#SciencesPorcs : de nombreuses étudiantes dénoncent des violences sexuelles dans les IEP
#MeToo est-il en train d’atteindre pour de bon les Instituts d’Études Politiques présents à Paris, Bordeaux, Toulouse, Reims, Poitiers, ou encore, Lille ?
Depuis ce lundi 8 février, les témoignages dénonçant des viols, agressions sexuelles, et une culture du viol entretenue, impunie, au sein de ces établissements prestigieux, affluent sur Instagram et Twitter avec le mot-dièse #SciencesPorcs.
Promu par Anna Toumazoff, animatrice du compte « Memespourcoolkidsféministes » sur Instagram, il a été l’un des sujets les plus discutés sur Twitter ces dernières 24 heures. « On doit parler des IEP/Sciences Po et des violences sexuelles qui s’y produisent, et du silence assourdissant de ces écoles quand ça touche leurs élèves », défend-elle. « Ne nous étonnons pas de l’état de notre classe politique au vu de ce qu’on leur enseigne », déclare-t-elle également.
Violences sexuelles impunies et culture du viol tolérée dans les IEP
Sur Instagram, puis Twitter, la jeune femme âgée de 25 ans partage des dizaines de témoignages, anonymes.
« J’ai été violée par un mec de l’IEP de Grenoble en première année, et j’en ai informé l’administration il y a quelques jours, ils m’ont proposé plein de trucs pour ‘prendre soin de moi’ mais jamais de mesures par rapport à lui (exclusion, ou autre), ou de mesure générale de prévention », raconte l’une des témoins.
Une étudiante de Sciences Po Rennes affirme de son côté que « l’administration a soutenu un élève alors qu’il était en pleine procédure judiciaire pour les agressions sexuelles qu’il avait commises sur d’autres étudiants de l’IEP. Une de ses victimes avait été menacée par un conseil de discipline. »
Une jeune femme de 20 ans ayant témoigné avoir été violée par un étudiant de l’IEP de Toulouse, aurait été reçue par le chef d’établissement. Celui-ci aurait décidé de « stopper les bureaux et l’intégration, tant qu’il n’y aura pas de réelles refontes », relaie Anna Toumazoff.
Je pense à toutes ces amies de l’IEP qui racontaient les viols qu’elles avaient subis par des mecs de l’école, sans qu’on les croit.
« Je pense à toutes ces amies de l’IEP qui racontaient les viols qu’elles avaient subis par des mecs de l’école, sans qu’on les croit », écrit une utilisatrice de Twitter. « Je pense à leurs agresseurs, protégés par leurs potes, engagés fièrement dans les collectifs ‘anti-sexistes’. Et j’ai la gerbe. #SciencesPorcs. »
Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la Citoyenneté, a apporté son « plein soutien aux étudiantes victimes de viols qui dénoncent les faits courageusement via #SciencesPorcs », sur Twitter.
Sciences Po Bordeaux déjà pointée en 2013
Tout est parti d’un témoignage d’une victime présumée de violences sexuelles, sur un groupe Facebook privé dédié à Sciences Po Bordeaux. Publié le 23 janvier, il a encouragé, les jours suivants, 150 autres personnes à témoigner de sexisme, harcèlement ou violences sexuelles au sein de l’établissement.
Le 4 février, Libération a publié une enquête sur des accusations similaires à Sciences Po Bordeaux. Une dizaine d’étudiantes, anonymes, ont témoigné auprès du média avoir subi des viols, ou agressions sexuelles, durant leur scolarité. Elles dénoncent l’inaction de la direction, à laquelle elles reprochent, pour certaines, des réactions inappropriées.
Plusieurs expliquent aussi avoir eu peur de parler, et regrettent un environnement « peu propice à la prise de parole », cite Libération, malgré des mesures mises en place ces dernières années par l’établissement pour mieux lutter contre les violences sexuelles.
Déjà en 2013, dix étudiants étaient passés en conseil de discipline, car ils avaient créé une page Facebook, sexiste et homophobe, intitulée « Osez le masculinisme », reprenant le logo et le nom de Sciences Po Bordeaux. L’affaire avait été reprise dans plusieurs médias, première sonnette d’alarme publique sur la culture du viol régnant dans ces établissements d’élite.
L’impact de « La familia grande »
Cette libération de la parole suit aussi la révolution engendrée par la publication de La familia grande, en janvier. Dans ce récit, la spécialiste du droit Camille Kouchner accuse son beau-père, le constitutionnaliste Olivier Duhamel, figure de Sciences Po Paris, d’avoir violé son frère jumeau lorsqu’ils étaient adolescents, dans les années 80.
Alors que ce livre a encouragé un nombre important et inédit de témoignages autour de l’inceste en ligne, avec #MeTooInceste, il a aussi entraîné une vague d’indignation chez les étudiants de l’Institut d’Études Politiques parisien, qui demandent la démission de son directeur, Frédéric Mion.
Le mois dernier, face à des révélations du Monde, celui-ci a fini par reconnaître avoir été mis au courant en 2019 des accusations d’inceste envers Olivier Duhamel, alors président de la Fondation nationale des sciences politiques, qui chapeaute Sciences Po Paris, mais n’avoir rien fait. Jusqu’à présent, il a refusé de démissionner.
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