Pourquoi manger des aliments de saison est meilleur pour la santé
« Acheter des melons en plein mois de décembre ? C’est une hérésie, tout simplement » C’est une réflexion que l’on peut aisément décliner selon les légumes et les mois de l’année et que l’on entend de plus en plus souvent.
Car oui, depuis plusieurs années, manger « de saison » est de nouveau à la mode. Circuits courts, commerce de proximité, production locale : les consommateurs se tournent de plus en plus vers une alimentation équilibrée et sensée.
L’objectif affiché ? Vivre en phase avec la nature et profiter de ses richesses. Mais manger de saison, ce n’est pas juste mitonner de bons petits plats à base de légumes anciens. Poissons, viandes et même aromatiques, répondent également à des cycles naturels qu’il est bon de respecter, tant pour la nature que pour répondre aux besoins alimentaires de notre organisme. “L’homme est un être vivant qui va évoluer au cours des cycles, au même titre que l’animal et le végétal, explique de prime abord Emilie Felix-Getz, fondatrice de l’Académie Wayo*.
Manger des légumes de saison, le secret d’une diététique équilibrée
Sécheresse estivale, humidité de l’automne, notre corps est tributaire des variations externes et inévitablement, les carences ne sont pas les mêmes selon les périodes. Alors, de la même manière que l’on mettrait un bob en été et un pull en laine en hiver, il faut adapter son alimentation. Et c’est bien évidemment dans la nature qu’il peut puiser les ressources dont il a besoin, notamment pour faire face aux agressions extérieures (lumière, climat, bactéries, virus) ou intérieures (stress, fatigue) qui varient, elles aussi en fonction des saisons.
Preuve par démonstration : en pleine canicule, tout ce dont vous rêvez, c’est un verre de glaçons. Or, la meilleure panacée contre les affres de la chaleur n’est autre que le thé chaud à la menthe. “La menthe est une plante naturellement rafraîchissante. Mais, comme elle assèche aussi, il faut ajouter du sucre ou des pignons de pin qui sont des humidifiants”, complète Emilie Felix-Getz. Pignons de pin, qu’on récolte pendant les fortes chaleurs, et menthe qui se récolte de main à octobre. CQFD.
Pour Emilie Félix-Getz, le but d’adapter son alimentation en fonction des saisons est « de rétablir un microclimat interne dans notre organisme”. D’autant que, toujours selon elle, certains organes sont davantage en difficulté que d’autres au cours de l’année : en automne, ce sont les poumons par exemple. Pas si farfelu compte tenu des températures qui baissent, de l’augmentation de l’humidité et des virus qui se développent. Et c’est également à cette saison que les étals de marché accueillent les légumes-racines, bourrés d’anti-oxydants. « Ces légumes qui poussent vers le bas, qui vont puiser dans la terre les ressources nécessaires représentent l’énergie descendante. Après un printemps qui a exprimé le renouveau et l’été où tout s’ouvre vers l’extérieur, l’organisme a besoin de s’ancrer, de s’intérioriser », décrypte l’experte en diététique.
Emilie Felix-Getz continue en rappelant que « la nature nous donne ce qu’il faut au bon moment ». C’est pourquoi, plus il fait chaud et sec, plus on privilégiera des légumes d’été comme l’algue, la courgette, le concombre, le tofu ou des fruits comme la pastèque et le melon. A l’inverse, en saison froide on va essayer de réchauffer le corps avec des légumes d’hiver donc on privilégie les épices, ou le vin chaud par exemple !”.
Viandes, poissons, aromatiques, des aliments pour chaque saison
Et quand on parle de nature, cela ne s’arrête pas aux légumes et aux fruits : d’autres éléments naturels sont concernés par ce réglage minutieux de l’écosystème. C’est le cas notamment du monde animal.
Il y a deux ou trois générations, par exemple, le saumon fumé était une denrée si rare qu’on ne le servait qu’à de grandes occasions, alors qu’aujourd’hui, il suffit de se rendre au supermarché du coin pour en trouver. Pourtant, la pêche de ce poisson et de tous les autres d’ailleurs doit se faire dans une temporalité particulière, ce que les élevages de masse tentent de contrer.
Cette notion de cycle naturel du monde animal reste pourtant tangible dans certains pays qui sont restés très proches des modes de production et des cultures naturelles. La région des Balkans en fait partie. “Là-bas, tout le monde a quelqu’un de sa famille qui est éleveur, fermier ou qui cultive son lopin de terre”, témoigne Ecaterina Paraschiv qui nous parle depuis la Roumanie, dont elle est originaire. “Cathy” Paraschiv est aussi et surtout cheffe du restaurant parisien Ibrik et ne cuisine qu’en fonction des saisonnalités. “Il y a deux ou trois semaines, ce n’était pas encore la période des maquereaux en France, affirme-t-elle. Et chez nous, l’agneau (il s’agit ici de l’agneau pascal, que l’on consomme au printemps, ndlr) ne se consomme pas n’importe quand, puisque les chaleurs des femelles ont lieu sur des périodes bien précises. Pareil pour le poisson ; les carpes ne vont remonter le cours des rivières qu’à un certain moment. Il s’agit de respecter le rythme de la nature à tous les niveaux de la consommation.”
En effet, les agriculteurs, les éleveurs et les pêcheurs respectent les périodes de reproduction afin de maintenir un équilibre naturel. Et ce, à tous les niveaux de la chaîne alimentaire : des coquilles Saint-Jacques, dont la pêche est extrêmement réglementée et seulement autorisée d’octobre à mai, et pendant 45 minutes deux fois par semaines afin de préserver cette espèce, au Thon blanc que l’on pêche qu’en été et en automne. Cette logique s’applique aussi à d’autres aliments qui varieront selon les saisons : les aromatiques (le tilleul, la camomille, etc), le vin, le lait – qui dépendra de la manière dont les vaches ont été nourries et donc de l’état des pâturages (pareil pour les transhumances qui est le déplacement des moutons vers les zones où ils pourront se nourrir).
En fin de compte, que ce soit dans l’univers animal ou végétal, tous répondent à une sorte d’horloge interne parfaitement réglée.
Suivre les cycles naturels, une philosophie de la production et de l’alimentation
La consommation des aliments de saison répond en réalité une véritable philosophie : la vie en lien avec la nature. Plus on respecte l’ordre naturel des éléments, les saisons en l’occurence, plus la terre sera fertile.
Par exemple, pour enrichir les sols, il arrive que l’on plante des légumineuses qui fixent dans le sol l’azote de l’air et agissent comme engrais naturel. Et que ce soit par le biais de la mise en jachère (qui permet à la terre de se reposer entre deux cultures de céréales), ou de la permaculture (qui vise à recréer des écosystèmes pour respecter la biodiversité), le but est toujours de rester au plus proche de l’état sauvage afin de conserver la qualité des aliments.
Un exemple criant de cette relation à la nature se trouve dans les Géorgiques (“les travaux de la terre”), écrites par Virgile, auteur du Ier siècle après J.-C. Dans cet essai pastoral, poétique et didactique, il décrit les cycles des saisons, la vie végétale puis la vie animale. “Avant de fendre avec le fer une campagne inconnue, qu’on ait soin d’étudier au préalable les vents, la nature variable du climat, les traditions de culture et les caractères des lieux, et ce que donne ou refuse chaque contrée”, peut-on y lire dès les premières lignes.
Cette même philosophie se retrouve de plus en plus chez des agriculteurs et agricultrices qui défendent leur terroir, leur production raisonnée et l’utilisation de semences naturelles.
Conserver pour mieux consommer
Et puis, quand on veut vraiment manger des tomates en hiver, il y a des parades qui respectent la nature ! C’est encore notre cheffe roumaine qui en parle le mieux. “Il suffit de transformer un produit. La Roumanie, qui est un produit très chaud, produit une quantité importante de légumes comme les tomates et les poivrons. Au sortir de l’été, on ne peut pas tout consommer alors on met en bocal.”
Même logique pour les viandes et poissons pour lesquels il existe aussi des techniques de conservation efficaces : les salaisons et les fumaisons, qui rallongent de manière conséquente les durées de vie et on l’avantage d’anéantir la flore microbienne. Et c’est quand même bien mieux que d’aller faire pousser ses tomates hors-sol – “une tomate sans soleil, ce n’est pas vraiment une tomate à mes yeux”, maintient Caty Paraschiv – et d’élever des poulets de batterie sous lumière artificielle.
Triple récompense donc, pour ceux qui mangent de saison : la plaisir de déguster des aliments riches en goût et en apports nutritionnels, la satisfaction de participer à la préservation de la biodiversité. Et en bonus, l’assurance de payer ses aliments au bon prix, car ils n’auront pas faits des milliers de kilomètres pour se retrouver dans nos assiettes.
- Comment harmoniser notre assiette avec le rééquilibrage alimentaire ?
- Peut-on encore manger du poisson sans s’empoisonner ?
*Wayo, créatrice de parcours d’éveil pour chef en cuisine japonaise et diététique du vivant, afin d’apprendre à trouver un juste équilibre entre « plaisir, vitalité et respect de la Terre ». .
Source: Lire L’Article Complet