Pourquoi culpabilise-t-on de ne rien faire (et comment enfin arrêter de s'en vouloir) ?
- La "sur-occupation" est valorisée par la société
- Culpabiliser de s’arrêter ou la peur de se retrouver face à soi-même
- Les multiples vertus oubliées de l’oisiveté
- Quelles solutions pour enfin s’arrêter sans culpabiliser ?
Après une semaine de travail surchargée, vous avez passé votre début de week-end à faire votre ménage de printemps. Pourtant, alors que dimanche est déjà là, vous n’arrivez pas à vous arrêter. Du moins, pas sans culpabiliser. Comme de nombreuses personnes, vous vous punissez mentalement dès que vous vous reposez ou que vous ne faites « rien ».
Mais dans une société où nos quotidiens vont à mille à l’heure, cette culpabilité de l’inaction, qui touche les femmes en particulier, n’est pas sans conséquences sur nos vies (et sur notre psyché). Car si vous aussi vous faites partie de ces personnalités pour qui le repos et l’inaction s’associent automatiquement à la culpabilité, votre santé mentale et physique en seront fortement fragilisées.
Alors comment enfin s’arrêter et se libérer de cette tyrannie de l’occupation ?
La « sur-occupation » est valorisée par la société
Ne rien faire et prendre du temps pour se reposer est mal perçu dans nos société hyperactives. En effet, « on peut se sentir rejeté par la société en ne faisant rien car on fait le contraire de la plupart des gens. Pour certaines personnes ne rien faire peut d’abord être inconfortable […] surtout si la personne voit le monde autour d’elle être occupé », expliquait à Marie Claire Olga Mecking, journaliste et autrice de Le livre du Niksen (Ed. First, 2020) dans un article consacré à ce mode de vie.
Car quand nous ne sommes pas au travail, nous sommes à la salle de sport, au restaurant ou au cinéma, en train de profiter de nos activités, de voir nos ami.es, de nous occuper de nos proches ou encore de voyager. Nous ne sommes simplement pas, ou plus, habtiué.es à ne pas être débordé.e. “Gardez à l’esprit que l’adoption de la pratique de ne rien faire peut créer un certain inconfort parce que c’est un tel anathème pour le mode de vie que nous avons adopté pendant tant de décennies”, explique la psychologue Francine Toder à Psychology Today.
Une pression sociale de l’occupation culpabilisante. « On se sent vertueux.se et félicité.e lorsqu’on est actif.ve. Les gens disent ‘on peut compter sur elle, elle n’est pas paresseuse, au boulot elle est toujours en mouvement, à la maison, elle ne reste pas assise dans son canapé’. Les gens estiment l’activité et l’encouragent. Et si on s’arrête, on développe une sorte de syndrome de l’imposteur”, ajoute de son côté Laurie Hawkes, psychologue et auteure de Le sentiment d’être différent (Eyrolles, 2023).
Culpabiliser de s’arrêter ou la peur de se retrouver face à soi-même
Autre origine de cette culpabilité inhérente à l’oisiveté : nous ne pensons qu’à nous-même quand le tourbillon s’arrête. Un retour à soi dont nous avons peu l’habitude, comme l’explique Guy Burgs, organisateur de retraites silencieuses, au Guardian : “quand nous n’avons rien à faire, il ne nous reste plus que ce que nous ressentons. Nous nous distrayons donc de notre sentiment d’instabilité. À un moment donné, nous devons apprendre à être en paix avec ces sentiments, et nous ne pouvons pas le faire si nous continuons à nous occuper tout le temps”.
L’ennui, l’inaction et le repos sont finalement l’occasion pour nous de nous replier sur nous-même et de conscientiser nos émotions et ressentis, d’être notre seule et unique compagnie. Et cela nous angoisse car « nous avons oublié comment être avec nous-mêmes. Alors, quand nous avons ces moments pour respirer, pour prendre les choses en main, toutes nos pensées surgissent et nous commençons à penser », commente Giselle La Pompe-Moore, professeure de méditation et conférencière à Stylist UK.
Alors que pour certains individus, l’introspection peut s’avérer bénéfique. Voire même essentielle. « Vos pensées et vos émotions sont de précieuses sources d’information pour vous, et sur vous, pendant que vous ne faites rien. Bien que ce processus s’apparente à la méditation, l’objectif est d’embrasser et d’apprécier chaque instant de l’expérience plutôt que de se contenter d’évacuer les pensées”, ajoute de son côté la psychologue clinicienne Francine Toder à Psychology Today.
Les multiples vertus oubliées de l’oisiveté
De plus, nombreuses sont les vertus de l’oisiveté, comme nous éviter l’épuisement professionnel et émotionnel. Alors que “les risques sont nombreux si on tire trop sur la corde », alerte Laurie Hawkes, mieux vaut accepter les bénéfices du repos : « il a des bénéfices physiologiques, neurologiques. On laisse le cerveau ne pas être dans un travail constant. Mais il ne s’arrête pas pour autant, juste nous lui enlevons cette obligation de penser à tout », explique l’autrice.
Une pause bien méritée pour notre cerveau, qui s’installe alors dans son « mode par défaut ». Concrètement, ce dernier va se mettre à travailler sur les systèmes les plus profonds de l’organisme, c’est-à-dire « ce qui va permettre, par exemple, d’ancrer des souvenirs dans notre mémoire autobiographique, notre mémoire à long terme. Cela va également stimuler les pensées créatives« , détaille Damien Brevers, enseignant et chercheur en psychologie cognitive à l’Université de Luxembourg, à la RTBF.
Au-delà de ce « recâblage » essentiel de notre système, l’inaction nous aide à nous surpasser par la suite. Car « c’est à ce moment-là que vous accédez à la rêverie et l’errance de l’esprit, et c’est à ce moment-là que vous êtes plus susceptible d’obtenir la créativité », assure Sandi Mann, psychologue, au New York Times. Une rêverie et une errance mentale, permises par le repos et l’ennui, qui « nous rend meilleurs dans la résolution de problèmes, dans la recherche d’idées créatives », ajoute l’experte.
Quelles solutions pour enfin s’arrêter sans culpabiliser ?
Mais alors que les bénéfices de s’accorder du temps à ne rien faire, et/ou à reposer son corps et son esprit, sont nombreux, il n’est si facile de s’y atteler.
“Accordez-vous ‘un temps de rien’, un temps pour faire le rien. Le dolce farniente ressemble à ça, et c’est une très belle idée. Par exemple, allongez-vous, écoutez vos pensées, observez votre environnement. Il faut absolument se donner un temps de rien pour récupérer avant de repartir”, appuie Laurie Hawkes.
Et si vous êtes encore trop mal à l’aise à l’idée de ne rien faire du tout, allez vous promener dans un parc ou réservez-vous une journée au spa. Mais reposez-vous et éloignez-vous le plus possible des écrans, du bruit, de l’action. Des moments qui seront aussi peut-être l’occasion de travailler sur votre estime de soi, pour enfin accepter que vous valez quelque chose, même quand vous n’êtes pas occupé.e. Et pour arrêter de toujours prouver votre utilité et de vous justifier, félicitez-vous et gratifiez-vous.
Enfin, pour réussir à profiter de ces moments, arrêtez de vous excuser de prendre des pauses et vivez votre inaction pleinement. Sans oublier que tout apprentissage prend du temps, et que plus vous vous exercerez, plus vous prendrez du plaisir à l’oisiveté. « On jette à la poubelle la célèbre citation ‘l’oisiveté est mère de tous les vices’ et on pense au fait que si l’on ressent de la culpabilité, c’est bon signe, car c’est qu’on a déjà commencé à se reposer », conclut Laurie Hawkes.
Source: Lire L’Article Complet