Post-partum : la vérité sur le séisme qui suit l'accouchement
Des «tranchées» aux brûlures, en passant par les douleurs liées à la montée de lait, Anna Roy, sage-femme et auteure de La vie rêvée du post-partum, détaille les bouleversements qui suivent l’accouchement.
Dans son dernier ouvrage La vie rêvée du post-partum (1), la sage-femme et chroniqueuse dans l’émission «La Maison des maternelles» sur France 5, Anna Roy, s’engage à sensibiliser les femmes aux semaines qui suivent l’accouchement. Une période cruciale, dont on parle encore trop peu. «Le premier mois post-partum est encore plus dur que l’accouchement ; 80 % des femmes sont effondrées», affirme pourtant la professionnelle. Tour d’horizon des principaux bouleversements liés à la mise au monde.
Cataclysme hormonal
Si les situations diffèrent en fonction des femmes et de leur accouchement, il faut en moyenne un an, pour que le corps retrouve son état précédant la grossesse, informe Anna Roy. «Il a tout à refaire et les six premières semaines sont impressionnantes à vivre. D’autant que durant la grossesse les femmes sont suivies, bénéficient d’examens médicaux, et qu’après la naissance, on leur dit « au revoir Madame » alors que leur corps est en moins bon état».
En première ligne, il y a bien évidemment les bouleversements hormonaux. Lorsque le placenta est expulsé en fin d’accouchement, les hormones de grossesse sont éliminées progressivement, selon que l’on allaite ou non. «Si ce n’est pas le cas, elles se rééquilibrent entre trois et six semaines environ. Une femme qui allaite troque un état hormonal pour un autre, mais les bouleversements hormonaux existent», indique la sage-femme. Ce séisme hormonal impacte l’état psychologique et physiologique de la mère, avec à la clé une grande précarité émotionnelle. «Il faut que les femmes se rassurent, ce baby blues est tout à fait normal, celles qui indiquent ne pas en pâtir m’inquiètent toujours», souligne la sage-femme.
Les montées de lait, provoquées par la chute des hormones placentaires après l’accouchement, rendent les seins extrêmement douloureux et ce, que l’on donne le sein ou non. Certaines ont l’impression que leur poitrine va exploser. La mécanique de l’allaitement n’est également pas toujours bien huilée, «provoquant des engorgements, des douleurs aux mamelons et au bout des seins, surtout durant les trois premières semaines», indique Anna Roy. Sans oublier la pression subie par certaines mères qui ne réussissent pas à donner le sein.
Contractions et saignements
Après avoir bougé durant la grossesse pour accueillir le fœtus comme il se doit, les organes et les muscles reprennent place à l’intérieur du corps. «Le périnée, sur lequel le bébé a pesé durant neuf mois, est lâche et ce même si l’on a accouché par césarienne. L’utérus, qui jusqu’à maintenant avait la taille d’une pastèque doit reprendre forme et retrouver sa taille de clémentine corse», image Anna Roy. Et ces modifications ne se font pas le plus discrètement du monde, entraînant des douleurs parfois intenses, à l’instar de celles issues des «tranchées», par exemple. «Ce sont des douleurs de contractions liées à l’utérus qui reprend forme et qui peuvent faire extrêmement mal durant les premiers jours. Elles sont généralement plus intenses après un deuxième ou un troisième enfant», précise Anna Roy. Des saignements peuvent aussi survenir et certaines femmes peuvent avoir des règles durant environ six semaines. Selon Anna Roy, plus de la moitié des mères peuvent également souffrir d’hémorroïdes après avoir donné naissance.
La cicatrisation de l’épisiotomie, des déchirures ou d’une césarienne, entraîne des douleurs, des brûlures, des picotements, des tiraillements, «durant une quinzaine de jours», précise la sage-femme. Par la suite, les douleurs peuvent persister, ainsi qu’une sensation de lourdeur, lorsque l’on marche ou que l’on porte une charge. Si la cicatrice externe de la césarienne se fait en dix ou quinze jours, celle, interne, demande un mois. La sage-femme note des complications durant les premiers mois et souligne l’absolue nécessité de se reposer. «Est-ce que l’on verrait quelqu’un qui vient de se faire ouvrir le ventre gérer l’intendance chez soi ? Non. Le principe est le même pour celles qui ont eu une grosse épisiotomie. On oublie que cette dernière est une plaie chirurgicale. Pour d’autres plaies, on a une convalescence de trois semaines et on se repose», dénonce-t-elle.
Accompagnement et repos
Pour vivre la période post-partum le mieux possible, Anna Roy est formelle : l’accompagnement des mères est essentiel. «Je rappelle que les femmes ont droit à cinq consultations de sages-femmes libérales remboursées par la Sécurité sociale, il faut y recourir».
La présence du second parent est aussi indispensable. La sage-femme déplore ainsi la durée actuelle du congé paternité (11 jours calendaires au maximum pour une naissance, 18 en cas de naissance multiple). «Il est inconcevable que les femmes se retrouvent au travail deux mois et demi après avoir accouché, c’est tout juste ce qu’il faut pour se remettre physiquement. Auparavant, les grands-parents aidaient, désormais la plupart d’entre eux continuent de travailler. Commençons par allonger le congé paternité. Les femmes sont trop seules après leur accouchement.»
* Cet article, initialement paru en février 2020, a fait l’objet d’une mise à jour.
(1) La vie rêvée du post-partum, d’Anna Roy avec la collaboration de Caroline Michel, sorti le 7 avril, (Ed. Larousse), 224p., 15,95 euros.
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