Prix Solidarité Version Femina : Découvrez nos trois gagnantes
Cette année, nous fêtons les 20 ans de notre prix. Il récompense, au cœur de nos régions, des associations qu’il est particulièrement urgent de soutenir en cette période de crise sanitaire. Celles-ci sont toutes portées par des femmes. Seize candidates, parmi lesquelles notre jury et nos lecteurs ont élu : Loëtitia Mas, présentée par Nice-Matin, à qui seront remis 10 000 €, le premier prix, pour Une voix pour elles, qui vient en aide aux femmes victimes de violences. Sandra Pit, de DK Pulse, pour la Voix du Nord, qui se démène pour soigner les plus fragiles par le sport, remporte 5 000 €. Et Caroline Grossi, de L’Ecole à l’hôpital Ile-de-France, pour le Journal du Dimanche, qui permet à des enfants malades de ne pas rompre avec leur scolarité, reçoit 3 000 €. Mais place à leurs actions. Portraits…
LOËTITIA MAS – UNE VOIX POUR ELLES
« Tu n’es pas seule ! »
Atravers son métier de photographe, Loëtitia Mas, 44 ans, a le goût du bonheur, celui de la famille et de tous ces moments lumineux qu’elle saisit devant son objectif, loin du versant plus sombre qu’elle côtoie avec Une voix pour elles, l’association qu’elle préside pour venir en aide aux femmes victimes de violences. Dans une autre vie, Loë, pour les intimes, a travaillé dans l’action sociale et l’insertion : il n’y a pas de hasard… Mais, comme souvent, c’est une rencontre qui provoquera un autre déclic. « J’ai fait la connaissance de Marie et de Gabrielle* à une fête communale. Notre coup de foudre amical a donné naissance à l’association en 2019 », confie Loëtitia, qui a mis plus d’un an à avouer à ses amies la résonance de son engagement avec son drame d’enfance. Un père « ultra-violent », une ordonnance de protection, la peur d’une fillette de 8 ans…
Conjuguer les forces
« Il est très important d’en parler avec les miens, ce n’est pas un tabou », dit Loëtitia qui, pudiquement, préfère réserver son histoire à sa sphère intime. Libérer la parole, nos trois « drôles de dames » ont commencé par là, dans leur local de Peymeinade, dans les Alpes-Maritimes, avant de s’attaquer à faire bouger les choses sur le terrain. Parce que c’est là que ça se passe. « On entend souvent que “c’est à monsieur de s’en aller, que le juge a rendu une décision pour ça”. Il y a des règles, il faut rentrer dans les cases. Pourtant, il n’y a pas de réponses toutes faites. Certaines femmes ne veulent pas retourner chez elles. D’autres partent avec les enfants sous le bras pour fuir un mari violent, se ravisent, là on les perd », déplore Loëtitia. Le phénomène d’emprise ?
Il masque souvent le manque de moyens. Alors à problème économique, solution pratique : d’abord, organiser un déménagement sous escorte policière. Puis, entreposer les effets personnels dans un box, le temps nécessaire. Une association prête les bras, une autre un véhicule, une autre encore propose une famille d’accueil pour l’animal de compagnie que l’on a peur de laisser derrière soi, une dernière fournit gratuitement les croquettes. La structure d’accueil cherchera un logement, mais il faudra du matériel de puériculture, un frigo, des vêtements, des vivres… « On ne voulait pas ajouter des solutions à celles qui s’empilent déjà, mais créer un maillage qui conjugue les forces des associations. Les femmes victimes de violences conjugales ont souvent du mal à demander de l’aide », dit Loëtitia, en évoquant cette mère de famille qui s’excusait que ses affaires soient trop lourdes : toute sa vie tenait dans deux sacs en plastique.
Des détails qui comptent
Il faut leur donner des coups de pouce, comme ce kit d’hygiène gratuit, « Une box pour elles », distribué lors du premier confinement : shampooing, dentifrice, déodorant, crème… Que du bio ! « Un vrai cadeau », affrme Loëtitia. En découvrir le contenu quand on débarque, paniquée et perdue, en centre d’hébergement d’urgence, c’est le genre de « détail » qui fait du bien. Comme ces phrases, traduites en sept langues, qui rythment un guide pratique, glissé dans la box, sur toutes les structures d’aide en Paca : « Tiens bon », « Tu n’es pas seule »… Un vendredi soir, en plein été, le téléphone a sonné. « On nous signalait une maman en larmes sur un banc avec ses deux enfants de 4 ans et de 18 mois. Le 115 était plein, tout était fermé, les hôtels conventionnés complets. On a fini par lui en trouver un sur Booking, financé avec notre réserve d’urgence, le temps qu’une structure prenne le relais. Elle aurait dormi dehors si l’on n’avait pas été un maillon entre son départ et le moment où elle a réellement pu entamer un processus de reconstruction, raconte Loëtitia, reconnaissante… Cette énergie que ces femmes nous donnent, celle qu’on leur rend, cette incroyable force féminine que l’on rencontre chez nos partenaires, c’est un moteur puissant », s’enflamme-t-elle. Une autre façon de le dire et de photographier la vie : « Non, tu n’es pas seule… et tu ne le seras plus jamais ! » * Marie Steichen et Gabrielle Marty.
EN SAVOIR PLUS Sur le site unevoixpourelles.com et sur la page Facebook de l’association.
SANDRA PIT – DK PULSE
« Le sport, c’est du soin ! »
Avec Sandra, 39 ans, ceinture noire de judo, on peut voir la vie en rose, la couleur de son bus itinérant, reconverti en salle de sport. Il y a de la joie dans le bleu de ses yeux qui pétillent. Une pêche d’enfer pour remettre en selle les plus fragiles, des femmes et souvent des hommes qui, après 60 ans, n’osent pas pousser la porte d’une salle de gym, ici, à Dunkerque et dans la région. « Or, le sport fait aujourd’hui partie des prescriptions médicales dans bien des pathologies (cancers, suites d’AVC ou d’infarctus, séquelles dues au Covid-19…), non remboursées par l’Assurance maladie », déplore-t-elle. Mais où pratiquer quand on n’a pas les moyens ?
Un coach, ça fait chic !
C’est là que DK Pulse, fondée en 2014 par Sandra, intervient. L’association propose une séance à 2 € à domicile, au local de Cappelle-la-Grande, dans des salles communales ou dans le bus itinérant. Et pour arriver à ce tarif, proposé à cinq cent cinquante personnes par semaine, avec du matériel adapté (tapis de marche, vélos d’exercices…) et dix salariés (tous diplômés d’un master en activité physique adaptée et santé), il faut rechercher des fonds, avoir de l’endurance et de la motivation. Sandra a puisé la sienne dans ses origines modestes, en voyant sa mère affronter un jour la maladie sans les moyens finan-ciers de se rééduquer par le sport. Maintenant, la septuagénaire ne manque pas un rendez-vous. Il y a les séances à domicile, mais aussi les balades en forêt et les sorties de groupe… 100, 200 ou 500 mètres de marche nordique, même avec une canne ou un petit déambulateur. De quoi reprendre confiance pour, tout seul, aller chercher son pain ou son journal. « Travailler l’équilibre, le renforcement musculaire, le souffe, c’est rester autonome plus longtemps », lance Sandra, embarquée sur un nouveau projet né de la rencontre avec Matéo, 16 ans. « On l’a accompagné pendant un an, jusqu’à la rémission, pour l’aider à pallier la fonte musculaire qu’entraînait une chimiothérapie. Maintenant, on veut aussi travailler en oncopédiatrie, être là quand les enfants sortent de l’hôpital, les aider à regagner du tonus et à retrouver le chemin de leur club de foot. On y met beaucoup d’affect, forcément. Avec eux, on parle de “coach sportif ”. Ils adorent l’idée d’en avoir un rien que pour eux, ça fait chic ! », rigole la jeune femme, qui dit son amour des enfants, ceux des autres et les siens, trois déjà, et tellement enthousiaste à l’idée d’en avoir un quatrième. Quelle énergie, une vraie championne, et ça requinque !
EN SAVOIR PLUS Sur le site dkpulse.com et sur la page Facebook de l’association.
CAROLINE GROSSI – L’ECOLE A L’HOPITAL ILE-DE-FRANCE
« Pas de double peine pour les enfants malades »
Passe ton bac d’abord », c’est en général ce que l’on dit à un ado. Mais pas quand la maladie survient, comme pour Théo, 17 ans, à qui l’on découvre une leucémie en début d’année scolaire. L’urgence est ailleurs : « Soigne-toi avant tout, tu referas une terminale l’an prochain. » Pour l’adolescent, c’est la double peine : malade… et hors circuit. Des exemples comme celui-ci, Caroline Grossi en a beaucoup depuis six ans qu’elle est adhérente à l’association L’Ecole à l’hôpital Ile-de-France, dont elle est, depuis deux ans, la présidente. A 55 ans, cette mère de quatre enfants, longtemps représentante des parents d’élèves, a tout pour nouer ce lien entre l’école et l’hôpital : l’expérience de l’univers scolaire et le goût de l’engagement qu’elle partage avec Joséphine Piat, directrice générale.
Beaucoup d’admiration aussi pour Marie-Louise Imbert, cette enseignante qui créa l’association en 1929, avec l’idée d’« apporter à l’esprit ce que d’autres apportent au corps ». Caroline le formule à sa manière : « Le médecin donne la vie aux enfants hospitalisés, nous leur donnons un avenir. » Bien sûr, il faut que le praticien soit d’accord, car c’est lui qui prescrit les cours, jamais les parents.
Quand apprendre fait partie de la thérapie
S’ensuit l’organisation d’un parcours entièrement gratuit pour les 5-25 ans, quelle qu’en soit la durée, à l’hôpital ou à domicile : les quatre cent cinquante professeures bénévoles en Ile-de-France – pour le moment que des femmes à 70 % retraitées – s’exercent à une autre manière d’enseigner. « Beaucoup affrment qu’après cela elles ne seraient plus les mêmes en classe », commente Caroline, pour qui cette révélation naît d’un maître mot : bienveillance. Parce qu’il faut s’adapter au niveau de l’enfant, à sa fatigue, aux soins, à ses goûts, lui redonner confiance… La pression scolaire, qu’il a souvent connue avant, retombe. « Cela n’empêche pas les exigences et de suivre le programme, précise Caroline Grossi. Sauf en pédopsychiatrie. Avec la crise sanitaire, des services sont débordés et notre action auprès de ces jeunes, les équipes nous le disent, fait partie de leur thérapie. Mais il nous faut revoir les manières d’apprendre, utiliser la musique, l’art, la philo, nous devons être innovants pour les mener vers un projet. » Le but est le même : trouver sa place, ne pas perdre pied. A une époque qui paraît loin maintenant, Théo a passé les épreuves de son bac S à l’hôpital… qu’il a obtenu avec mention très bien. Sans oublier le principal : il est guéri.
EN SAVOIR PLUS Sur ecolealhopital-idf.org et sur la page Facebook de l’association. Par ailleurs, la FEMDH (Fédération pour l’enseignement des malades à domicile et à l’hôpital) regroupe les associations en France, femdh.fr
NOTRE JURY
(1) Marina Carrère d’Encausse, présidente du jury et aux commandes du Magazine de la santé, sur France 5. (2) Etienne Bertier, président du Conseil de surveillance de CMI France. (3) Catherine Matausch, présentatrice des JT du weekend, sur France 3. (4) Olivier Bogillot, président de Sanofi France. (5) Claire Léost, directrice générale de CMI France. (6) Emmanuelle Demarest, directrice de la rédaction de Version Femina. (7) Ingrid Kemoun, fondatrice de Jeveuxaider.com.
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