London Grammar à l’école des femmes

« Le groupe a besoin d’un leader et ce leader, ça doit être moi ». Cette phrase est extraite du mail que la chanteuse Hannah Reid a écrit aux deux autres membres de son groupe avant de poursuivre le travail entamé sur le précédent album, Truth is a beautiful thing.

Le formaliser ainsi auprès de ses deux amis, Dot Major et Dan Rothman, rencontrés dans les couloirs de l’université de Nottingham, n’a pas dû être chose aisée. Mais elle a été entendue et cette prise de pouvoir a eu des répercussions directes sur le son et l’identité visuelle de London Grammar en plaçant le chant et les textes au centre.

S’élever contre l’industrie sexiste

Californian soil est donc un album en nouveau terrain pour les Londoniens, en nouveau territoire, même, puisqu’il s’inspire ouvertement de l’Amérique, sur laquelle Hannah Reid posait son premier regard lors de la dernière tournée du groupe. Si le trio a rapidement rencontré le succès après sa formation en 2009, la chanteuse de 31 ans a récemment révélé avoir peiné à trouver sa place dans l’industrie très masculine de la musique, dont la misogynie a été pointée dans le sillage du mouvement #MeToo.

Hannah Reid fait donc aujourd’hui les comptes des attaques sexistes qui l’éreintent comme de la constante remise en question de sa légitimité, depuis l’ingénieur du son jusqu’au département costumes, qui lui suggère de porter des minishorts, mais pas à ses acolytes… Elle ose désormais montrer davantage sa vulnérabilité dans ses textes et dans sa voix, si aérienne qu’elle fait l’effet d’un voyage en ballon.

La force collective autour d’une voix puissante

Sur Lord it’s a feeling, elle évoque ainsi les relations amoureuses toxiques dans lesquelles elle voit ses amies et elle-même tomber sur une joyeuse touche électronique qui sert d’antipoison. Lose your head emprunte aux sonorités de la house music, mais garde un volume étouffé, tandis que la voix d’Hannah Reid occupe le devant de la scène.

On se souvient d’un concert de London Grammar à la cathédrale américaine de Paris, où celle-ci rencontrait une acoustique parfaite. On renoue avec la même magie sur ce disque, où le désir de basculer dans un a cappella total n’est pas loin mais ne renonce finalement jamais à la force collective, qui s’incarne dans une synth-pop réconfortante.

(*)Californian soil de London Grammar (Because).

Cet article est initialement paru dans le n°824 de Marie Claire, daté mai 2021.

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