Quel avenir pour les pierres de couleur en haute joaillerie ?
Stars des dernières collections de la Place Vendôme, les pierres de couleur font face à de nouveaux obstacles de taille, entre exploitation artisanale, traçabilité difficile, fermeture des mines et report des salons de pierres pour cause de pandémie.
Des indigolites chez Chaumet, des kunzites pour Cartier, des appairages de saphirs violets et roses chez Louis Vuitton… Si le quatuor de tête (diamant, émeraude, saphir et rubis) continue à avoir la faveur des joailliers, force est de constater que les pierres de couleur se sont taillées une nouvelle place en vue dans les collections. Et pourtant leur utilisation ne date pas d’hier, avec une clientèle contemporaine qui s’est habituée à leur charme depuis les premiers mix & match de pierres de Victoire de Castellane chez Dior Joaillerie il y a déjà plus de vingt ans. Un nuancier très en demande donc, mais qui réserve quelques difficultés pour les gemmologues à la tête des grandes maisons de la Place Vendôme.
Transparence
Collier en platine et en or, aigues-marines (139 carats), diamants et béryls jaunes (121 carats), cristal de roche, collection Colors of Nature, Tiffany & Co.
Premier obstacle ? Le sourcing même de ces pierres. « Le voyage d’une pierre de couleur est bien plus compliqué que celui d’un diamant », précise Victoria Reynolds, la gemmologue en chef de Tiffany & Co. « Près de 80 % d’entres-elles proviennent de mines artisanales disséminées sur plus de 40 pays. Cela peut donc devenir compliqué d’en tracer la provenance. Mais tout comme nous le faisons pour nos diamants, nos clients méritent de savoir d’où provient leur pierre et nous sommes désormais capables de le faire » ajoute-t-elle. Des années d’investissements et de recherches minutieuses qu’ont donc entrepris des maisons comme Tiffany & Co ou Piaget. Cette dernière scanne et répertorie chaque pierre sur son propre système, pour pouvoir assurer une chaîne aussi éthique que possible.
Spécimens rares ?
Collier Majestic Plumage en or blanc,marqueterie de plumes, saphirs, spinelles et une tourmaline Paraïba de 7.49 carats, collection Wings of Light, Piaget.
Autre difficulté, la forte demande qui impacte inévitablement l’offre disponible comme le confirme Pierre Rainero, directeur de la haute joaillerie Cartier « Les prix ont beaucoup évolué dernièrement. Aujourd’hui une très belle aigue-marine ou une rubellite avec un caratage important commencent à atteindre des montants conséquents ». Et la fermeture de certaines mines pour cause de pandémie risque d’entraver encore un peu plus les choix créatifs des maisons. « Aujourd’hui, certaines matières deviennent difficiles d’accès, comme la belle turquoise ou les saphirs roses car les mines de Madagascar n’ont pas vraiment tourné depuis le mois de mars », rajoute le gemmologue de la maison Piaget. Certaines de ses commandes venues d’Amérique du Sud mettent d’ailleurs plusieurs semaines à lui parvenir suite à la restrictions des vols et des frontières, quand le marché du diamant, plus mécanisé, fait mieux face à ces problèmes opérationnels.
L’annonce de l’annulation des prochains salons de pierre, dont l’incontournable de Tucson en Arizona ne devrait pas faciliter la donne pour ces ateliers qui travaillent bien deux ans en amont d’une collection. S’il faudra donc en conséquence attendre quelques temps avant de ressentir ces changements, on pourra toujours compter sur la résilience et la créativité de ce monde joaillier qui saura puiser dans ses stocks ou penser différemment le temps que ces ressources se rechargent.
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