Mika : mélanger la musique classique et la musique pop, "une évidence"

Le public français adopte le chanteur libano-britannique en 2007 grâce à son album Life in Cartoon Motion. Ce soir, il donne un concert depuis la scène de l’Opéra Royal de Versailles, un événement pour bien démarrer l’année 2021.

franceinfo : Un public masqué mais une émotion palpable quand on vous découvre investir ce lieu qui a fêté ses 250 ans en mai dernier. C’est un message d’espoir face à cette crise sanitaire ?

Mika : Ce que je voulais faire, c’était retrouver l’émotion sur la scène et aussi trouver une manière d’être à la hauteur de cette opportunité. Cette opportunité où pendant un moment on n’a pas le droit de faire des concerts, il ne faut pas la gaspiller. Et comment ne pas faire quelque chose de banal ? Aller en toute pureté.

Sans décors, sans danseurs, sans paillettes… Montrer que juste avec de la musique, un orchestre baroque, des musiciens autour de moi, une intention, on peut vraiment transporter des gens et provoquer beaucoup d’émotion.

à franceinfo

Il y a aussi un chœur gospel autour de vous. C’est quelque chose qui vous tenait beaucoup à cœur, d’ailleurs vous faites un clin d’œil à votre maman avec la chanson Elle me dit. On sent que toute cette histoire familiale vous habite même sur scène.

On a toujours deux familles dans notre vie. Quand j’ai quitté l’école, quand ils m’ont expulsé à l’âge de sept, huit ans, c’est la famille à la maison qui a pris la place de tout. C’est là où j’ai été entraîné pendant huit mois. Au lieu d’aller à l’école j’ai appris la musique classique, j’ai appris à chanter. Il y avait ma mère qui m’entraînait, il y avait un professeur russe. Et sept mois plus tard, je me retrouve avec mon premier job où je suis rémunéré, c’est vraiment une responsabilité, j’ai huit ans, je suis en train de chanter à l’Opéra Royal, pas à Versailles mais à Londres et là, ça commence. J’avais vraiment l’impression que ce job était très important pour moi.

Je venais d’un contexte où à l’école, j’avais beaucoup de difficultés à lire, à écrire, beaucoup de dyslexie. Je me retirais beaucoup et tout d’un coup j’avais une autre vie, je travaillais avec des adultes, j’avais une responsabilité. Ça a commencé à huit ans et duré jusqu’à 14, 15 ans.

Je voudrais qu’on aborde tout le dispositif qu’il y a sur scène. L’orchestre baroque, des invités tels que Gautier Capuçon, le guitariste classique Thibault Garcia ou encore Jozef Orlinski. Depuis que vous êtes tout petit, finalement, vous rêvez de mélanger le classique et la pop.

Exactement. Il y avait cette double vie de musique classique et aussi la musique qu’ils appellent au conservatoire la musique « light ». Moi, je voyais vraiment que les deux, la musique classique et la musique pop, pouvaient s’influencer au maximum, c’est une évidence.

C’est ça qui a changé, vous avez beaucoup grandi. On sent qu’aujourd’hui, vous vous faites beaucoup plus confiance, que vous profitez de l’instant présent et ça se ressent pendant ce concert que les auditeurs vont découvrir ce soir.

Je le dis d’une manière très sincère : c’est vrai. Parce que j’ai beaucoup grandi dans plein d’endroits différents. De la même manière que je n’étais pas assez classique pour les classiques, pas assez rock ou électro ou pop pour les gens qui faisaient cette musique, j’étais toujours entre deux. Culturellement, je me suis retrouvé dans le même contexte. Né à Beyrouth, ensuite transplanté à Paris pendant la guerre, ensuite à Londres, la famille aux Etats-Unis.

Je pensais vraiment que si je faisais de la musique, je pourrais me sentir ancré, fixé quelque part. Moi, ma maison, c’est partout !

à franceinfo

Je voudrais que vous me parliez de votre voix. Vous l’aimez ?

Non, je me suis habitué. On n’aime jamais sa propre voix. C’est pour ça que j’écris des chansons. Je suis plus à l’aise avec mon corps, mais avec ma voix non.

Le premier titre que vous avez écrit, c’était Colère. Aujourd’hui, on est vraiment dans quelque chose de très solaire. Ça vous définit aussi cette énergie ?

Oui. Et souvent les chansons qui ont l’air les plus heureuses quand on lit les textes, et bien les textes sont les plus noirs ou les plus tristes. C’est une forme de douce résistance. On répond à la tristesse avec de la joie. On répond à la joie avec une inquiétude, une mélancolie.

Dans ce concert, vous revisitez des titres qu’on connaît toutes et tous, et par exemple sur Love Today, vous faites un clin d’œil à la météo marine qui était destinée aux pêcheurs.

En Angleterre, il y a cette météo marine qui est la chose la plus constante sur les ondes et sur la radio britannique. Et c’est très beau à écouter, même si on ne comprend pas tous les mots parce qu’il y a tous ces codes. Et moi, je l’écoutais souvent parce que je ne pouvais pas dormir, c’était sur la BBC très tard la nuit.

Et un soir, je me suis dit : « Ce serait drôle si tout d’un coup avec la même voix, il commençait à m’annoncer l’amour » et le début de Love today, la première inspiration vient de ça. Et la première maquette, c’était moi en train de copier cette voix pour toute l’intro de la chanson. Je ne l’ai pas gardée mais quand même, ça reste un point de départ et je voulais exprimer aussi et expliquer l’envers du décor des chansons. Parce qu’une chanson, c’est un petit film. Et pourquoi pas aller derrière de temps en temps ?

Concert de Mika à l’Opéra Royal de Versailles, diffusé le 5 février sur France 5 à 20h55.

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