexuelle

« Cette ségrégation constitue le terreau de diverses formes d’inégalités, car ‘la différenciation est la condition sine qua non des systèmes de dominance'(Reskin, 1988 : 64). Elle renforce les stéréotypes de genre qui restreignent les possibilités d’emploi des membres de chaque sexe et l’allocation optimale de la main-d’œuvre au sein de l’appareil productif. Elle favorise la non-reconnaissance et la dévalorisation des compétences mises en œuvre dans les professions principalement occupées par les femmes et, plus largement, elle participe de la moindre rémunération des femmes par rapport aux hommes », rappelle l’étude de la DARES mentionnée plus haut.

Toutefois, l’étude suisse « constate que la ségrégation sexuelle est essentiellement produite par les tendances actives des individus à ne pas travailler dans des professions mixtes, quel que soit le contenu du travail. Aussi, si le tri des individus dans les professions est un processus émergent dans lequel les femmes et les hommes réagissent aux mouvements des uns et des autres, les caractéristiques professionnelles perçues pourraient être une conséquence plutôt qu’une cause de typage sexuel des professions. Des preuves qualitatives appuient cette notion. Par exemple, les dactylographes en tant que profession sont passées d’hommes à dominées par des femmes; en même temps, les exigences professionnelles perçues sont passées de l’endurance physique (type masculin) à la dextérité des doigts (type féminin) », nuance-t-elle en conclusion. 

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