Pourquoi « racisé », « émoji » et « click & collect » entrent dans le dico

« Covid-19 : n.f. ou n.m. » Quand il s’agit de définir le genre de LA star de ces derniers mois, le Petit Larousse ne se mouille pas trop. Ainsi, dans sa nouvelle édition 2022, le dictionnaire ne tranche pas entre « 
la recommandation de l’Académie française » et « l’usage ».

Si iel a animé les débats linguistiques, le.la Covid-19 a aussi accouché de nombreux nouveaux mots ou sens que le dictionnaire a dû intégrer à sa nouvelle mouture. « D’habitude, on se fixe un quota de 150 nouveaux mots et sens à chaque édition, explique Carine Girac, directrice du département langue française de Larousse. Cette année, on est à plus de 170, à cause de la pandémie qui a bouleversé notre quotidien et donc notre façon de parler. L’évolution de la langue a été accélérée par la pandémie. Plus de la moitié des nouveaux mots et sens de mots ont un lien avec le coronavirus. »

Aux termes médicaux passés dans le langage courant (nous sommes tous devenus des experts de « cluster » et « immunité » tout en sachant épeler « asymptomatique » sans trembler), il y a aussi les mots qui prennent un nouveau sens dans notre nouveau monde : « confiner », « couvre-feu », « jauge »… Par exemple, « masque » a droit à une nouvelle entrée. « Auparavant, ce mot avait une connotation festive, il s’agissait de se dissimuler pour s’amuser. Aujourd’hui son sens a complètement changé. Le mot a connu une révolution, on ne reviendra pas en arrière. Même les jeunes enfants auront connu, au quotidien, ce nouveau sens d’un mot qui jusque-là servait pour le carnaval… Nous faisons un dictionnaire de l’usage, un dictionnaire de la langue telle qu’elle est parlée aujourd’hui, la langue du monde dans lequel on vit. »

« Émoji » et « click & collect »

Contrairement à son habitude, le Petit Larousse a donc décidé d’intégrer dès cette année de nouveaux mots liés à l’actualité. « D’habitude, on a toujours un peu de retard pour éviter les effets de mode, raconte Carine Girac. Par exemple, « émoji » ne fait son entrée dans le dictionnaire que cette année. On essaye de ne pas retirer de mots à nos éditions, sauf pour les grosses refontes, tous les 15 ans environ. Mais là, le vocabulaire de la pandémie est entré de manière si massive dans nos vies qu’il aurait été incongru de ne pas l’intégrer. »

Pour ce faire, le comité éditorial du Petit Larousse a opéré, en quelque sorte, en double aveugle… « Nous avons un critère quantitatif, avec les occurrences de chaque mot que l’on retrouve sur certains terrains. Puis un critère qualitatif pour définir si ces termes ne sont pas uniquement utilisés par des sphères ou communautés restreintes. Pour ce second critère, on utilise beaucoup la presse généraliste qui devient un reflet de l’usage populaire des termes. »

C’est ainsi que l’anglicisme « click & collect » a été préféré au « cliqué retiré ». « Nous notons toutefois dans la définition du terme que l’Académie a une recommandation en français et qu’elle gagne du terrain. Dans quelques années, nous retirerons peut-être le terme anglais « click & collect » qui sera tombé en désuétude au profit de « cliqué retiré ». Ça arrive souvent avec les anglicismes. »

« S’enjailler » et « racisé »

Autre foyer inextinguible de nouveaux mots pour le dico, la francophonie. Le Petit Larousse 2022 intègre ainsi « s’enjailler » « cari » et « tisaneur », entre autres… « La langue française est de plus en plus dynamique grâce à la francophie, observe Carine Girac. Longtemps, l’invention lexicale francophone nous est venue du Québec ou de Belgique. Aujourd’hui, elle vient du bassin francophone de l’Afrique, du Maghreb. Il y a par exemple, le terme « agender » qui signifie « noter dans son agenda ». Il y a ainsi de nombreuses créations lexicales plus courtes et plus toniques que nos périphrases. Avec les réseaux sociaux, mais aussi la musique, ces nouveaux mots circulent beaucoup plus vite. »

Enfin, comment ne pas revenir sur l’entrée du mot « racisé », dont la signification, mal connue ou détournée parfois à dessein, suscite des polémiques. « Il est beaucoup utilisé depuis au moins trois ans, nuance Carine Girac. Il nous a fallu du temps pour le définir, pour bien en comprendre toutes les nuances. On n’a pas rentré le terme pendant les débats les plus virulents pour avoir du recul sur sa signification. »

Vivement l’année prochaine et l’arrivée de l’occurrence « islamo-gauchisme ».

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