Pourquoi les amateurs d'art sont impatients que les musées rouvrent
- A Perpignan, le maire, Louis Aliot (RN), a décidé de rouvrir les musées municipaux ce mardi matin, malgré l’interdiction en raison de l’épidémie de Covid-19.
- Depuis de longs mois, leur fermeture a laissé orphelins les amateurs d’art, loin d’être consolés par les nombreuses collections en ligne pourtant proposées par les musées.
- « Lorsque l’on discute avec des visiteurs, on sent bien qu’ils ont envie de revenir », confie Françoise Adamsbaum, la directrice du Musée international des arts modestes situé à Sète.
A Perpignan (Pyrénées-Orientales),
les musées municipaux ont rouvert, ce mardi. Une dizaine de personnes attendaient, ce matin, devant le musée Rigaud pour voir l’exposition Portraits de reines de France. Si la décision précipitée du maire de la capitale catalane,
Louis Aliot (RN), a de grandes chances d’être retoquée par le tribunal administratif, elle a permis, ces dernières heures, d’ouvrir le débat.
Car la fermeture des musées, pour lutter contre la propagation du Covid-19, a laissé orphelins depuis plusieurs mois de nombreux amateurs d’art, que les visites à distance n’ont pas vraiment consolé. « Lorsque l’on discute avec des visiteurs, on sent bien qu’ils ont envie de revenir, confie Françoise Adamsbaum, la directrice du Musée international des arts modestes (Miam), à Sète (Hérault). Comme, avec l’épidémie, on a moins de contact avec les gens, on a besoin d’un contact avec les œuvres. Quand vous êtes dans une réunion en visio, c’est la même chose : rien ne remplace le contact humain. La proximité avec les œuvres d’art, surtout au Miam, où il y a de nombreuses installations, de scénographies, est essentielle. Rien ne remplace la présence physique dans un musée. »
« Une expérience sociale »
Charles, un Montpelliérain gourmand d’expositions, confirme ce besoin d’être au plus près des œuvres. Pour cet amateur d’art, si bon nombre de lieux ont permis l’accès, depuis le printemps, à des collections en ligne, cela « ne remplace pas le musée comme expérience physique ». « Se déplacer dans un lieu, y être consacré pleinement, ce n’est pas pareil, témoigne-t-il. On ne peut pas changer de page dans un musée, comme sur un ordinateur. Et cela nous préserve d’un mal du temps : la distraction. On s’y sent recentré aussi parce que les musées sont souvent des lieux magnifiques. »
Et, poursuit le Montpelliérain, arpenter les couloirs du musée Fabre, à Montpellier, du musée des Arts modestes, à Sète, ou du musée de la Romanité, à Nîmes (Gard), est « une expérience sociale ». « On se dit « Tiens, lui, il a l’air happé par cette photo », on entend discrètement les commentaires d’un guide devant une peinture, on suit un groupe, et hop, on se retrouve à contempler une œuvre qu’on aurait zappée », confie-t-il.
« Etre en contact avec l’œuvre »
Brandon, fou des peintures de la Renaissance, ressent lui aussi un vrai manque depuis que les musées ont fermé leurs portes. « J’aimais me balader, découvrir des choses, confie cet étudiant montpelliérain. Être en contact direct avec l’œuvre. » Pour Alham, une étudiante, habituée à visiter à Montpellier le musée Fabre pour ses études de lettres ou le Carré Sainte-Anne, « pour le plaisir, avec des copines », « la fermeture des musées décourage vraiment d’aller vers l’art ». « On s’en éloigne », regrette-t-elle.
« Qui n’a pas le souvenir d’une visite d’école dans un musée, avec ce moment magique où l’on passe de l’excitation d’une simple sortie, à celui où l’on est saisi par une peinture, une sculpture… Et où l’on réalise du haut de ses 10 ou 12 ans la grandeur et la beauté faite main », témoigne Stéphanie, qui n’a cessé d’arpenter des musées depuis toute jeune. Pour cette Héraultaise, à qui les musées « manquent », regarder une œuvre, sans intermédiaire, « c’est un peu méditer, les pensées bousculent et parfois, nous échappent. Je me souviens m’être surprise à penser dans une salle du musée d’Orsay comment j’allais pouvoir faire pour voler l’étalon blanc de Géricault. Oui, oui, le voler ! »
La digitalisation des collections « n’est pas négligeable »
Si Michel Hilaire, le directeur du musée Fabre, vaisseau amiral de la culture à Montpellier, reconnaît qu’il y a « une véritable impatience » de pouvoir à nouveau visiter des expositions, « comme pour tous les lieux de culture », la digitalisation des collections, à laquelle se sont employés de nombreux musées, a joué un véritable rôle ces derniers mois, assure-t-il. « Nous avons mis en place beaucoup de choses sur Internet, la plate-forme Fabre dans mon canapé, ou le podcast sur Frédéric Bazille, ont eu beaucoup de succès, confie le conservateur. Ce n’est pas négligeable. Bien sûr, cela ne remplace pas une présence dans le musée, et il nous tarde de retrouver le public. »
Notre dossier sur les musées
Lundi, la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, avait répété que les musées et les monuments seraient les premiers à rouvrir « quand nous aurons une décrue » qualifiant l’ouverture des musées à Perpignan d’« initiatives purement politiciennes ».
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