« "Lupin" est annonciateur d’un changement », estime Omar Sy
- Omar Sy tient le rôle titre de Lupin, une série produite par Gaumont pour Netflix, disponible ce vendredi sur la plateforme.
- Dans la série, il campe Assane Diop, un copycat moderne du héros de Maurice Leblanc.
- Rencontre avec l’acteur, qui revient pour 20 Minutes sur la place des acteurs issus des minorités dans les séries françaises.
Netflix tient probablement sa série française à succès avec ce copycat du héros de Maurice Leblanc. Dans Lupin, série librement adaptée des aventures d’Arsène Lupin et disponible ce vendredi sur la plateforme,
Omar Sy incarne Assane Diop, un gentleman cambrioleur qui entreprend de venger son père pour une injustice infligée vingt-cinq ans auparavant.
Le gentleman acteur évoque ce rôle aux multiples facettes et revient pour 20 Minutes sur la place des acteurs issus des minorités dans les séries françaises.
Comment est né le projet « Lupin » ?
On discutait beaucoup avec Gaumont sur comment se retrouver et collaborer sur un film ou une série, maintenant que Gaumont TV fait des séries. On a réfléchi. Ils m’ont demandé : « Qu’est-ce que tu aimerais jouer ? ». Et en ne cherchant pas longtemps, on a pensé à Lupin. Et surtout pour une série, parce que ce personnage se renouvelle tout le temps et est tellement riche. Après, on a commencé le développement et nous voilà !
C’est aussi le rôle idéal pour un acteur ?
Pour un acteur, Lupin est le jouet idéal. Il joue lui-même d’autres personnages. Et il permet de jouer tout un tas de choses : il est dans le drame, mais aussi léger, marrant, séducteur ou dans l’action. Il y a aussi une part de mystère chez lui.
Comment avez-vous découvert Arsène Lupin ? Par les romans de Maurice Leblanc ou d’autres adaptations ?
Plutôt des adaptations. Dans ma génération, on était plutôt branché mangas. Et il y a eu pas mal de mangas inspirés de Lupin et même des mangas qui étaient carrément intitulés « Lupin ». C’est là que j’ai fait vraiment la connaissance de Lupin et que j’ai accroché.
Comment décririez-vous le copycat d’Arsène Lupin qu’est Assane Diop, votre personnage ?
Il est difficile à décrire parce qu’il est toujours en mouvement. C’est d’ailleurs ce que j’aime chez ce personnage. Il est toujours en train de se chercher. Il ne veut pas vraiment se définir. Enfin, c’est comme cela que je m’explique son fonctionnement. Il a accroché à Lupin, parce que du coup, il n’a pas à se définir. Lupin bouge tout le temps et il est tout le temps autre. Finalement, est-ce qu’Assane est à l’aise avec lui-même ? C’est la question. A côté de cela, c’est quelqu’un de malin, d’imprévisible, de clairvoyant, d’assez fin et rapide dans ses analyses. En même temps, il est drôle et très sensible.
Le thème de la paternité, que ce soit dans les rapports d’Assane avec son papa ou avec son fils, est très développé dans la série…
Le questionnement sur la paternité est l’axe principal de la série. Qui est-il comme fils et après comme père ? Assane a ce questionnement-là au moment où on l’attrape dans notre saison 1. Le fils a envie de revanche pour son père, mais pour cela il en délaisse presque son propre rôle de père. Le chemin pour trouver l’équilibre est un peu compliqué pour lui. C’est ou tout l’un, ou tout l’autre. De ce questionnement viennent aussi les notions d’héritage et de transmission. Le bouquin d’Arsène Lupin a une grande part dans tout cela, il l’a reçu de son père, l’a fait sien et maintenant, il le transmet à son fils. Toute cette symbolique nous paraissait forte et assez universelle.
Qu’est-ce que « Lupin » dit de notre société ?
La série parle des fractures, si l’on peut dire cela comme ça, ou des cloisons entre ces différents niveaux, de toutes nos différences. Et justement, une des qualités d’Assane est de réussir à naviguer au travers les unes et les autres, avec aisance. Peu de gens peuvent le faire. Dans notre société, tout est trop compartimenté, cloisonné. Ce n’est peut-être pas le bon terme, mais tout est polarisé. Et ce n’est pas peu dire sur notre société aujourd’hui.
Pourquoi voit-on si peu d’acteurs noirs ou issus des minorités dans les séries françaises et notamment dans les rôles-titres ?
Je n’ai pas la réponse. Mais espérons qu’avec Lupin, nous sommes en train de lancer quelque chose. Chez Netflix, il y a eu récemment la création d’un nouveau poste de responsable des programmes inclusion et de la diversité des contenus, qui va peut-être améliorer les choses. Attendons de voir ce que cela va donner. J’ai le sentiment que cela progresse. Mais, je suis d’accord, nous sommes en retard. Espérons que Lupin est annonciateur d’un changement qui va dans le bon sens.
Ne faut-il pas instaurer des quotas dans les productions françaises afin d’y voir les minorités comme aux Etats-Unis ?
La société est en train de bouger. J’ai le sentiment qu’en France, on va être capable d’évoluer sans cette histoire de quotas. J’ai l’impression que c’est possible. On verra, je peux me tromper. Il faut absolument être confiant dans l’avenir, sinon, on n’y arrivera jamais. J’ai aussi l’impression que moins on le pointe du doigt, moins on en parle, et plus cela se fera facilement. Cette histoire de quotas, cela fige les choses. J’ai l’impression que cela ancre trop le problème. J’ai l’impression que c’est quelque chose qu’il faut dépasser même dans le discours. C’est comme cela que l’on va le combattre. Il ne faut plus que cela soit un sujet. La meilleure façon de le dépasser, c’est de parler d’autre chose. On a d’autres problèmes aujourd’hui en France, parlons de ces problèmes. Cela me semble daté comme sujet, ça fait tellement longtemps qu’on en parle. Faisons les choses, avançons, tout cela devrait être derrière nous !
Voir « Lupin », campé par un acteur noir, quand on est un petit garçon noir en France, cela peut-être très inspirant, non ?
Bien sûr ! C’est pour cela qu’on est fier de le faire aujourd’hui. Je ne nie pas l’importance de la chose. En même temps, on le fait juste, on n’en parle pas. Lupin, je l’ai fait pour toutes les familles, les familles noires et les familles blanches. Je n’isole et je n’exclus personne. C’est ouvert. Et c’est comme cela qu’il faut qu’on fasse, les faire en grand. Ouvrir, ne pas isoler, ni exclure. C’est avec cet élan-là que l’on va gommer les choses.
A vos côtés, on a aussi le plaisir de voir des grands noms du cinéma, et notamment Nicole Garcia…
Le casting a été encadré par une dream team. Jouer avec Nicole Garcia était quelque chose d’incroyable parce que c’est elle qui m’a remis mon César. C’était quelque chose de la retrouver sur un plateau du coup ! Hervé Pierre, de la Comédie française, est remarquable. Je connais bien Ludivine Sagnier, mais je n’avais jamais eu l’occasion de travailler avec elle. C’est une fille que j’aime beaucoup, mais aussi une actrice incroyable, avec une générosité et une précision dingue. Clotilde Hesme est une super actrice avec qui j’ai déjà joué dans Chocolat. Soufiane Guerrab et Shirine Boutella campent la partie police… C’est hyperagréable d’être entouré par des acteurs comme cela. On a vraiment eu tous les acteurs que l’on voulait. Au fur et à mesure de l’aventure, on a pris de plus en plus de force et de confiance parce qu’on était rejoint par ceux qu’on avait choisis.
La réalisation de Louis Leterrier est superbe…
Quand il nous a rejoints, on était aux anges. On avait une ambition pour cette série, difficilement atteignable sans lui. Il amène l’ambition du projet, son envergure, les moyens techniques et artistiques. Il amène aussi cette exigence, car même si nous avions de l’ambition, lui en a encore plus ! Louis Leterrier est indispensable, c’est un pilier de cette série. On n’aurait pas pu faire ça sans lui, c’est évident.
Êtes-vous prêt pour une saison 2 ?
J’ai signé un contrat pour trente-six saisons, jusqu’à mes 73 ans ! (rires) Evidemment, quand on démarre une série, on espère qu’il n’y aura pas qu’une seule saison. Et je pense que c’est pareil pour Gaumont et Netflix. D’autant plus avec un personnage comme celui-là. maintenant que j’ai fait 10 épisodes avec Lupin, j’ai très envie de le retrouver ! J’espère qu’il y en aura d’autres, en tout cas, je suis prêt ! On verra.
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