Plus de trente ans après, que vaut le célèbre régime Montignac ?
En assurant une perte de poids sans privation, le régime a été la méthode amincissante phare des années 1980. Mais qu’en est-il aujourd’hui, à l’aune des nouvelles connaissances ?
Si vous avez moins de 30 ans, ou que vous ne vous intéressez que très moyennement aux régimes et contenus d’assiettes en général, il est normal que la «méthode Montignac» ne vous dise rien. Voici pourtant un des premiers régimes amincissants français qui a séduit des millions de corps dans les années 1980, et affolé la sphère des nutritionnistes au passage.
Les ouvrages estampillés «Montignac» se sont vendus à plus de 25 millions d’exemplaires. Basée sur l’élimination des aliments trop sucrés, en optant pour les «bons» sucres et les «bons» gras, la méthode est vantée comme un véritable mode de vie, tout en restant vendue comme un régime. À l’heure où ce dernier est devenu la bête noire des experts en diététique, qu’en est-il réellement ? Faut-il toujours s’y fier ? État des lieux en 2021.
L’index glycémique, ennemi n°1
La méthode Montignac se base sur l’index glycémique des aliments, autrement dit leur effet sur la glycémie, la mesure du taux de sucre dans le sang. «On élimine ainsi les aliments à index glycémique élevé, comme le pain blanc ou les pommes de terre, pour privilégier ceux à index glycémique bas», informe Sybille Montignac, diététicienne formée à la méthode et fille du créateur.
Jusqu’ici tout va bien. «Michel Montignac a été l’un des premiers à parler de l’index glycémique. Ce qui est assez intéressant dans la mesure où l’on sait que les aliments très sucrés provoquent une hausse du taux de sucre dans le sang, qui, en redescendant très vite, donne faim et favorise le stockage des graisses», commente Florence Thorez, diététicienne nutritionniste. Même approbation pour le professeur Jean-Michel Lecerf, chef du service de nutrition de l’Institut Pasteur de Lille : «Le discours sur l’index glycémique est tout à fait admis et peut être adopté par tout le monde. Beaucoup d’études ont d’ailleurs montré que les aliments raffinés- à index glycémique élevé donc- sont plutôt associés à un risque accru de certaines pathologies ; sans que ce soit le seul élément à prendre en compte.» Le Pr Philippe Legrand, expert à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), et directeur du laboratoire de nutrition humaine de l’Agrocampus Inra, à Rennes, estime quant à lui qu’«attaquer les sucres à index glycémique élevé, est ce que l’on a fait de plus intelligent.»
« Un régime » contesté
Même si aujourd’hui, et encore plus qu’à l’époque, la méthode Montignac est vantée comme un mode d’alimentation à adopter au quotidien pour soigner sa santé, l’étiquette «régime» n’a pas été effacée, au contraire. Sybille Montignac estime d’ailleurs à 15% la proportion des adeptes qui le sont dans le but de maigrir. Dès la première page, le site officiel de la méthode invite le visiteur sceptique à lire des témoignages attestant de pertes de poids plus ou moins spectaculaires.
Dans la pratique, le régime est divisé en deux phases. Et si la seconde doit être suivie au quotidien et consiste «à manger de tout en s’assurant de consommer les « bons » sucres et « bons » gras», explique la diététicienne, la première est beaucoup plus restrictive. «Elle doit être suivie jusqu’à ce que l’objectif de poids soit atteint, en éliminant de son alimentation les aliments à index glycémique supérieur à 50», précise la professionnelle.
Et voici ce qui fâche. Le terme «régime», qui sous-entend interdits alimentaires et reprise du poids perdu une fois les aliments bannis réintroduits dans les assiettes. «D’après le rapport de l’ANSES de 2010 (d’évaluation des risques liés aux pratiques alimentaires d’amaigrissement, NDLR), Montignac n’est pas le plus mauvais ! Mais sur le plan scientifique, il n’y a pas de régime amincissant qui soit équilibré. En termes d’apports nutritionnels, il ne présente rien de dramatique, mais il reste une méthode hypocalorique», affirme le Pr Legrand.
En réduisant l’apport quotidien en aliments trop sucrés et trop gras, le Pr Lecerf reconnaît au régime alimentaire «beaucoup de bon sens», mais il rappelle que pour lutter contre le surpoids et l’obésité, «les approches actuelles sont davantage comportementales d’une part, et consistent d’autre part à modifier pas à pas les habitudes alimentaires qui poussent à « surmanger ».»
La vision des « bons-mauvais aliments » dépassée
Le second socle de la méthode réside dans les «bons choix et les bonnes associations alimentaires», rappelle Sybille Montignac. Mieux vaut ainsi éviter les aliments transformés ou raffinés, qui offrent une double peine : inintéressants d’un point de vue nutritionnel, ils sont de surcroît souvent trop sucrés et gras.
Bien sûr, les experts en dénoncent l’excès, mais selon eux, cette dichotomie ne tient plus : «elle est décriée par les spécialistes de l’obésité et de l’alimentation. En diabolisant certains aliments, elle peut conduire certains à des troubles du comportement alimentaire», explique le Pr Lecerf. Même discours du côté du Pr Legrand, selon qui «il n’y a pas de mauvais aliments, il n’y a que de sottes consommations».
En conclusion ?
Plus de trente ans après son heure de gloire, sur le papier, le régime Montignac prodigue des conseils qui relèvent du bon sens. Des principes de base à garder bien présents à l’esprit, mais qui selon les experts, ne nécessitent pas non plus d’être suivis scrupuleusement. «Appliquer la méthode à la lettre serait idiot. On sait par exemple qu’il vaut mieux manger des aliments à index glycémique élevé au cours d’un repas- car les fibres et les graisses des autres aliments ralentissent l’absorption des sucres- plutôt qu’en plein après-midi, de manière isolée», illustre la diététicienne Florence Thorez.
Pour maintenir son poids et préserver sa santé, il suffirait selon la professionnelle de céder le moins possible aux grignotages et de ne gratifier son corps d’excès de sucres et de gras que très occasionnellement. Un discours d’ailleurs également tenu par la fille du créateur du régime. De son côté, le Pr Philippe Legrand précise qu’«une personne bien portante qui n’a pas de problème de poids, n’a aucune raison d’éliminer un quelconque aliment de son alimentation.» Le Pr Jean-Michel Lecerf rappelle quant à lui l’importance de «varier son alimentation et de choisir des aliments pour éviter toute aberration nutritionnelle ; le tout sans tomber dans la surveillance alimentaire.»
Pour traiter le surpoids ou l’obésité, la méthode Montignac reste en revanche contestée. Les spécialistes lui préfèrent un suivi médical adapté à l’individu et surtout établi en fonction des causes de la prise de poids.
* Initialement publié en 2017, cet article a fait l’objet d’une mise à jour.
Source: Lire L’Article Complet