"Quand on aime vraiment, on le fait" : le chantage affectif de Norman Thavaud détaillé dans plusieurs nouveaux témoignages
Depuis presque un an, Libération enquête sur cette affaire.
Après avoir révélé lundi 5 décembre 2022 que le Youtubeur Norman Thavaud (alias « Norman fait des vidéos ») avait été interpellé et placé en garde à vue une journée dans le cadre d’une enquête préliminaire menée par la Brigade de Protection de la Famille (BPF), pour « viol » et « corruption de mineurs », le quotidien publie, jeudi 8 décembre, les témoignages de huit jeunes femmes.
Quatre de ceux-là sont actuellement « entre les mains » de la BPF, précise le journal. Les faits présumés décrits auraient eu lieu entre 2010 et 2018.
Un chantage affectif illustrés par plusieurs témoignages
Les propos recueillis par Libération, comme ceux diffusés deux jours auparavant par le Youtubeur « Roi des Rats », dessinent les contours d’un mode opératoire nourri par un chantage affectif.
Maggie Desmarais, Québécoise âgée de 17 ans au moment des faits présumés, a déposé plainte à l’été 2018 et a témoigné face caméra pour le média canadien Urbania l’an passé. À Libération, elle détaille l’emprise psychologique que le troisième Youtubeur français alors âgé de 31 ans exerçait sur elle, mineure et fan. Le vidéaste lui demandait d’envoyer des photos d’elle, chaque fois de plus en plus osées.
« C’était en dehors de mes limites et il le savait très bien. Mais quand je répondais à ses attentes, ce n’était jamais assez extrême pour lui. Au début je n’étais pas à l’aise en soutien-gorge, puis j’ai fini complètement nue. Et même nue, c’était ‘place-toi de cette façon-là », ‘écarte plus les jambes’… C’était toujours plus inapproprié », raconte la première femme à l’avoir accusé publiquement.
Il a utilisé sa notoriété et l’ascendant qu’il avait sur elle pour exiger d’elle qu’elle lui envoie des photos et des vidéos à caractère obscène.
« Il a utilisé sa notoriété et l’ascendant qu’il avait sur elle pour exiger d’elle qu’elle lui envoie des photos et des vidéos à caractère obscène », commente Me Clément Pialoux, avocat de Maggie Desmarais, sur le plateau de BFMTV.
Et lorsque Maggie Desmarais refusait, Norman Thavaud aurait rétorqué, selon l’interrogée : « Quand on aime vraiment quelqu’un, on le fait », lit-on encore dans Libération.
Zoé témoigne dans les colonnes du quotidien d’un comportement culpabilisateur similaire. Alors qu’elle refuse de lui faire une fellation, le Youtubeur lui aurait lancé : « Tu ne m’aimes pas vraiment, je me demande pourquoi je t’ai fait venir sur Paris, tu m’as pris pour un con ». « J’étais tétanisée », confie-t-elle.
Retrait non-consenti de préservatif
Toujours d’après ce témoignage, Norman Thavaud aurait retiré son préservatif au cours de l’acte, alors que Zoé lui aurait précisé la veille ne prendre aucun moyen de contraception. « Il m’a dit que la capote s’était percée, mais j’ai pourtant bien vu qu’elle ne l’était pas… Après, il m’a assuré avoir terminé dans les draps. Quand je me suis rendue compte que c’était faux, il m’a affirmé que c’était de la sécrétion vaginale. »
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Une troisième témoin, anonyme cette fois, estime également que le vidéaste a « tellement joué avec [s]a psychologie », alors qu’elle n’avait pas envie d’avoir un rapport sexuel avec lui : « J’avais intégré le fait que si je ne faisais pas ce qu’il voulait, c’était terminé. Donc j’ai accepté. »
Le Youtubeur aurait insisté pour que la jeune femme mette son string dans sa bouche, ce qu’elle aurait refusé. « Il m’a attrapée et tirée sur le côté du lit, et est allé dans son sac chercher un énorme pot de lubrifiant. Il a commencé à m’en mettre partout, j’étais écoeurée », poursuit-elle.
Des selfies amoureux et « spontanés » envoyés à plusieurs femmes
Norman Thavaud aurait confisqué son téléphone portable lors de leur rencontre. L’étudiante aurait remarqué avoir été renommée « Elea (le prénom a été modifié pour préserver l’anonymat) 18 ans Open » dans les contacts du vidéaste.
Même quand je n’avais pas envie, il me forçait. On devait faire ça de 20 heures à minuit. Sinon, il disait que j’étais asexuelle.
En couple quelques mois avec ce dernier, Alexandra, qui témoigne également dans Libération,dénonce à son tour un « chantage affectif », expression qu’elle emploie. « Même quand je n’avais pas envie, il me forçait [à faire une fellation ou à le masturber, ndlr]. On devait faire ça de 20 heures à minuit. Sinon, il disait que j’étais asexuelle. »
Réunies en association, qu’elles ont nommé « Les Audacieuses », les jeunes femmes qui accuse Norman Thavaud ont réalisé que les selfies qu’elle recevait de ce dernier, tourse nu et bouche en cœur, étaient identiques. L’homme faisait croire qu’ils leur étaient personnellement adressés, et envoyés spontanément.
Trois d’entre elles ont reçu le même cliché à la même heure, par exemple.
« Les Audacieuses » sont treize désormais. Deux d’entre elles ont rejoint le groupe ces derniers jours, à la suite des révélations de Libération.
Pour rappel, le parquet de Paris a indiqué que la procédure (ouverte en janvier 2022) concernait six plaignantes. D’après Libération, cinq d’entre elles accuseraient le vidéaste de 35 ans de viol, dont deux mineures au moment des faits présumés.
Norman Thavaud dément ses allégations et accuse Maggie Desmarais de l’accuser par pur déception et vengeance amoureuse. Il est présumé innocent.
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