Pourquoi a-t-on donné un nom d'aviateur au stade Roland Garros

Quand on dit Roland Garros, on pense tout de suite au tournoi de Tennis de Paris, à ses petites balles jaunes, et à ses arbitres qui égrainent les 15-30-40. Mais c’était qui Roland Garros ? De nombreuses personnes ne savent pas. Même certains tennismans (non français) interrogés lors de la quinzaine 2019 séchaient sur le sujet. Les noms des tournois reprennent le nom de la ville d’accueil. Au mieux, le stade est baptisé d’une ancienne gloire du tennis. Mais là non. On a choisi un aviateur. Et non, aucun rapport avec l’avion de chasse qui avait causé une « explosion » au-dessus du tournoi en 2020. Mais pourquoi cet aviateur ? C’est quoi son histoire ?

Roland Garros : son enfance

Roland Garros est né en 1888 sur l’Ile de la Réunion. Son père Georges, originaire de Toulouse, y est avocat. Sa mère, née Clara Faure, est originaire de Lorient.

Alors qu’il n’a que 4 ans et bien avant que les cris des joueurs ne retentissent au tennis, Georges Garros ouvre un cabinet d’avocat à Saïgon (en Cochinchine, ex Vietnam). La famille suit le père à Saïgon et la scolarité du petit Roland est assurée par sa mère.

Mais arrivé à 12 ans, problème : il faut faire passer Roland Garros au collège. Et des collèges français, à Saïgon, il n’y en a pas. Direction donc la France, et Paris pour être exact pour que Roland y suive sa scolarité. Sa mère et son père restent en Asie.

Donc, à 12 ans, il part en France, tout seul, sans ses parents. À peine arrivé au collège Stanislas de Paris, le jeune garçon tombe gravement malade (une pneumonie). Sans attendre l’avis des parents, Roland est transféré, toujours tout seul, dans un autre collège Stanislas, mais à Cannes.

Le climat du sud lui va mieux et il guérit. Ecolier accompli, il s’illustre dans différents sports… mais pas le tennis comme on pourrait le penser. Ses performances, il les réalise en cyclisme, et au football.

À 18 ans, il revient à Paris, pour terminer sa scolarité à Janson de Sailly (dans le 16ème arrondissement). Il poursuit ses études et sort diplômé d’HEC en 1908. Il s’y est lié d’amitié pour Emile Lesieur (qui va jouer un rôle dans le nom du stade de Tennis porte d’Auteuil). Emile Lesieur est donc un de ses amis d’HEC, international de rugby à XV, et membre du stade Français. Roland Garros pratiquera d’ailleurs le rugby… et pas vraiment le tennis.

Roland Garros : concessionnaire automobile

Ce que l’on n’a toujours pas évoqué dans l’histoire de Roland Garros, c’est sa passion pour la mécanique. Ainsi, après ses études, il ouvre un magasin de vente de voitures à deux pas de l’Arc de Triomphe à Paris. Son magasin affiche l’enseigne « Roland Garros automobiles – voiturettes de sport » et se situe avenue de la Grande-Armée. Il vend, il bidouille des moteurs, et il va même jusqu’à créer un nouveau modèle de voiture.

Roland Garros : la découverte de l’aviation

Un jour, en août 1909, il va voir à Reims un spectacle aéronautique lors de la Grande semaine d’Aviation de la Champagne.

Et là, c’est le coup de foudre… pour ces petits appareils volants. Aussitôt après, il commande son premier avion, le moins cher du marché : la Demoiselle Santos-Dumont. 9 mois plus tard, il reçoit enfin son avion et le stationne sur un aérodrome à côté de Paris : à Issy les Moulineaux.

Et Roland Garros, en autodidacte, apprend tout seul le pilotage.

Roland Garros : profession aviateur

Voilà Roland Garros, sans brevet de pilotage, qui est sollicité pour participer à des meetings aériens. Meetings qui le conduisent de Cholet à New York. Là-bas, il y retrouve un ancien camarade, John Moisant, rencontré sur l’aérodrome d’Issy les Moulineaux. John Moisant, et son frère Alfred, organisent une tournée d’exhibitions aériennes à travers les Etats-Unis. Ils embarquent Roland Garros dans l’aventure. Roland Garros a alors 22 ans, il vole tous les jours, sous toutes les météos, et il affine son art. Roland Garros sera alors surnommé « the cloud kisser » (celui qui embrasse les nuages).

C’est alors que Roland Garros s’amuse à faire tomber les records (notamment d’altitude) et à participer à des courses. Il est, entre autres, le premier pilote, à traverser la Méditerranée.

Il décolle le 23 septembre 1913 à bord d’un Morane-Saulnier de l’aérodrome de Fréjus-Saint Raphael. A bord, il embarque 200 litres d’essence et 60 litres d’huile de ricin. Malgré deux pannes qu’il répare en vol, il vole du sud de la France jusqu’en Tunisie, à Bizerte. La traversée de 780 kilomètres est bouclée en 7 heures et 53 minutes ( soit à une vitesse moyenne de 101 kilomètres à l’heure). A l’arrivée, il ne lui reste que 5 litres d’essence dans le réservoir.

Roland Garros : militaire

1914 – Enrôlement

En 1914 commence la Première Guerre mondiale. Il s’engage dans l’armée le 2 août 1914, et il est affecté à l’escadrille MS23. Ses premières missions sont du repérage, et quelques largages d’obus. En vol, les pilotes se tirent dessus avec des revolvers et des fusils. Puis une mitraillette est embarquée. Mais tirer et piloter en même temps n’est pas facile.

1914 / 1915 – Invention de la mitraillette qui tire à travers l’hélice

Avec un ami, il construit un avion avec une mitrailleuse qui tire à travers l’hélice de son avion. Le premier stratagème tient dans un blindage des hélices. Si une balle touche l’hélice, elle stoppe sa course, sans cisailler l’hélice. Puis en janvier 1915, il glisse le canon de la mitrailleuse dans le champ de rotation de l’hélice. Et voilà que le pilote peut piloter et tirer, en suivant les avions ennemis.

Après 3 victoires, il s’envole au-dessus de la Belgique, le 18 avril 1915. Son avion est touché par l’aviation allemande et il perd son carburant. Il doit atterrir, mais n’a pas le temps de « brûler » son avion. Il se fait arrêter par les Allemands qui, par la même occasion, découvrent le dispositif inventé. Dispositif que les ingénieurs allemands vont copier et améliorer, les faisant gagner la bataille du ciel en 1915 et 1916.

1918 – Evasion

Roland Garros restera en détention pendant 3 ans. Il est régulièrement changé de camps, comme toutes les fortes têtes, pour éviter de lui laisser le temps d’organiser une évasion. Pourtant, en 1918, il parvient à s’échapper du camp de Magdebourg.

Pour cela, il s’associe à un codétenu : le lieutenant Anselme Marchal. Ils se confectionnent de faux costumes d’officiers allemands. Anselme Marchal parle couramment allemand et ils dupent les sentinelles. De retour à Paris, Roland Garros est accueilli en héros. Il est d’ailleurs décoré du grade d’officier de la Légion d’honneur.

5 octobre 1918 – mort

La veille de son trentième anniversaire, il part en mission dans les Ardennes. Son avion est abattu et explose en vol. Roland Garros meurt à 29 ans et 364 jours, cinq semaines avant l’Armistice (11 novembre 1918). Son avion est retrouvé à Saint-Morel, et Roland Garros est alors enterré à Vouziers.

Pourquoi le stade Roland Garros a pris son nom ?

En 1927, les Quatre Mousquetaires (René Lacoste, Jean Borotra, Henri Cochet, et Jacques Brugnon) remportent leur première Coupe Davis. Ils en remporteront 6 d’affilée entre 1927 et 1932.

En 1928, la France doit accueillir la finale de la Coupe Davis. Comme les 4 Français dominent le tennis mondial, l’idée est de construire une enceinte digne de ce nom pour accueillir l’épreuve. Le lieu est choisi : porte d’Auteuil, à quelques hectomètres du club sportif : le Stade Français. Le Stade Français avait remporté l’appel d’offres de la ville de Paris pour la construction du stade.

Et parmi les directeurs du stade Français, on retrouve un certain Emile Lesieur (l’ami d’HEC de Roland Garros). Emile Lesieur accepte de financer la construction du stade, et d’engager ses biens personnels dans le projet. Mais il exige une chose : choisir le nom du stade. Pour cela, il aurait déclaré :

Je ne sortirai pas un sou de mes caisses si on ne donne pas à ce stade le nom de mon ami Garros.

Les internationaux de France ont été créés en 1891. Jusqu’en 1927, ils se tiennent au Racing Club de France et au Stade Français. Les internationaux de France sont alors baptisés tournoi de Roland-Garros qu’à partir de 1928.

Durant la Seconde Guerre mondiale, le stade Roland-Garros est réquisitionné. Il est utilisé comme « camp de transit pour étrangers jugés indésirables ». Depuis, les tournois se succèdent et les stars signent les caméras en fin de match. L’ombre de l’aviateur plane au-dessus de ces internationaux de France, avec d’autres noms, mais de tennismen cette fois-ci : Philippe Chatrier, Suzanne Lenglen… et cette fameuse coupe que l’on remet au vainqueur du tournoi masculin : la Coupe des Mousquetaires.

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