Nathalie Rozborski : "La femme puissante n’est pas celle qui a le pouvoir, mais celle qui est en pleine possession de ses moyens "

Son premier livre, Je veux tout, est une ode au bonheur féminin total, à celles qui souhaitent l’épanouissement personnel, professionnel, économique et social, en même temps. Oui, c’est possible. Entretien avec Nathalie Rozborski, directrice générale du cabinet de conseils en innovation et création Nelly Rodi.

Madame Figaro. – On nous a souvent rabâché les mots de conciliation ou de sacrifice. Votre livre, audacieusement intitulé Je veux tout, est un guide vers l’épanouissement complet des femmes, le bonheur féminin total. C’est assez nouveau, non ?
Nathalie Rozborski. – C’est nouveau et volontairement un peu piquant, provoc’. Ce que j’observe, c’est que ma génération (née dans les années 1980, NDLR) est beaucoup plus dans une quête d’équilibre et de bien-être global que la précédente. Aujourd’hui, une patronne de plus de 50 ans intègre généralement les codes du pouvoir masculin ; et ça, je le réfute totalement. Mon livre est né de ce désir de faire partie d’une nouvelle génération de femmes leaders, inspirantes, qui parlent librement et ouvertement des challenges que comporte la vie féminine dans son intégralité. Il s’agit de mettre sur un pied d’égalité son bonheur personnel et son bonheur professionnel. L’un n’a pas à chasser l’autre. Il n’y a pas de soustraction à opérer. Arrêtons de dire qu’il faut renoncer, choisir, découper, qu’on ne peut pas tout avoir… Pourquoi ? Qui le dit ? Pour moi la véritable inégalité, systémique, c’est quand on nous dit : «Parce que tu es une femme, tu ne pourras pas tout avoir».

Tout avoir, ça veut dire «tout réussir» ?
Mon livre n’est pas tellement un livre sur l’ambition, c’est un livre sur le bonheur personnel et sur le chemin qu’il implique. En montrant qu’il n’y a pas qu’une seule voie, un seul modèle, mais qu’il existe plein de scénarios différents, j’essaie de déconstruire le schéma de la réussite. Il n’y a pas de mini-vies, ni de grands destins. Et ce n’est pas grave ! Tout le monde ne veut pas être Beyoncé, et on n’a pas besoin non plus de 10 Christine Lagarde sur le même floor… Il faut arrêter de faire croire aux gens qu’il n’y a qu’un seul modèle de réussite. Mon livre porte avant tout sur la conquête de nous-mêmes. Le seul «role model» (personnalité modèle, inspirante), valable, c’est le nôtre.

https://instagram.com/p/CKWxYFaA1Pg

Comment devient-on sa propre inspiration ?
Avant cela, il faut déjà être sa première fan. C’est génial d’avoir des «role models» : sa mère, Michelle Obama, sa meilleure amie qui fait du triathlon… Mais si on peut se faire passer en premier, c’est mieux. On doit être sa seule instance validante, et non attendre d’avoir 450 likes sur Instagram pour se dire «j’ai passé des bonnes vacances». Etre sa première fan, cela ne veut pas dire avoir un égo surdimensionné, mais apprendre à s’autocélébrer. Comment ? En se lançant des petits défis, aussi modestes soient-il, et en se récompensant quand on arrive à les relever. En rentrant dans une mécanique dans laquelle l’effort apporte une satisfaction. On appelle cela un «ego booster» : plus on réussit, plus on se félicite, plus on avance sur notre chemin, plus on gagne en confiance. Et cette confiance, les femmes en ont vraiment besoin.

Avoir un mentor, c’est has been ?
Pas du tout, même si je préfère les termes de figure tutélaire, ou parrain-marraine. Le mot «mentor» a un côté gourou. C’est important que le chemin soit montré par des gens qui ont fait des erreurs avant nous, qui nous prennent par la main et nous montrent que c’est possible. L’entourage, c’est capital en réalité. Tout ce qu’on dit sur les ados et les mauvaises fréquentations, vaut pour toute la vie ! S’entourer de personnes positives, c’est nécessaire, car les énergies se complètent et se diffusent. On ne peut pas être seul, on n’est pas des êtres sauvages, c’est essentiel d’avoir sa team, son crew, son équipe, comme Rihanna ou Mbappé.

Cela va, dans votre livre, avec la construction d’un cadre, d’un environnement. Il faut construire sa propre zone de confort ?
Absolument. Contrairement à ceux, nombreux, qui disent qu’il faut chercher la magie à l’extérieur de soi, je pense, moi, que la magie est à l’intérieur, au cœur de notre zone de confort, dont il ne faut pas sortir, mais qu’il faut plutôt faire grandir. On a tendance à croire que zone de confort, c’est forcément synonyme de jogging et pantoufles. Mais pas du tout… Une zone de confort, c’est une zone dans laquelle on est en confiance. Quand on arrive dans un nouveau travail, à un nouveau poste, il faut abuser de tous les grigris, de tous et les objets qui nous font du bien. Ce sont des boucliers protecteurs.

https://instagram.com/p/CIDY654g1PZ

«Pour s’accomplir, il faut se connaître et s’apprécier pour bien s’évaluer et ainsi se projeter et se challenger». C’est ça pour vous, l’accomplissement, un mélange de lucidité et de détermination ?
Oui. Il y a beaucoup de femmes qui font l’erreur de tout faire en mode pilote automatique. On leur a dit qu’il fallait cocher telle et telle case à tel moment de leur vie, et elles le font méticuleusement. C’est très confortable un temps, mais ça vous claque forcément au visage un jour ou l’autre. Le nombre de filles qui voulaient être libraires et qui ont fait HEC… Mais est-ce que ces femmes ont pris le temps de faire une introspection personnelle avant de se lancer ? Si on n’est pas clair avec qui on est, quelles sont nos valeurs, si on n’est pas lucides, alors forcément, arrive le moment où ça coince. Il est important de se retrouver face à soi-même le plus tôt possible, de faire son coming-out identitaire.

À propos d’identité, vous écrivez qu’il est important de se définir un «personnage professionnel». Que voulez-vous dire par là ?
Le travail, c’est du théâtre. Quand je pars au bureau le matin, j’y vais pour dire, faire ce qu’on attend de moi. Un travail c’est un contrat, qui régit un moment précis de notre vie. Il ne devrait jamais nous définir. Il y avait quelqu’un d’autre à votre place il y a dix ans, et quelqu’un d’autre vous remplacera un jour. Un travail, c’est un contrat, une prestation, un échange. C’est d’ailleurs pour cela qu’on perçoit un salaire.

Dans Je veux tout, vous parlez ouvertement de l’ambition. Ambition qui, comme l’argent, est considérée comme un vilain mot en France…
Surtout quand on est une femme. L’ambition, je l’associe à une notion de performance, comme un athlète de haut niveau qui, pour atteindre ses objectifs, doit s’entraîner, faire des compétitions, des championnats… Personne ne va aller dire que les valeurs du sport sont malsaines. L’ambition, c’est juste vouloir le meilleur, se donner les moyens d’atteindre ses rêves. Je trouve qu’en France, on ne regarde pas assez les belles histoires, les ascensions fulgurantes de ces gens qui, justement, se donnent les moyens d’atteindre leurs rêves. Il faut glorifier ces réussites. Féliciter cette femme qui a réussi, parce qu’en réussissant elle va peut-être faire entraîner 10 autres femmes dans son sillage.

«Une femme libre est exactement le contraire d’une femme légère». Ces mots de Simone de Beauvoir sont les premiers de votre livre. Une citation «quasi prophétique» pour vous. En quoi ?
Quand une femme parle et agit librement, on a tendance à dire d’elle qu’elle est un peu superficielle, inconséquente. C’est ce que nous dit cette phrase de Simone de Beauvoir. Alors qu’une femme libre, affranchie des injonctions, des représentations, des modèles, c’est justement tout sauf une femme superficielle. J’adore cette citation parce que pour moi, la femme puissante n’est pas celle qui a le pouvoir, mais celle qui est en pleine possession de ses moyens au service de son chemin de vie et de son bonheur. La vraie liberté, c’est d’aller à la conquête de soi-même.

Source: Lire L’Article Complet