"Moi, Christiane F, 13 ans, droguée, prostituée" : l’histoire vraie de Christiane Felscherinow
- Christiane F., racontée par deux journalistes
- Une œuvre autobiographique
- Un livre thérapeutique
- Rechute
- La santé de Christiane F.
Sorti en 1978, le livre Moi, Christiane F, 13 ans, droguée, prostituée* a marqué toute une génération. Les lecteurs y suivent, dans un quartier de Berlin Ouest, le destin tragique d’une jeune Berlinoise : celui de Christiane F., 13 ans, plongée dans la misère, la violence mais surtout la drogue et la prostitution, pour se payer sa dose d’héroïne quotidienne.
À l’époque, le livre reste 95 semaines en tête des bestsellers. Depuis, il s’est écoulé à plus de neuf millions d’exemplaires, et a été traduit dans une vingtaine de langues. Depuis, Christiane Felscherinow s’est battue pour ne pas être réduite à l’image d’une adolescente à la dérive, dont la vie difficile a pu être fantasmée comme un idéal rebelle.
Après deux livres, et un film, Amazon Prime Video dévoile une série inspirée de la vie de Christiane Felscherinow, intitulée Moi, Christiane F. Elle sera disponible en France à partir du 9 avril.
Christiane F., racontée par deux journalistes
Moi, Christiane F, 13 ans, droguée, prostituée naît à travers deux journalistes du magazine allemand Stern. Kai Hermann et Horst Rieck rencontrent Christiane Felscherinow, alors âgée de 15 ans, à Hambourg, lors d’un procès pour pédocriminalité. À ce moment-là, ils veulent faire un reportage sur la vie des jeunes sans-abris.
Mais l’histoire de Christiane les fascine tellement qu’ils décident de lui consacrer leur reportage. Pendant deux mois, ils l’interrogent. D’abord publié dans le magazine hebdomadaire allemand sous forme d’un feuilleton, le récit devient un livre autobiographique, sous le titre originel Wir Kinder Vom Bahnhof Zoo (Nous, les enfants de la station Zoo, en français), qui deviendra Moi, Christiane F, 13 ans, droguée, prostituée par la suite.
Refusé par plusieurs maisons d’édition, il se hisse en tête des ventes de livre en Allemagne en 1979 et 1980, très vendu aussi en France, il est adapté en film en 1981. Christiane F. y joue son propre rôle, et David Bowie y fait même une apparition, lors d’une scène de concert.
Une œuvre autobiographique
Dans une interview à Vice en décembre 2013, elle raconte : « J’ai été négligée par mes parents. Mon père était un buveur et il abusait de ma sœur et de moi. Il était colérique et ma mère ne faisait rien, elle était plus préoccupée par sa liaison avec un autre homme et sa beauté. Je me sentais si seule quand j’étais enfant. Je voulais juste trouver ma place, je luttais contre le monde. »
Mon père était un buveur et il abusait de ma sœur et de moi.
En 1976, elle avoue à sa mère se droguer, et gagner de l’argent en se prostituant. Sa mère décide de l’envoyer chez sa grand-mère à la campagne. Là-bas, Christiane se sèvre.
Le succès de son histoire, deux ans plus tard, bouleverse sa vie et la propulse sous les projecteurs.
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Un livre thérapeutique
Publié en 2013, son second livre, Moi Christiane F, la vie malgré tout**, raconte sa vie depuis son exposition médiatique.
Si Moi, Christiane F, 13 ans, droguée, prostituée a agi comme une « thérapie », dit-elle alors à Vice, son succès était inattendu. « Nous pensions simplement que le livre serait d’un intérêt particulier, un livre parmi des milliers d’autres. Mais nous avions tort. Tout à coup, j’étais célèbre, mais je n’arrivais pas à comprendre ce que cela représentait. »
C’était une thérapie pour moi.
Christiane Felscherinow regrette que les autres thématiques du livre – sa vie d’adolescente, la misère, son développement personnel, l’école…-, aient été reléguées au second plan.
« Je n’ai pas pu continuer à me développer, on me renvoyait toujours à Christiane F », a-t-elle témoigné à la foire du livre de Francfort en 2013. « Pour tout le monde, j’ai toujours 18 ans ou 16 ans. C’est pourquoi ce deuxième livre était nécessaire. »
Rechute
« Christiane F. est cool de loin, mais pas trop près, s’il vous plaît ! Ils ne s’intéressent à rien de moi, à part le fait que je sois une droguée. C’est la raison pour laquelle je regrette d’avoir fait le livre et le film », confie encore Christiane Felscherinow à Vice. « Pour le public, j’étais la célèbre toxicomane », poursuit-elle.
Prise dans un tourbillon médiatique auquel elle n’était ni préparée ni consentante, elle disparaît de la scène publique pendant plusieurs années : « J’ai déçu tout le monde, ma mère, ma famille, le monde entier, c’est pour ça que j’ai vécu cachée pendant toutes ces années », explique-t-elle dans une interview accordée à France 2 en 2013.
Selon elle, cette célébrité a sûrement raccourci sa vie : « Si je n’avais pas eu tout l’argent des droits du film, alors peut-être que je n’aurais pas pu acheter de l’héroïne pendant tant d’années. Peut-être que je serais devenu clean plus tôt et que je serais dans un meilleur état aujourd’hui », affirme-t-elle à Vice.
Aujourd’hui, la plupart de mes amis n’ont pas lu [le livre].
En 2008, son fils Philip, né en 1996, lui est retiré, confié à une famille d’accueil. Le magazine Der Spiegel rapporte alors que l’autrice consomme à nouveau de la drogue dure, après des années d’abstinence. Dans son deuxième livre, elle dit le voir régulièrement.
« Quand tu retombes dedans, les gens disent : ‘On t’a donné ta chance, tu avais tout ce qu’il fallait. Tu racontes ta vie, tu as gagné tellement d’argent avec le livre… et tu replonges quand même : c’est vraiment égoïste de ta partt' », explique-t-elle sur la chaîne Youtube de Flammarion. L’autrice a donc eu le besoin de se mettre « à l’abri ». « Aujourd’hui, la plupart de mes amis n’ont pas lu [le livre] », révèle-t-elle alors.
La santé de Christiane F.
Atteinte d’une hépatite C et d’une cirrhose du foie, l’autrice écrit dans son deuxième livre : « Je ne sais combien de temps il me reste à vivre. Je ne me pose pas la question. J’en suis incapable. Souvent, j’ai eu hâte que ce moment arrive. Mais quand même qui aurait cru que j’aurais un jour 51 ans. »
Depuis le début des années 90, Christiane Felscherinow serait sous traitement de substitution, à base de méthadone. Elle a également fondé une association pour venir en aide aux drogués et à leurs enfants.
Après la sortie de son deuxième livre, elle est restée discrète, et n’a plus donné d’interviews.
* Moi, Christiane F, 13 ans, droguée, prostituée, par Uli Edel, sorti en juillet 1981
** Moi, Christiane F., la vie malgré tout, éditions Flammarion, de Christiane Felscherinow et Sonja Vukovic. 300 p. 19,90 euros.
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