Pouvoir d’achat, pourquoi les inégalités entre hommes et femmes perdurent ?

Alors que les femmes sont les premières victimes d’une crise financière mettant à mal le pouvoir d’achat des Français·es, un Think Tank autour de ce thème s’imposait. Dès l’ouverture, deux « role models » dont les femmes ont cruellement besoin ont ouvert la voie au débat. Aurore Bergé – Présidente du groupe Renaissance à l’Assemblée nationale et députée de la 10e circonscription des Yvelines a montré que si « La lutte pour l’égalité progressait, il restait des combats à mener ». Et de remémorer par exemple, le projet de faire entrer l’IVG dans la constitution française, message fort pour toutes les femmes du monde. Dans les efforts à fournir pour l’avenir des femmes, on peut penser aux difficultés liées au pouvoir d’achat et aux inégalités salariales qu’elles subissent tout au long de leur carrière jusqu’à l’obtention de leur pension. « La retraite est le réceptacle de tout ce qui ne va pas en amont dans notre société », poursuit la politicienne, soulignant qu’elle peut faire l’objet de « 40 % de disparités des droits entre les sexes », conséquence de la non-prise en compte des absences potentielles pour congé(s) de maternité ou aidance familiale, tâches majoritairement assumées par les femmes. Découvrez l’interview d’Aurore Bergé ici.

Quant à Marlène Schiappa – Secrétaire d’État Chargée de l’Économie Sociale et Solidaire et de la Vie Associative, elle a montré dès l’entrée de son discours comment les lois interdisant la discrimination entre hommes et femmes existent, mais ne sont pas respectées. « C’est un message que j’adresse aux recruteurs et aux entreprises : proposez un salaire équivalent à compétences et postes égaux, qu’on soit un homme ou une femme », a scandé celle qui s’étonne qu’on en soit encore à recourir aux anciens bulletins de salaires pour fixer le montant d’une paie, notamment dans la fonction publique. La ministre constate aussi, avec regret, que les femmes sont conditionnées à réagir différemment face à l’épargne. Un propos démontré par la journaliste Titiou Lecoq dans son livre (Le Couple et l’argent – Pourquoi les hommes sont plus riches que les femmes – Ed de l’Iconoclaste). En effet, au-delà des inégalités de salaire, les femmes ont aussi un rapport différent à l’argent. Elles investissent dans les biens utiles à toute la famille (produits alimentaires ou d’hygiène, vêtements et activités des enfants…) avant leurs propres besoins et remboursent en priorité les crédits. Les hommes, eux, privilégient la voiture, la high-tech ou les investissements boursiers. Résultat : en cas de séparation, l’homme repart avec une voiture et la femme… avec des pots de yaourt vides.

Retrouvez la première conférence : Les femmes face à l’inflation. Quels rôles pour les entreprises et les pouvoirs publics ? 

Pourquoi les femmes sont-elles les principales victimes de l’inflation ?

Animée par Valérie Hoffenberg, cette table ronde devait apporter des réponses à cette question et étudier le rôle des entreprises et des pouvoirs publics pour contrer cet état de fait. « 51 % des femmes déclarent pouvoir financer leurs dépenses jusqu’à la fin du mois contre 75 % des hommes », rappelle la modératrice. En cause ? Des salaires inférieurs à niveaux de compétences égales, des carrières souvent plus courtes (travail à mi-temps) et/ou hachées de pauses (congés de maternité, aide à un proche…). « Des inégalités accentuées par les crises sanitaires et le conflit en Ukraine », souligne Stéphane Travert, député (Renaissance). Si quelques grands groupes ont accordé des augmentations aux salaires les plus bas, cela reste insuffisant face à des hausses de prix très élevées : + 20 % pour les œufs, + 7 % pour le petit électroménager. Or, pour Soliane Varlet, gestionnaire de fonds actions investissement socialement responsable (Mirova), « Dans une période où l’économie est malmenée, aucune entreprise ne peut se passer de talents féminins, car il est prouvé que plus de diversité garantit de meilleures performances ». Les femmes étant celles qui, le plus souvent, gèrent les achats du quotidien, elles ont une perception très différente de l’inflation : pour 25 % d’entre elles, nous serions à + 10 % d’inflation, alors que 7 5% des hommes pensent que l’inflation est inférieure à 5 %. « Quand le foyer n’a qu’un seul véhicule, ce sont elles aussi qui en subissent les conséquences, elles doivent prendre des transports en commun, moins sûrs pour leur sécurité » rappelle Sandrine Charnoz, cheffe de projet de lutte contre le harcèlement sexuel dans les transports (RATP). Quels sont les leviers des entreprises ? Un exemple : chez Amazon, des protections hygiéniques sont mises à disposition gratuitement pour toutes les employées. Du côté des consommatrices, le revendeur assure que « les acheteuses ont continué à se fournir en objets du quotidien sans trop dépenser en cherchant le meilleur prix sur le site, notamment au moment du Black Friday », explique Élise Beuriot, responsable du programme Amazon Future Engineer (Amazon).

Les propositions concrètes de nos invités pour aller plus loin :

  • Stéphane Travert – « Accompagner les mères célibataires en situation de vulnérabilité économique et sociale avec des lieux d’accueil spécifiques. »
  • Sandrine Charnoz – « Rendre l’Index Pénicaud plus contraignant pour ceux qui ne jouent pas le jeu, sachant qu’il est aujourd’hui un vecteur de valorisation pour les entreprises. »
  • Soliane Varlet – « Orienter les jeunes femmes vers des filières scientifiques en partenariat avec les écoles en leur présentant des modèles inspirants. »
  • Elise Beuriot – « Accorder à l’Éducation nationale les moyens d’attirer les filles vers la tech avec des enseignants inspirants et formés pour s’adresser à tous les publics. » Découvrez son interview ici.

Retrouvez la deuxième conférence : Salaires, retraites, prévoyance – Comment réduire les inégalités entre les femmes et les hommes ? 

Réduire les inégalités de salaire entre hommes et femmes

On estime que l’écart de salaire moyen entre hommes et femmes serait de 16,5% dans le privé et 14% dans le public. Des chiffres qui, malgré les combats féminins et la mise en place de réglementations (Index Pénicaud) ne baissent pas. Des raisons suffisantes pour établir une table ronde animée par la journaliste Capucine Graby pour savoir comment lutter contre les inégalités de salaires au cours de sa carrière et à l’heure de la retraite.

« Dans nos sociétés, on ne progresse que si on mesure les choses, sinon cela n’existe pas » indique Elisabeth Richard, Directrice des Relations avec la Société Civile (Engie) et membre du Haut Conseil de l’Égalité. La mise en place de l’Index a été la preuve probante d’un écart salarial et en théorie, il devrait pouvoir faire respecter les quotas en fonction des sexes, sans tenir compte des absences liées à la maternité. De grandes entreprises ont mis en place des politiques de rééquilibrage. « Pour gommer les écarts de salaires, une enveloppe de 10 millions d’euros a été débloquée depuis 2006, puis 2 millions d’euros supplémentaires pour réduire de nouveau les écarts dès le recrutement des nouveaux collaborateurs entre 2021-2023 » assure Richard Chatelet, Directeur Général Réseau Prévoyance & Patrimoine (Axa France), dont la société d’assurance et de prévoyance, cherche à atténuer l’univers très masculin en féminisant au maximum ses équipes.

Mais comme l’expliquait Titiou Lecoq, l’écart salarial ne justifie pas la seule richesse des hommes. Pour l’autrice, « l’écart de patrimoine va en s’aggravant aussi parce qu’on a biologisé les fonctions assumées par les femmes, dont on considère qu’elles les prennent en charge de manière naturelle. Au contraire, quand on passe par les hommes, il y a une revalorisation financière qui se fait ». De manière générale, la féminité c’est le don de l’autre, cela ne vaut rien sur le marché du travail, alors que la masculinité est une qualité acquise, qui peut se faire valoir.

Les femmes face à la réforme des retraites

À l’heure où la France s’apprête à remanier son système de retraite, la situation des femmes est préoccupante : elles représentent « 65% des personnes au smic, 80% des temps partiels et occupent l’immense majorité des métiers d’utilité domestique, mal reconnus » indique Astrid Panosyan-Bouvet, députée (Renaissance). Ces femmes ont le plus à craindre de la réforme en cours (le projet d’une pension minimale à 1200€ bruts concernera 1,8 millions de bénéficiaires dont 60% seront des femmes). « La retraite n’est revalorisée que pour les personnes ayant eu des carrières pleines et pu valider tous leurs trimestres » regrette Audrey Tcherkoff, présidente exécutive de l’Institut de l’Économie Positive. Retrouvez l’interview exclusive d’Audrey Tcherkoff ici.

Les propositions concrètes de nos invités pour aller plus loin :

  • Astrid Panosyan-Bouvet – « Faire évoluer les méthodes de recrutement : retirer l’âge sur le CV et ne plus demander aux candidats le montant de leur dernier salaire. »
  • Elisabeth Richard – « Protéger les femmes à des moments clefs de leur carrière (baby blues, retour de congé maternité, ménopause) afin qu’elles ne soient pas discriminées. » Retrouvez son interview ici.
  • Richard Chatelet – « Mettre en place des services en téléconsultation et des documents administratifs accessibles sur smartphones. » Retrouvez son interview ici.
  • Titiou Lecoq – « Faire preuve de plus de transparence en entreprise en donnant les grilles de salaire afin d’éliminer tout risque d’inégalité. »
  • Audrey Tcherkoff – « Revaloriser l’indemnité du congé parental et le prolonger pour compenser les interruptions d’emploi et les temps partiels qui suivent les naissances. » Retrouvez son interview ici.

Benjamin Haddad : « Il faut oser casser les codes ! » 

Le député a clôturé ce Think Thank en rappelant que l’égalité était au cœur de l’actuel quinquennat. Mais il faut aller plus loin encore. « La société civile a un rôle fondamental à jouer afin de faire sauter les tabous et imposer des quotas. Il faut pousser les politiques trop conservateurs et prudents » a-t-il conseillé.

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