Rokhaya Diallo : "Je suis souvent moins prise au sérieux car je suis une femme"

Dans M’explique pas la vie mec !, Rokhaya Diallo s’attaque au sexisme ordinaire, à travers des scènettes de la vie de tous les jours dessinées par Blachette. Le but : aider à déceler ces moments de sexisme pernicieux, et donner des clés pour y répondre, et ne plus se laisser faire. Entretien avec la militante et journaliste.

Marie Claire : Le « mansplaining » est au cœur de votre livre, qu’est-ce que c’est ?

Rokhaya Diallo : C’est la contraction de « man » avec « explaining ». Il s’agit d’une attitude des hommes qui consiste à nier l’expertise des femmes en leur expliquant des choses qu’elles savent en fait mieux qu’eux. Le « manterrupting » consiste, lui, à interrompre les femmes quand elles prennent la parole et donc à déconsidérer celles-ci.

Ce phénomène est documenté dans les débats télévisés : les femmes sont plus interrompues que les hommes. Ces comportements ne sont pas nouveaux mais les nommer permet de les rendre visibles et donc de les analyser.

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Ce sexisme ordinaire est-il aussi votre quotidien ?

Oui, et si je n’exerçais pas un métier de parole, je n’en aurais pas pris conscience. Lors de débats, on m’a interrompue, répondu de façon condescendante, crié dessus… Je suis souvent moins prise au sérieux car je suis une femme.

Beaucoup vivent la même situation quand elles prennent la parole au travail, dans une réunion. La manière dont nous sommes éduquées et socialisées ne nous donne pas forcément les armes pour affirmer nos propos. Ces parasitages nuisent à notre assurance. Pour beaucoup, prendre la parole reste très intimidant.

Que viennent faire les « couilles de cristal » dans tout ça ?

Ah, ah… Ce syndrome est surtout visible dans les transports en commun. Il renvoie à la chose apparemment très précieuse que les hommes ont entre les cuisses et qui les pousse à écarter les jambes sans tenir compte de l’autre, en particulier des femmes. Ce comportement est la manifestation d’une préemption inconsciente de l’espace public.

Quand ça m’arrive, je pousse avec mes genoux, j’essaye de remuer… La plupart du temps, ils comprennent. D’une façon générale, il faut signifier les moments désagréables de façon factuelle. Par exemple, « pardon, mais j’étais en train de parler ». Comme l’a fait Kamala Harris : « Monsieur le vice-président, je suis en train de parler. »

* Avec la dessinatrice Blachette, éd. Marabulles, 18,95 €.

Cet article a été initialement publié dans le n°821 du magazine Marie Claire, daté de février 2021.

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