"Madame Claude" sur Netflix : Sylvie Verheyde brosse le portrait de la controversée "maquerelle de la République"
Madame Claude, c’est Fernande Grunet. Une fille modeste – née en 1923 à Angers (Maine-et-Loire) et morte en 2015 – qui s’est imposée dès la fin des années 1950 comme la proxénète la plus célèbre de France. Son histoire avait déjà inspiré Just Jaeckin en 1977 qui avait porté à l’écran Françoise Fabian dans le rôle-titre.
La réalisatrice Sylvie Verheyde (Confession d’un enfant du siècle, Sex Doll) revient à son tour, dans son Madame Claude disponible sur Netflix depuis le 2 avril, sur l’ascension fulgurante de cette figure controversée qui mettait en relation « ses filles » avec des personnalités aussi diverses que le Shah d’Iran, Mouammar Kadhafi, Marlon Brando ou J.F. Kennedy. Une maquerelle au parcours singulier, témoin de la France des « trente glorieuses » et d’une époque où, dans un monde d’hommes, certaines voyaient le sexe comme leur seul moyen d’émancipation.
Femme d’affaires acharnée
Campée par l’excellente Karole Rocher (Le Bal des Actrices, Polisse, Les Neiges du Kilimandjaro…), Fernande Grunet est déjà au sommet de sa gloire – et à quelques pas de l’abîme – au début du long-métrage, en 1968. Les plus jolies filles de la capitale se pressent déjà pour tenter de se faire un nom aux côtés de cette mère maquerelle – et parfois mère tout court – qui semble considérer « ses filles » (200 au total) avec plus de déférence que l’on pourrait le croire.
Madame Claude est une femme impitoyable et redoutée – que la voix off, la sienne, qui relate son propre parcours, nuance : jeune fille à Angers, elle a abandonné sa propre fille pour monter à Paris et tenter de percer à vingt ans, s’inventant un passé bourgeois… Et perdant quelques plumes au passage. Plus complexe qu’elle ne le paraît, Madame Claude gère son affaire de prostitution avec raison et une certaine froideur. Jusqu’à l’arrivée de Sidonie (Garance Marillier), sa nouvelle protégée et préférée, qui va bouleverser ses convictions et précipiter sa chute.
Sidonie, représentation de ses failles
Claude n’est pas exempte d’erreurs : proche du gangster Joseph Attia (Roschdy Zem), intransigeante avec ses filles, afin de s’assurer le respect de ses clients – haut-fonctionnaires, truands et personnalités du cinéma – et un statut de « femme forte », elle est tantôt admirable, tantôt détestable. Sous la caméra de Sylvie Verheyde, elle apparaît terriblement difficile à déchiffrer, jusqu’à l’arrivée de Sidonie qui lui insuffle une humanité nouvelle.
Campée par Garance Marillier, nominée au César du meilleur espoir féminin pour Grave de Julia Ducournau, Sidonie est l’alter ego de sa maquerelle, personnalité trouble, fragile et forte à la fois. Abusée par son père, elle aspire à se reconstruire et noue, avec Claude, une relation privilégiée.
Si cette relation, complexe, ambiguë et envoûtante, injecte au film une profondeur appréciable, on en ressort pourtant pas totalement convaincu. Malgré une documentation précise et une esthétique léchée, la réalisatrice ne prend jamais parti et s’attarde peu sur les clients de cette maison de passe de luxe – et les conséquences sociales et politiques qui découlent de sa chute. Madame Claude incarne un romantisme féministe qui tend à nous détourner de l’horreur d’un business du sexe sans pitié. Une « reine des putes » autoproclamée dont on aurait aimé découvrir davantage de secrets.
La fiche
Genre : Drame, Biopic
Réalisatrice : Sylvie Verheyde
Acteurs : Karole Rocher, Roschdy Zem, Garance Marillier, Benjamin Biolay…
Pays : France
Durée : 1h52
Disponible sur : Netflix
Synopsis : Fin des années 1960, Madame Claude règne sur Paris et au-delà grâce à son commerce florissant. En réinventant les codes de la prostitution, en empruntant ceux de la bourgeoisie et en s’inventant un passé respectable, elle est devenue une femme d’affaires redoutée et estimée du monde politique au grand banditisme. Sa rencontre avec Sidonie, son opposée mais aussi son alter ego, sera imperceptiblement le fil conducteur de l’érosion de son empire. Pour la première fois de sa vie, elle tient à quelqu’un. Sans le vouloir, et sans doute aussi car elle représente la liberté et l’indépendance, Sidonie précipitera sa chute…
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