Narcolepsie : quand le sommeil devient incontrôlable
Maladie rare et invalidante, la narcolepsie est un trouble de l’éveil sévère. Selon l’Institut national du sommeil et de la vigilance, elle touche environ 30 000 personnes en France, soit 0,026% de la population. La neurologue et somnologue, Laura Boccara nous parle de cette pathologie peu connue.
La narcolepsie ou maladie de Gélineauest une maladie neurologique du sommeil qui se caractérise par des accès de sommeil irrépressibles survenant plusieurs fois dans la journée, et une somnolence diurne excessive quotidienne. Cette pathologie se déclenche généralement vers l’âge de sept ou huit ans. Mais, selon l’Institut national du sommeil et de la vigilance, la narcolepsie peut apparaître de l’enfance à la cinquantaine, avec un pic vers 15 ans et un second vers 36 ans.
Les symptômes de la maladie
La narcolepsie se manifeste par divers symptômes. « Le premier est l’hypersomnie, c’est-à-dire que le patient dort trop, explique Laura Boccara, neurologue et somnologue. Il souffre d’attaques de sommeil, moments durant lesquels il est incapable de lutter contre l’envie de dormir. » Paradoxalement, les narcoleptiques souffrent également de dysomnie. C’est-à-dire qu’« ils dorment très mal la nuit, se réveillent à plusieurs reprises et sont donc mal reposés », continue-t-elle. Parmi les autres symptômes possibles, mais pas systématiques, de la narcolepsie : une paralysie du sommeil, moment où le sujet se réveille mais qu’il est incapable d’ouvrir les paupières et de bouger les membres, ainsi que des hallucinations visuelles.
Certains narcoleptiques ne souffrent pas seulement d’une irrépressible envie de dormir. Les narcoleptiques de type 1 souffrent également de cataplexie. « C’est une perte de tonus, au niveau des muscles du visage généralement, qui va être déclencher à la suite de fortes émotions positives ou négatives, indique la neurologue. Le visage devient flasque. » Parfois, ces cataplexies sont plus gênantes et touchent tout le corps. « Les narcoleptiques vont tomber, durant quelques secondes, puis vont se relever, souligne-t-elle. Il n’y a pas de perte de connaissance, ni de convulsions. Ils sont conscients de ce qui leur arrive, mais ils ne sont plus capables de parler ou de bouger. » Ce signe est présent dans environ 70 à 80% de formes de narcolepsie. Pour la narcolepsie de type 2, les malades souffrent seulement d’attaques de sommeil.
Les causes possibles de la narcolepsie
Si l’origine de la maladie n’est pas vraiment connue, il existe tout de même des facteurs déterminants, notamment génétiques, immunologiques, mais aussi environnementaux. « Le vaccin contre la grippe H1N1 a provoqué une sorte d’épidémie narcoleptique », révèle Laura Boccara. C’est pourquoi, les médecins demandent, systématiquement, si le patient a été vacciné. Mais, la maladie peut également se déclarer à la suite d’un traumatisme crânien, d’une affection fébrile, de modifications brutales du rythme d’une grossesse ou encore d’un stress psychologique.
Le diagnostic
Malheureusement, le délai de diagnostic de la narcolepsie est encore long. Les symptômes passent souvent inaperçu. Puisque c’est souvent une maladie infantile, l’enfant atteint de narcolepsie aura besoin de dormir plus que les autres ou du mal à arrêter les siestes. « Les parents vont avoir tendance à banaliser le problème en affirmant que c’est seulement un gros dormeur et ne consulteront pas forcément », constate Laura Boccara. La maladie est souvent mise en évidence lorsque les patients sont jeunes adultes alors qu’elle commence bien plus tôt.
Lorsqu’il y a suspicion de narcolepsie, le patient est envoyé au centre du sommeil. C’est dans cet établissement que le diagnostic, essentiellement clinique, est posé. Il repose sur des épisodes de sommeil diurne récurrents, d’endormissements quotidiens sur une période d’au moins six mois, et sur la confirmation clinique des cataplexies. Durant trois ou quatre jours d’hospitalisation, des tests de vigilance sont effectués sur le patient. Il s’agit, durant la nuit et la journée, d’observer le délai d’apparition du sommeil, sa durée, mais aussi le temps d’endormissement. Alors qu’un sujet non narcoleptique s’endort en quinze à vingt minutes, un malade s’endormira lui en moins de huit minutes. Ces examens permettent de mettre en lumière les perturbations du sommeil et d’évaluer le degré de sévérité de la maladie. « Les narcoleptiques rêvent aussi beaucoup et font parfois ce qu’on appelle des rêves lucides », explique-t-elle.
Un traitement pharmacologie complété par une bonne hygiène de vie
La narcolepsie est une maladie chronique dont on ne guérit pas, mais, soignée avec des traitements plus ou moins efficaces, on peut vivre avec. Les premiers médicaments donnés sont des dérivés de l’amphétamine – méthylphéniadate ou modiodal. Ces derniers ont cependant des effets secondaires cardio-vasculaires et peuvent rendre le patient dépendant l’amphétamine. « Ces dernières années, d’autres molécules ont fait leur apparition et permettent de diminuer ces effets cardio-vasculaires ». Le wakix va stimuler un neurotransmetteur de l’éveil, le patient sera ainsi plus actif et moins tenté de s’endormir. Le xyrem permet, lui, de ne plus subir d’attaques de sommeil et de passer des nuits beaucoup plus réparatrices. Cependant, l’inconvénient est qu’il doit être pris en plein milieu de la nuit. S’ils sont souvent recommandés par les médecins, le wakix et le xyrem peuvent toutefois impacter le moral des patients, ils sont ainsi contre-indiqués en cas d’antécédents de dépression. Dans le cas de la narcolepsie de type 1, des antidépresseurs sont utilisés pour stopper les cataplexies.
Une bonne hygiène de vie doit compléter le traitement. « C’est très important, assure Laura Boccara. Ça représente 50% du traitement car malheureusement, si les médicaments aident beaucoup, ils ne sont pas efficaces à 100%. » L’aménagement de siestes à des heures régulières est conseillé puisqu’elles vont permettre d’éviter des accès de sommeil involontaire à des moments inattendus. Les profils de patients sont tous différents, et le nombre de sieste dépend de chaque cas. « Certains vont avoir deux ou trois attaques de sommeils par jours, d’autres toutes les deux heures, explique la neurologue. Ils vont être obligés d’aller dormir un quart d’heure ou même trente minutes pour bien récupérer et pour continuer à vivre. » Même après leur stabilisation les patients continuent de se rendre une fois par an chez un spécialiste pour réévaluer le traitement et suivre l’évolution de la maladie. « Il y a parfois des effets d’épuisement, déclare-t-elle. Il faut alors augmenter la dose du traitement ou le changer pour qu’il soit plus efficace. »
De lourdes conséquences sur le quotidien
Selon son degré de sévérité, la narcolepsie peut avoir un impact très important sur la vie personnelle, professionnelle, sociale et familiale des patients. Ils ont par exemple plus de risques d’avoir un accident de voiture, en raison de leurs endormissements. C’est pourquoi leur conduite doit être régulièrement réévaluée. « Pour savoir s’il est apte à conduire, le narcoleptique doit résister quatre fois au sommeil dans une journée », explique la neurologue. La maladie handicape également les études. « Les jeunes patients ne vont pas réussir à suivre les cours et ne vont pas réussir à rendre les devoirs en temps et en heure », souligne-t-elle.
Elle peut aussi avoir un retentissement majeur sur leur parcours et leur vie professionnels. Les narcoleptiques peuvent se trouver dans l’incapacité de garder leur emploi, à cause d’erreurs, d’oublis ou de performances insuffisantes. « Quand le patient n’est pas diagnostiqué, il est incapable de s’expliquer, souligne Laura Boccara. Alors, quand vous êtes connus comme étant un gros dormeur, vous ne pouvez pas dire à votre patron que vous avez besoin de dormir, ça passe un peu mal. »
La narcolepsie n’est pas non plus sans conséquence sur la vie sociale. « Puisqu’elle touche une jeune population, souligne la neurologue. Lorsqu’ils vont boire des verres ou vont en boîtes de nuits, ils doivent aller se cacher dans les toilettes pour faire une sieste de 15 minutes car ils n’osent pas forcément en parler à leurs amis. » Il est donc difficile de sortir et de rencontrer de nouvelles personnes. Ce qui impacte également la vie sentimentale. « Ce n’est pas évident de parler de sa maladie lors d’un premier rendez-vous », déclare-t-elle. En ce qui concerne la vie de couple, tout est aménagé en fonction de la narcolepsie. Sous traitement, le patient peut également se plaindre d’une baisse de libido ou d’impuissance.
La possibilité d’avoir des enfants est source de craintes puisque les médicaments pour lutter contre la maladie sont en général contre-indiqués pendant les grossesses. « Il faut arrêter les traitements durant cette période, affirme Laura Boccara. Les femmes doivent se résoudre à faire des siestes. » Certains patients peuvent même développer un syndrome dépressif. Dans ces cas-là, ils peuvent être pris en charge psychologiquement.
Cependant, si on ne guérit pas de la narcolepsie, l’intensité des symptômes peut diminuer avec l’âge. Certains patients réussissent à gérer leurs accès de somnolence avec un traitement éveillant et un aménagement astucieux des siestes durant la journée. « En vieillissant, les patients gèrent mieux leur maladie et les attaques de sommeil ont tendance à diminuer, souligne la neurologue. Ils ont organisé toute leur vie autour de la narcolepsie. »
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