Nos conseils pour bien préparer sa succession

Mieux protéger son conjoint, rétablir l’équilibre entre les enfants, en privilégier un… Les clés pour bien anticiper.

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Sans enfants, si vous ne prenez aucune disposition, votre conjoint devra partager votre héritage avec… vos parents. Pacsé, votre partenaire n’héritera de rien en l’absence de testament. Si vous n’avez pas anticipé votre succession, le Code civil choisira pour vous vos héritiers, et ce ne sont pas toujours ceux que vous imaginez. « Il est important d’anticiper, pour éviter les déconvenues, limiter les conflits et réduire les droits de succession », recommande Me Barbara Thomas-David, notaire à Paris.

Protéger son conjoint

Si vous n’avez que des enfants communs, le Code civil donne à votre époux, au choix, l’usufruit de tous vos biens ou la pleine propriété d’un quart d’entre eux. Les enfants se partageront le reste. Le choix est délicat et dépend de la situation de chacun. Garder la pleine propriété d’une partie des biens permet de les vendre sans avoir à demander l’autorisation des enfants, et sans partager avec eux le fruit de la vente. Le conjoint survivant peut ainsi vendre la résidence principale s’il souhaite déménager, ou un autre bien afin d’améliorer son train de vie.
À savoir. Opter pour l’usufruit permet en revanche d’utiliser les biens pour son usage personnel, d’en recevoir les revenus éventuels (intérêts, loyers…), et également de disposer des liquidités incluses dans le patrimoine transmis.

Favoriser davantage son conjoint

Pour permettre à votre conjoint de jouer sur les deux tableaux, vous pouvez prévoir, avec l’aide de votre notaire, une donation entre époux. « Ainsi, le conjoint survivant dispose de deux options supplémentaires : il peut prendre les trois quarts de la succession en usufruit et un quart en pleine propriété, ou encore la totalité de la quotité disponible en pleine propriété, c’est-à-dire la moitié de la succession s’il y a un enfant, ou le tiers s’il y en a deux », explique Me Nathalie Couzigou-Suhas, notaire à Paris.
À noter. Toutefois, trop gâter le conjoint peut être pénalisant pour les enfants, si au premier décès de l’un de leurs parents ils ne reçoivent pas suffisamment pour utiliser pleinement l’exonération de 100 000 € sur les droits de succession à laquelle ils ont droit. Cette économie d’impôt sera alors définitivement perdue.

Famille recomposée, attention

Réfléchir au partage est encore plus important si l’un des deux époux a des enfants d’un premier lit. A son décès, le Code civil attribue au survivant un quart de ses biens en pleine propriété. Mais une fois passés dans son patrimoine, ces biens ne reviendront jamais vers les enfants du conjoint décédé, puisque ceux-ci n’héritent pas de leur beau-parent. Ils seront donc transmis aux enfants du conjoint survivant et, s’il n’en a pas, à ses frères et sœurs, à ses neveux…
À savoir. « Pour éviter cela, vous pouvez attribuer à votre conjoint par testament un legs résiduel, portant sur un ou plusieurs biens immobiliers. Il les recevra en pleine propriété, mais à son décès, ces biens reviendront à vos propres enfants, et non aux siens », précise Me Jean-François Humbert, notaire.

Donation, avec précaution

La donation entre époux permet d’accroître la part du conjoint survivant. Toutefois, cette solution peut être pénalisante pour les enfants du parent décédé nés d’un premier lit, surtout si la différence d’âge entre les conjoints est importante. Car les enfants risquent d’attendre des décennies avant de percevoir leur héritage. « Si le patrimoine est suffisant, prévoir une assurance-vie en faveur des enfants ou consentir une donation en pleine propriété leur permet de n’être pas complètement démunis », explique Me Couzigou-Suhas.
À savoir. Une autre manière d’aplanir les différends est de prévoir par testament une répartition, en laissant par exemple aux enfants la maison de famille et au conjoint l’usufruit de ses placements.

Enfants, quel partage ?

Pour le Code civil, les enfants reçoivent… ce que le conjoint ne prend pas, et le partagent à égalité. Les choses se compliquent si vous avez déjà fait une donation à l’un d’eux. Il est en effet présumé l’avoir reçu en avance sur son héritage. « Lors de la succession, le notaire devra tenir compte de ce que vaut aujourd’hui ce que vous avez donné à l’époque (ou ce que l’argent donné a permis d’acheter) afin de savoir combien cet enfant doit prendre en moins sur votre succession pour être à égalité dans la fratrie », précise Me Barbara Thomas David. Ces calculs sèment souvent la zizanie. Pour éviter cela, il est possible de réintégrer cette donation isolée dans une donation-partage attribuant des biens à tous les enfants.
À savoir. Vous pouvez aussi préciser dans votre testament que vous ne souhaitez pas que la donation soit réévaluée.

Inégalité permise…

Rien n’interdit d’avantager l’un de vos enfants. C’est possible par exemple en lui faisant une donation « hors part successorale », c’est-à- dire qui s’ajoute à sa part « normale » d’héritage. Une précision à faire figurer dans la donation ou par testament. Ainsi, l’enfant pourra prendre autant que les autres dans l’héritage que vous laisserez : cela s’ajoutera à ce qu’il a déjà reçu. « Toutefois, évitez de lui donner ainsi un bien immobilier sans que les autres enfants soient associés à cet acte de donation. Car, tant que votre succession n’aura pas été réglée, il lui sera interdit de le vendre sans l’accord de ses frères et sœurs », avertit Me Couzigou-Suhas. Préférez plutôt des liquidités, par exemple.
À savoir. Vous pouvez aussi laisser à votre décès une grande partie de vos biens à un seul enfant, en les lui attribuant par testament, ou en le désignant légataire universel.

… dans certaines limites

Attention toutefois à ne pas aller trop loin. Car il est interdit de déshériter ses enfants : chacun a droit à une part minimale de vos biens (sa réserve), et vous n’êtes libre d’attribuer à votre guise que le reste, la quotité disponible. Celle-ci est égale à la moitié de votre succession si vous avez un enfant, le tiers si vous en avez deux, un quart si vous en avez trois ou plus. Le calcul se fait en fonction de la valeur de votre patrimoine au moment de l’ouverture de la succession.
À savoir. Revers de la médaille : si vous utilisez toute cette quotité disponible pour gâter l’un de vos enfants au maximum, il ne reste plus rien pour protéger votre conjoint.

Quels abattements pour vos enfants et petits-enfants ?

Sans enfants, anticiper quand même

Dans ce cas, votre conjoint hérite de tous vos biens… seulement si vos parents sont décédés. S’ils sont vivants, chacun a droit à un quart de votre patrimoine, et le conjoint seulement au reste. Sauf, bien sûr, si vous avez signé une donation entre époux ou prévu autre chose par testament. Avec ce dernier, vous êtes d’ailleurs libre de répartir vos biens à votre guise, à condition de ne pas déshériter totalement votre conjoint qui, en l’absence d’enfant, a droit à au moins un quart de votre héritage.
À savoir. Célibataire et sans enfants, votre succession sera partagée entre vos parents s’ils sont vivants, vos frères et sœurs, éventuellement vos neveux et nièces… Mais vous êtes libre de préférer laisser vos biens à qui bon vous semble en rédigeant votre testament. C’est même indispensable si vous êtes pacsé (ou concubin), faute de quoi votre partenaire n’héritera de rien.

Donation entre époux, une protection réciproque

« Appelée aussi donation au dernier vivant, ce n’est pas vraiment une donation car elle ne porte que sur les biens disponibles au décès du donateur. D’ici là, elle est révocable à tout moment. Le plus souvent réciproque, elle est utile pour accroître les droits de votre conjoint sur votre héritage : il pourra à votre décès faire le tri parmi les biens de la succession et garder ceux qu’il souhaite retenir. En revanche, elle ne vous permet pas d’attribuer des biens en particulier au conjoint. « Si vous souhaitez par exemple que la résidence principale lui revienne, vous devez le prévoir par testament », indique Me Nathalie Couzigou-Suhas.

Donner aux petits-enfants

Vos petits-enfants n’héritent automatiquement de vous que s’ils remplacent leur parent décédé : ils recueillent alors sa part. En dehors de cette situation, ils ne reçoivent rien, sauf si vous l’avez prévu par testament. « Ils ne profitent alors, pour le calcul des droits de succession, que de 1 594 € d’abattement », précise Me Barbara Thomas David. Alors que, si vous leur faites une donation, ils peuvent cumuler deux abattements de 31 865 € tous les quinze ans. Toutefois, ce que vous leur donnez est prélevé sur la quotité disponible, et réduit donc la part du conjoint. « Sans compter que l’un de vos enfants peut se sentir désavantagé, s’il n’a pas d’enfant lui-même », prévient Me Humbert. La donation-partage intergénérationnelle permet de contourner cet obstacle. Avec elle, vous donnez aux diverses branches de votre descendance, par exemple aux enfants de votre fille qui est d’accord pour laisser sa part d’héritage à ses enfants, et en même temps à votre fils sans enfants, qui reçoit les biens lui-même.

Assurance-vie, une liberté encadrée

Vous pouvez désigner les bénéficiaires de votre contrat d’assurance-vie à votre guise : un seul enfant, un petit-enfant, un ami… Il n’aura aucun compte à rendre aux autres héritiers, dès lors que vous n’avez pas fait des versements exagérés par rapport à vos revenus ou à votre patrimoine. En revanche, si vous avez placé des sommes disproportionnées pour votre budget de l’époque, les enfants peuvent demander au juge la restitution d’une partie de cet argent.

L’avis de l’expert

Pour bien préparer sa succession, il faut avant tout aborder le sujet avec ses enfants et son conjoint, pour expliquer ses préoccupations, recueillir leur avis… Les parents peuvent ainsi éviter les déceptions et les rancœurs. Par exemple, des parents ont financé les coûteuses études de leur aîné, et souhaitent compenser par une donation à leur cadet. Pour eux, c’est un choix équitable. Mais pour la loi, les parents sont tenus de financer l’éducation des enfants, alors qu’une donation sera une avance sur la succession, sauf s’ils décident de l’attribuer en plus à cet enfant. Or, s’ils font ce choix sans rien dire, ils donnent à l’autre l’impression d’être désavantagé. Tout ira mieux s’ils expliquent leurs motivations. Souvent, aussi, plus on vieillit, plus on a peur de manquer. D’où parfois des réactions curieuses du conjoint survivant, qui prend dans la succession plus que ce dont il a réellement besoin, au détriment des enfants. Là aussi, prévoir une répartition permet d’éviter les impairs.

Merci à Me Jean-François Humbert, notaire à Paris

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