Psychothérapie : la force du lien entre thérapeutes et patients

Parler de sa vie pendant des mois, voire des années, avec la même personne : c’est indéniable, cela rapproche. Mais quel lien peut-il exister entre un professionnel et son patient ? L’amitié fait-elle partie des limites à ne pas franchir ? 

Patients et thérapeutes : un objectif commun

« Connais-toi toi-même », disait Socrate. Une devise qui résonne dans la relation entre patient et thérapeute. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le professionnel part également en quête d’identité à travers son travail, comme l’affirme la thérapeute Sophie Touttée Henrotte, auteure du livre Voyage au coeur du lien. « Le début de ma formation de Gesalt-thérapeute a coïncidé avec ma séparation d’avec mon mari. Quasiment dans le même mouvement, je quittais le domicile conjugal et je m’engageais encore un peu plus dans la connaissance de moi-même », raconte-t-elle dans son ouvrage. Celle qui est aussi certifiée MBTI et Ennéagramme ajoute que son diplôme de coach lui a, en réalité, plus apporté sur le plan personnel que professionnel. « Autrefois, j’avais une propension à fuir la souffrance dans l’hyperactivité, ça me vidait. Aujourd’hui, si je me sens mal, je peux rester quarante-huit heures dans la solitude de mon cabinet », analyse la spécialiste.

Du côté des patients, la connaissance de soi sonne comme une évidence dans leur démarche de psychothérapie. Adèle, 30 ans, voit ses séances comme une façon de mieux appréhender ses émotions, d’être apaisée intérieurement. « Honnêtement, cela fait juste du bien de ‘vider son sac' », concède-t-elle. Pour la jeune Cassandre, qui suit une psychanalyse depuis plusieurs années, le son de cloche est sensiblement le même : « Je dirais que cela m’a permis de mieux me connaître, de comprendre certaines de mes réactions et comportements. C’est une grande prise de conscience sur soi-même et sur ses relations ».

Si patients et spécialistes peuvent dans une certaine mesure se réaliser grâce à l’autre, le lien qui les unit n’est pas pour autant familier ou amical. Mais alors, de quel ordre est-il ?

La nature du lien entre patients et spécialistes

La relation entre la personne accompagnée et son professionnel est d’abord vraie. « Il y a cette vérité dans mon lien à l’autre, dans ce que je veux donner », déclare la thérapeute Sophie Tattoutée Henrotte, en soif permanente d’authenticité. Mais ce fameux lien ne peut être le même partout, il est propre à chacun et dépend aussi du type de psychothérapie choisie.

« Je poursuis depuis un certain temps une psychanalyse, il y a donc une distance qui, peut-être, ne se retrouve pas dans le lien entre patient et psychologue. On peut dire que c’est une relation neutre, tout en étant très intime vu que ma psychanalyste connaît tout de ma vie », explique Cassandre. Ce côté « distant », Adèle ne l’a pas bien vécu et a préféré changé pour un suivi avec une psychologue : « Avant j’allais voir un psychanalyste, mais il me laissait juste m’allonger et parler toute seule sans jamais rien dire. C’est pour ça que je suis allée voir une psychologue ». Pour elle, une relation de confiance, d’écoute et de dialogue doit s’installer lors des séances. « Je peux lui poser des questions, je lui demande même des choses sur elle parfois. On a une relation personnelle je dirais », confie Adèle. Pour la trentenaire, créer un lien entre spécialiste et patient est indispensable pour poursuivre ses séances et se sentir à l’aise.

Si Cassandre admet aussi qu’une relation peut s’installer lors d’une psychothérapie, cette dernière pense que l’attachement provient plus souvent du patient. « Un psy n’est pas censé être ton ami », souligne-t-elle. Il faut néanmoins savoir que les limites du cadre professionnel peuvent également être franchies par le spécialiste. Et non pas juste par le patient.

Psychothérapie : des débordements possibles

« Difficile, parfois, pour un thérapeute, de tenir la frontière – dans la relation avec la personne accompagnée – entre la vie personnelle et la vie professionnelle. Au point que l’amitié s’installe. Quelques fois même, les rôles viennent à s’inverser », confesse l’auteure du livre Voyage au coeur du lien.

Cette dernière dévoile notamment dans son ouvrage sa relation avec Frank, une relation vite devenue inappropriée : « A mesure qu’on avançait dans la thérapie, ce patient qui m’appelait volontiers ‘sa reine’ ou ‘sa sauveuse’, parce qu’il se sentait redevable – je l’avais remis sur pied -, a fini par tomber dans le travers bien connu de l’Altruisme (…) autrement dit : se rendre indispensable auprès de moi ». Sophie Touttée Henrotte raconte que l’homme s’inquiétait pour elle, au point qu’il se voulait très présent dans sa vie : bricolage dans sa maison, appels téléphoniques répétitifs… Une présence que la thérapeute n’a pas su repousser : « J’avais été sa sauveuse pendant la thérapie et il devenait le mien ! J’étais tombée dans le panneau. Je me sentais mal dans cette situation », avoue-t-elle.

Ce fut le premier – mais pas le dernier -« débordement » de la spécialiste. Et, comme elle le décrit avec une sincérité sans pareille, « l »illustration vivante d’un phénomène répandu mais dont ne se vante guère : des liens puissants peuvent se nouer avec un patient ».

Pour aller plus loin : Voyage au coeur du lien, un livre de Sophie Touttée Henrotte, 19,90 euros, éditions du Panthéon.

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