Michel Jonasz : "On ne sera jamais trop vieux pour se dire je t’aime"

Michel Jonasz, ce sont des chansons intemporelles comme La boîte de jazz, Joueur de blues, La fabuleuse histoire de Mister Swing, Super nana soit un cumul de succès musicaux auxquels s’ajoute son jeu d’acteur pour le cinéma et la télévision depuis plus de cinq décennies.

L’auteur, compositeur, chanteur et acteur réédite son album : La méouge, le Rhône, la Durance augmenté de six inédits, un album pour combattre la morosité et parler d’amour.  

Elodie Suigo : Dans votre dernier album, il y a le titre : La maison de retraite. C’est une chanson d’amour éternel et c’est une chanson qui est aussi sur la peur.

Michel Jonasz : Oui mais c’est plus une chanson sur l’amour. La peur peut faire naître ce dont on a peur donc il faut faire gaffe. En ce moment, on y est, en plein. La peur, elle est là, l’anxiété, elle est là. Non, c’est vraiment une histoire d’amour. Moi, je me suis dit : « Qu’est-ce qui fait qu’une histoire d’amour peut durer ? Est-ce que ça dépend des circonstances ? Ou est-ce que ça dépend de nous ? » Moi, j’ai plutôt tendance à croire que ça dépend de nous. L’amour peut effacer les limites superficielles, l’apparence physique, la peur de vieillir, de changer, d’être plus fragile et tout ça peut effectivement au contraire, renforcer une histoire d’amour. Et puis, il y a un petit peu le fait que, j’en ai visité quelques-unes de maisons de retraite, effectivement il y a une tristesse dans une maison de retraite, on ne peut pas finir sa vie comme ça parce qu’il y a quand même un isolement, une solitude et puis que vieillir, c’est ça aussi.

Vous avez peur de la solitude ?

Non, peut-être parce que je ne l’ai jamais vécue et que la solitude que je vis, c’est une solitude choisie parce que j’en ai besoin. En fait, c’est un équilibre.

Cette chanson est nommée aux Victoires de la musique. Ça représente quoi pour vous ?

Je suis content, ça va me rappeler des souvenirs. J’ai fait partie des premières Victoires de la musique en 1985 avec La boîte de jazz et j’ai été artiste de l’année. En 1988, il y a eu la Victoire pour le spectacle : La fabuleuse histoire de Mister Swing et puis depuis, plus de nouvelles ! Ça fait quand même un petit bout de temps donc je suis content de renouer.

Cette réédition-anniversaire avec six nouveaux titres, c’est aussi une façon de vous dévoiler davantage : funambule, sur le fil.

Une chanson c’est ça, une chanson c’est un petit morceau de vie qu’on raconte. Chanter, c’est apprendre à se dévoiler petit à petit parce que ce n’est pas simple. C’est ça qui fait que l’expérience vous donne de la force, parce qu’on arrive à vaincre certaines pudeurs. Les chansons ne sont pas forcément autobiographiques, bien sûr, à 100% mais quand même, c’est une manière de se raconter. Affectivement, c’est vrai, une chanson c’est culotté parce qu’on se dévoile un peu.

Vous êtes un Amoureux avec un grand A, on ne va pas se mentir. Il y a beaucoup d’harmonie dans cet album, énormément, avec une justesse.

Ça me fait plaisir ce que vous dites parce qu’on parle beaucoup des influences, des différentes sources d’inspiration mais ce n’est pas le plus important.

Le plus important, ce sont les influences émotionnelles

à franceinfo

« Dans quel état j’étais quand j’ai été voir Piaf sur scène? » Parce que mon père m’a emmené voir Piaf sur scène. Quand je voyais Brel, quand j’écoutais la musique tzigane, j’étais dans un état, et bien c’est cet état-là que je recherche et qui va me guider dans l’écriture.

Les guides, c’étaient vos parents. Ils vous ont énormément donné malgré le parcours dramatique de votre maman qui a survécu à la Shoah, les siens n’ont pas été épargnés. Et puis cette joie de vivre qu’elle a quand même conservé.

Toujours. Elle a quitté la Hongrie, elle avait 16 ans et n’a jamais revu ses parents. Ses parents et ses deux petits frères qui étaient restés en Hongrie et qui ont été déportés. Ses deux autres frères venus en France avec elle, ont eux aussi été déportés. Donc, des épreuves terribles où on se dit : « Est-ce que je pourrai me remettre de ça ? » Et oui. Et elle avait en elle cette joie intérieure qui ne la quittait pas, elle chantait toujours dans sa cuisine parce qu’elle aimait ça. Donc ce sont vraiment des leçons parce qu’effectivement, on est là pour vivre la joie, je crois.

Dans cet album, vous parlez de cette mémoire qui, par moments, s’en va, la peur de la dépendance.

C’est une peur.

De finir sa vie dans une maison de retraite, certes : « Mais on ne sera jamais trop vieux pour se dire je t’aime« .

Oui.

C’est le message de cet album ?

C’est le message de l’album. Oui, c’est vrai. J’ai remarqué que des personnes qui sont dans ma catégorie d’âges, qui ont dépassés les 70, il n’y a pas la peur de mourir. Il y a la peur de s’abîmer, il y a la peur de diminuer et le fait de perdre la mémoire est en premier dans le classement! C’est vraiment le truc d’Alzheimer, et je peux comprendre parce que dépendre des autres, c’est terrible parce que la dépendance c’est une privation de liberté et dans mes valeurs fondamentales, il y a la liberté. Le fait de perdre la mémoire ou d’être diminué physiquement et de se retrouver dans les maisons de retraite, dans les Ehpad… le truc triste là-dedans : c’est ce manque de liberté.

Dès le départ, vous étiez en Apesanteur, sans vilains jeux de mots, en 1967 ?

C’est comme si rien n’était dû au hasard. En fait, je me souviens très bien qu’au tout début on me décourageait ou on me disait : « Mais enfin Michel, il faut que tu arrêtes d’essayer de faire de la musique, ce n’est pas possible, il faut que tu fasses un métier quand même sérieux« . Et dans mon esprit, je n’avais aucun doute sur ce qui allait se passer, je savais que ça allait être mon métier. Donc, quand le gros succès est arrivé 20 ans plus tard avec La boîte de jazz, rien ne m’a étonné, tout était à sa place et c’est comme si l’univers fait tout pour que ça se passe comme il le faut.

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