Régénération Naturelle Assistée : faire pousser des arbres dans des zones désertiques
2020 est l’année la plus chaude jamais enregistrée en Europe. C’est même l’une des plus chaudes au niveau mondial. C’est ce que nous apprend, en substance, le rapport annuel publié ce jeudi 22 avril par le service Copernicus pour le changement climatique.
En pleine période de crise sanitaire, en lien avec le coronavirus, on a tendance à oublier qu’il existe d’autres menaces tout aussi invisibles mais tout aussi réelles pour le climat, la planète et les humains qui y vivent.
Les enfants seraient d’ailleurs les premières victimes des changements climatiques, comme le rappelle l’association Vision du Monde.
Dans le monde, plus de 160 millions d’enfants vivent dans des zones frappées par d’importances sécheresses
Pour pallier les problèmes liés à l’environnement, l’association travaille notamment sur la réhabilitation des environnements. Parmi les chantiers prioritaires se trouve la reforestation.
La technique de la Régénération Naturelle Assistée
Cette technique de reforestation a été mise au point par l’australien Tony Rinaudo, Prix Nobel Alternatif 2018, aussi appelé le « faiseur de forêt » ou « l’homme qui a arrêté le désert ». C’était au Niger, il y a 25 ans. Concrètement, il s’agit de reboiser des zones désertiques sans replanter d’arbres.
L’association Vision du monde, à laquelle contribue Tony Rinaudo forme des agriculteurs qui prennent ensuite soin de la flore existante et aident les souches d’arbres à se développer. C’est en fait en coupant les branches mortes et en laissant uniquement ce qui est capable de se régénérer, que l’arbuste reprend des forces pour grandir à nouveau » explique l’association.
Tony Rinaudo a passé sa vie à travailler sur les problématiques environnementales. Partout où il est passé, son but a été d’aider les agriculteurs à devenir autosuffisants. Il essaie d’étendre les initiatives pensées localement, notamment au sujet du reboisement à l’échelle mondiale.
Nous avons voulu poser quelques questions à Tony Rinaudo pour y voir plus clair sur cette technique révolutionnaire et en apprendre davantage sur son action et son engagement. Interview.
Concrètement, en quoi consiste la technique de la Régénération Naturelle Assistée (RNA) ?
Cette technique concerne la repousse et la gestion systématique des arbres et arbustes à partir de souches d’arbres qui ont été abattues, mais on peut également travailler en partant de racines, de graines qui ont pu être conservées. (…) Les espèces sélectionnées, le nombre d’arbres laissés par hectare, le nombre de tiges sélectionnées sont autant de facteurs qui varient en fonction du contexte.
Actuellement, la pratique de la RNA comprend trois étapes :
1. On sélectionne les souches d’arbres de l’espèce que l’on souhaite et, pour chaque souche, on sélectionne un nombre précis de tiges les plus robustes et les plus droites qui pourront devenir, ensuite, un arbre.
2. On retire et on taille les branches latérales en surplus, indésirables, et on prend soin qu’il n’arrive rien aux branches sauvegardées (…)
3. On conserve les tiges inférieures qui se reforment et on taille les branches latérales de temps en temps.
En fait, la RNA est une méthode d’étêtage qui remonte à des siècles en arrière.
Qu’est-ce que vous prouvez grâce à cette technique ?
Que le reboisement des zones dégradées, même dans des conditions difficiles, est peu coûteux, rapide et qu’il peut évoluer. Les approches conventionnelles de reboisement, au Sahel, par exemple, se sont révélées très coûteuses et ont échoué, pour la plupart d’entre elles.
À l’inverse, la plantation d’arbres – et la création de forêts – via la technique RNA a permis, au Niger, la propagation du modèle d’agriculteur en agriculteur. Ce, en grande partie sans soutien extérieur et pour un taux estimé à 250 000 hectares par an, pendant vingt ans, à partir de la fin des années 80.
Peut-on appliquer cette technique partout dans le monde ?
Même si la Régénération Naturelle Assistée peut être pratiquée partout où les arbres repoussent après la coupe, la plus grande réussite à ce jour a été faite dans les zones arides et semi-arides. Je pense que c’est en partie lié au fait qu’il y a moins d’options dans ces zones pour des cultures et des arbres plus « rentables », mais aussi en lien avec le « retour sur investissement » permis par cette technique, qui est relativement important et rapide. Les premiers bénéfices sont vite visibles.
Quelles sont les conditions requises pour réussir la Régénération Naturelle Assistée ?
La plus grande condition préalable est le changement de mentalité des utilisateurs des terres et la volonté de gérer différemment les terres et la végétation. À cela s’ajoutent des politiques d’habilitation du territoire qui donnent des droits de propriété ou le droit de disposer des arbres aux communautés qui en dépendent pour subsister. (…)
Sur les terres agricoles, lorsque les agriculteurs comprennent la valeur des arbres, ils deviennent leurs protecteurs les plus ardents. Ils continuent de les utiliser mais de manière durable – et ils les protègent farouchement contre les incendies ou encore le pillage de cette ressource.
Comment étendre cette méthode ?
Il n’existe pas d’approche « unique ». Les approches doivent être contextualisées pour s’adapter à chaque situation. (…) Ça nécessite une prise de conscience de l’importance des arbres en tant que ressource, il faut pouvoir avoir accès à ces ressources. Il faut aussi qu’il existe une forme d’organisation, de communauté, qui rassemble les gens dans un but commun, qui s’entraident. (…)
Quel est votre objectif par rapport à cette technique et à son évolution ?
Mon « objectif » est de voir la RNA pratiquée dans 100 pays d’ici à 2030 et de voir un impact significatif sur les terres dégradées du monde.
Mon but est d’influencer ma propre organisation (l’association Vision du monde, ndlr), et d’autres parties prenantes – comme d’autres ONG, gouvernements, donateurs, jeunes, groupes environnementaux… – (…) en laissant les résultats parler d’eux-mêmes, comme c’est le cas en République du Niger, où, en raison du reboisement, chaque année sans aide ni subventions supplémentaires, la RNA a permis une augmentation du revenu brut de 200 à 1 000 dollars par ménage chaque année, ce qui équivaut à 900 millions de dollars/an au niveau national, au profit de 4,5 millions de personnes.
Les agriculteurs produisent 500 000 tonnes de céréales de plus par an que dans les années 70 et 80 grâce à la RNA. En conséquence, 2,5 millions de personnes sont désormais plus en sécurité en ce qui concerne leur alimentation.
En fait, la méthode se répand d’elle-même ?
Le cas réussi du Niger a inspiré de nouveaux mouvements RNA à travers le monde et a suscité une prise de conscience de l’efficacité de cette technique en tant que méthode de restauration des terres.
Comment faire évoluer la situation au niveau des changements climatiques de nos jours ?
La première, la deuxième et la troisième chose la plus importante sont de réduire les émissions maintenant en éliminant rapidement l’utilisation des énergies fossiles !
Au-delà de ça, le retour du carbone dans le sol et dans la biomasse peut jouer un très grand rôle. La RNA offre une solution à faible coût, rapide et évolutive basée sur la nature sans effets secondaires négatifs (…).
Pratiquer la RNA sur des millions d’hectares pourrait permettre énormément d’économies de CO2 propagé et donc d’avoir un impact positif sur le climat.
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