Qu’est-ce que le transfert psychanalytique ?
Le succès de la série En thérapie, diffusée par Arte, met le rôle du psy en lumière. L’occasion de parler d’un passage obligé de l’analyse : le transfert psychanalytique. Haine, amour, amitié ou encore admiration, on remet tous nos sentiments sur celui qui nous écoute. Le psychanalyste devient alors celui qui en sait plus que nous-mêmes sur nous et nos désirs inconscients. Sans ce transfert, la psychanalyse ne peut pas avoir lieu, et pourtant… Jean-Pierre Winter, psychanalyste, nous explique qu’au fil des séances le patient comprend qu’il est le seul à avoir les réponses à ses questions.
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Qu’est ce que le transfert psychanalytique ?
Au cours d’une thérapie, le psychanalyste se substitue aux personnages du récit d’un patient. Le père, la mère, le frère, le maître… À tous ceux qui ont joué un rôle positif ou négatif dans la vie du patient. Toutes les émotions, les pensées, qu’il s’est interdit d’exprimer, le patient va alors les reporter sur l’analyste.
Le psychanalyste devient le » bouc émissaire » de l’histoire que raconte le patient et il accepte cette position, soit en gardant le silence, soit en répondant différemment de ce qu’ont été les réponses des personnages en question, lorsqu’elles ont été traumatiques.
C’est ça le transfert. Sans lui, il n’y a pas d’analyse. Mais il peut aussi être une résistance à l’analyse, puisqu’au fil des séance, le patient va développer des sentiments plus ou moins affectueux, voire amoureux, à l’égard de son analyste. Il va commencer à modifier son comportement pour que celui-ci l’aime en retour. Mais tout cela de manière inconsciente. Cette demande d’amour n’est déjouée que si l’analyste use de son tact pour ne pas y répondre.
Le transfert est donc une énigme à déchiffrer aussi bien pour le professionnel que pour la personne qui consulte. Le professionnel analyse le transfert, en essayant de comprendre pourquoi son patient a fait tel ou tel rêve, par exemple, et pourquoi il le lui raconte.
Le transfert est donc indispensable pour une analyse ?
À partir du moment où une analyse commence, le transfert est là. Les patients qui ne sont pas en mesure de transférer empêchent l’analyse.
Il existe plusieurs étages dans le transfert :
Le premier a lieu dans les rêves. Par exemple, quand on rêve d’un copain, on rêve peut-être de notre père. C’est un effet de la censure, pour ne pas s’avouer à soi-même ce que l’on dit de son père, mais qu’on s’autorise à se dire s’il s’agit d’un copain.
Le deuxième étage : le transfert est induit par le fait que l’on anticipe le regard de l’analyste sur soi-même, surtout sur notre désir inconscient, des choses que l’on préfère ignorer. On lui prête donc un savoir qui peut créer de l’amour. Et si l’on s’aperçoit qu’il ne sait rien, cela peut créer de la haine. C’est un discours qui est lié à l’illusion que l’autre sait de nous quelque chose que l’on ignore.
Cette illusion que le psychanalyste sait ce que l’on veut se dissout au fil du temps. Un peu comme un mirage : on croit qu’il y a de l’eau dans le désert, mais plus on s’approche de l’objectif et plus on se rend compte qu’il n’y a pas d’eau. Au moment où cette illusion, qui est nécessaire, s’abolit, c’est la fin du transfert. Le patient s’aperçoit que le seul qui sait quelque chose sur son désir inconscient c’est lui-même.
Cela peut-être décevant pour le patient, qui se dit qu’il aurait pu faire tout ce parcours tout seul…
À la fin de la cure, le psychanalyste perd sa position. Ce qui peut s’accompagner d’un moment de tristesse pour le patient qui peut ensuite se dire : » Ill a fallu que j’en passe par là, c’était nécessaire pour que cela ne se perpétue pas éternellement et que je ne passe pas ma vie à avoir des transferts multiples sur les gens qui peuvent être toxiques pour ma vie psychique « . Le patient va donc être plus vigilant et méfiant dans ses capacités à fabriquer un idéal.
Le transfert peut-il avoir lieu dans toutes les thérapies ou seulement en psychanalyse ?
Il a lieu dans toutes les thérapies. Sauf qu’en psychanalyse on se soucie de l’analyser et de le dissoudre. Tout le monde utilise le transfert, que ce soit en thérapie cognitive, comportementaliste… Ainsi la relation médecin-patient est en partie fondée sur ce transfert. Par sa personnalité et par le savoir qu’on lui prête sur nous-mêmes, nous effectuons un transfert sur le médecin. Dans de nombreux cas, les personnes pensant avoir une maladie, se sentent mieux rien qu’en ayant eu une ordonnance.
On peut donc faire des transferts dans tous les domaines de la vie quotidienne ?
Oui, à partir du moment où l’on suppose que l’autre a un savoir supplémentaire, il y a un transfert. Les prêtres en sont un bon exemple, puisqu’on leur prête un savoir sur ce qu’il se passe après la mort. Quand on a la foi, cela créé un transfert. On peut également transférer sur un membre de son entourage, et dans ce cas là, cela relève plus du domaine des rêves, comme il a été dit précédemment. Freud a montré que les personnages dans les rêves en remplaçaient d’autres et que, d’une certaine manière ils étaient tous une représentation de nous-mêmes, de nos désirs, de nos craintes…
Qu’est-ce que le contre-transfert ?
C’est la résistance de l’analyste à l’analyse. Cela l’empêche d’accueillir le transfert du patient. Quand l’analyste croit que ce qui est dit lui est directement destiné, cela le touche personnellement, il a une réaction défensive et le piège du transfert s’est refermé sur lui. L’analyste n’est alors plus en mesure d’analyser ce qui lui est dit. Ce sont les points aveugles de ce dernier, freinant la cure.
Jean-Pierre Winter, auteur de Choisir la psychanalyse, éd. Points
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