Pourquoi les grasses matinées nous font du mal
Vous ne vous réveillez jamais avant midi le week-end ? Et vous aimez ça ? C’est normal. Seulement problème : il se trouve que les grasses matinées nous feraient un peu plus de mal que de bien. Le point avec trois spécialistes.
Le week-end pour vous c’est sacré. Jusqu’à 11 heures, on peut vous entendre ronfler, parfois plus tard. Si vous pensez que ces grasses matinées vous permettent de récupérer de toute la fatigue accumulée durant la semaine, vous vous trompez. En février 2019, une étude publiée dans la revue américaine Current Biology, avançait que dormir davantage pendant les jours de repos retarderait la sécrétion de mélatonine dans le cerveau, l’hormone du sommeil, et diminuerait notre sensibilité à l’insuline, une autre hormone spécialisée dans la régulation du taux de sucre dans le sang. En clair, en dormant plus pour rattraper une dette de sommeil, on dérèglerait de nouveau notre horloge biologique interne, habituée pendant les cinq jours précédents à un autre rythme.
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Ces travaux font écho à ceux menés par l’université d’Arizona et publiés en juin 2017 dans la revue Journal of Clinical Sleep Medicine. En s’intéressant aux habitudes hebdomadaires de 984 adultes de 22 à 60 ans, les chercheurs ont mis en évidence que chaque heure de sommeil supplémentaire pendant les jours de repos augmente de 11% le risque de développer des maladies cardiovasculaires. Cette habitude, que certains scientifiques qualifient de «jet lag social», impacterait également l’humeur.
Faire « Paris-New York » en un week-end
«Les ruptures de rythme représentent un stress pour le corps et font effectivement le lit des maladies cardiovasculaires et du diabète de type 2. Se décaler de plus de deux heures chaque fin de semaine a des conséquences sur le métabolisme», confirme Sylvie Royant-Parola, psychiatre et médecin du sommeil. Selon la spécialiste, un décalage de cinq heures est une véritable agression pour l’horloge biologique.
En conséquence, vos grasses matinées vous fatiguent plus qu’elles ne vous reposent. «C’est un peu comme si vous étiez sur un fuseau horaire la semaine et un autre pendant le week-end. Cela équivaut à faire un aller-retour Paris-New York en deux jours», illustre la neurobiologiste Joëlle Adrien, directrice de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), à Paris.
C’est ainsi que sortir du lit le lundi devient un calvaire. «Il est facile de se coucher plus tard le vendredi soir, mais aller au lit plus tôt le dimanche soir pour être en forme le lendemain n’est pas possible puisque votre corps ne sait pas qu’il va se lever tôt.»
Insuffisance et mauvaise qualité du sommeil
Pour la neurobiologiste, les heures de sommeil de la matinée sont moins réparatrices. «Les quatre premières heures de la nuit sont les plus bénéfiques. Dans la matinée, le sommeil est plus léger et fragmenté par des micro-réveils dont on n’a pas conscience», souligne-t-elle. Olivier Coste, médecin du sommeil à Bordeaux, nuance cependant le propos : «Si nous sommes un couche-tard, nos quatre premières heures correspondent peut-être au début de la matinée et peuvent être tout aussi bénéfiques. Et il ne faut pas oublier que la fin de la nuit est tout aussi importante que le sommeil profond du début.»
Tous les spécialistes s’accordent à dire que vos longues nuits du week-end sont surtout le symptôme d’un manque de sommeil. «Ce n’est pas le fait de dormir jusqu’à tard les samedi et dimanche qui pose problème, mais les raisons pour lesquelles nous le faisons. Cela peut être dû à une dette de sommeil, à une mauvaise qualité des nuits ou bien à un décalage de son rythme biologique», affirme Olivier Coste. «Les grasses matinées des adultes montrent que le sommeil n’est pas suffisant pendant la semaine», ajoute Joëlle Adrien.
En pratique, comment faire ?
Rien n’est inéluctable. Malgré les chronotypes qui définissent vos habitudes de sommeil -couche-tard, lève-tôt, etc. – il est possible de s’adapter. «Un cadre strict et une routine permettent de se caler sur des horaires même s’ils ne correspondent pas à notre propre horloge», affirme Sylvie Royant-Parola.
Si vous n’êtes pas un couche-tard, votre rythme de vie peut également vous pousser à dormir davantage dès que vous en avez l’occasion : «Nous vivons dans une société de privation de sommeil où entre 30 et 45 ans nous voulons tout faire en une journée ; travailler, sortir, faire du sport et nous nous rattrapons le week-end. Mais cela prouve que nous ne dormons pas assez le reste du temps», souligne la psychiatre. Pour y remédier, Olivier Coste propose de se coucher plus tôt la semaine, «au plus près de ses propres besoins».
Pour se remettre d’une courte nuit sans perturber votre métabolisme, les spécialistes conseillent de faire une sieste dans la journée. «On peut mettre son réveil à 9 heures et dormir une heure après le déjeuner, plutôt que de se réveiller à 11 heures ou midi», conseille Joëlle Adrien.
Mais si pour certains irréductibles se réveiller avant midi le dimanche n’est pas négociable, Sylvie Royant-Parola rassure : «il n’y a rien de définitif, avec une bonne hygiène alimentaire et de l’activité physique, les grasses matinées ne vont pas autant nuire.»
*Cet article, initialement paru en juin 2017, a fait l’objet d’une mise à jour.
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