Loïc de La Mornais « surpris par la retenue de la police » au Capitole

  • Mercredi, le journaliste Loïc de La Mornais et le journaliste reporter d’images Thomas Donzel, étaient parmi la foule de trumpistes au Capitole, à Washington. L’un de leur direct sur Franceinfo a sidéré les téléspectateurs.
  • « Je ne vais pas jouer le bravache et vous dire qu’on était très décontractés, mais on ne se sentait pas particulièrement en danger », assure Loïc de la Mornais à 20 Minutes.
  • « C’était une page d’histoire. On a été stupéfait d’entrer aussi facilement dans ce qui est le temple sacré de la démocratie américaine », déclare-t-il également.
     

La séquence dure près d’une dizaine de minutes et c’est déjà l’une des images télé de l’année. Mercredi, Loïc de La Mornais, le correspondant de France Télévisions à
Washington, et le journaliste reporter d’images (JRI) Thomas Donzel, étaient au cœur de l’action, aux abords du Capitole, parmi les manifestants pro-Trump et les forces de l’ordre. En direct sur
Franceinfo, ils ont donné à voir
le chaos et la confusion régnant sur place à des téléspectateurs médusés – quelque 2,7 millions de personnes,
selon Laurent Guimier, le patron de l’info de France Télévisions, ont suivi l’édition spéciale de la chaîne info du service public. Loïc de La Mornais revient sur ce moment pour 20 Minutes.

Votre direct a suscité un grand nombre de réactions admiratives sur les réseaux sociaux, les médias français lui ont consacré des articles… Vous vous attendiez à ce que cela fasse autant parler ?

Honnêtement, sans fausse modestie, ça me surprend un peu. Des moments d’histoire, on en a l’extrême privilège régulièrement dans notre carrière, c’est pour ça qu’on a choisi ce métier. Ce n’est pas un moment où j’ai eu peur ou des difficultés à faire mon métier. C’était évidemment un peu tendu, mais avec Thomas Donzel, le JRI qui m’accompagnait, on a connu des situations bien plus dangereuses, dans des missions de reportages de guerre, par exemple. Ce qui était génial, c’est que lorsque le 19/20 et le 20 heures sont diffusés, il est 13h30 et 14 heures ici à Washington. Les grandes éditions reines de France Télévisions sont donc au milieu de la journée et les après-midi sont des après-midi blanches pour nous s’il se passe un gros événement. Pour ça, c’est génial d’avoir Franceinfo qui nous met à l’heure américaine. C’était génial hier [mercredi] d’avoir toute cette latitude et cette grande plage durant laquelle l’on pouvait intervenir et faire vivre l’actualité et l’histoire.

Ce qui était captivant était de vous voir si près de ces événements à peine croyables…

Oui, le symbole était très fort. C’était une page d’histoire. On a été stupéfaits d’entrer aussi facilement dans ce qui est le temple sacré de la démocratie américaine. Nous y étions déjà allés, mais dûment accrédités. Il n’y a eu aucune résistance de la police alors qu’aux Etats-Unis, il y a un grand respect, une peur même, de l’uniforme.

Il n’y avait pas beaucoup d’armes autour de nous puisque, à Washington, leur port sur la voie publique n’est pas autorisé. Je pense que c’est potentiellement ce qui a évité un bain de sang.

Vous avez pu accéder facilement au Capitole, pourtant, il n’y avait pas un grand nombre de journalistes à vos côtés, comment l’expliquez-vous ?

Il n’y avait pas beaucoup de médias américains. Ils prennent souvent moins de risques. Je ne dis pas que les Français en prennent davantage, mais d’une manière générale, c’est quelque chose que j’ai constaté, les équipes américaines sont très pros, de vraies machines, mais sur ce type d’événements, elles ne vont pas le plus au cœur de l’action. Elles ont des soucis de sécurité, de protection, sans doute avec des standards supérieurs aux nôtres. Après, il y a des journalistes qui sont entrés, des photographes… Il faut voir aussi que ce n’est pas facile en tant que journaliste de tourner dans une foule de trumpistes chauffés à blanc. Nous, en tant que télévision française, on suscite à la fois leur ressentiment et leur haine parce qu’on est l’emblème de ce qu’ils vomissent, c’est-à-dire un pays qu’ils voient comme « socialiste et communiste ». Mais ils sont aussi intéressés d’avoir notre regard extérieur sur leur pays, donc ils peuvent avoir une petite tolérance due au fait qu’on est étrangers.

Ce qui était surprenant, c’était de vous voir garder votre sang-froid, rester très placide alors que vous étiez entouré par une telle agitation. Vous n’avez eu peur à aucun moment ?

Je ne vais pas jouer le bravache et vous dire qu’on était très décontractés, mais on ne se sentait pas particulièrement en danger. Il n’y avait pas beaucoup d’armes autour de nous puisque, à Washington, leur port sur la voie publique n’est pas autorisé. Je pense que c’est potentiellement ce qui a évité un bain de sang. J’étais surpris par la certaine retenue de la police. Au début, j’étais persuadé que j’allais me prendre des coups de matraque sur la tête et qu’on se ferait bien malmener, mais cela n’a pas été le cas. On était poussés fermement, mais ils ne nous frappaient pas beaucoup.

C’est ce qui vous a permis de tenir l’antenne sans vous arrêter ?

Dans ces moments-là, il faut faire attention à quatre choses. La première, c’est de se concentrer sur ce que l’on doit dire parce qu’on est en direct. Il faut trouver les mots justes et ne pas trop tomber dans l’émotion. Il y avait de l’agitation, mais ce n’était pas la guerre civile. La deuxième chose est de faire très attention au JRI. Il faut imaginer la scène : Thomas Donzel était comme une bête de trait. Il tenait la caméra, il portait devant lui, sur son ventre, son sac rempli de matériel, dont le TVU Pack qui est notre moyen de diffusion, et qui fait l’équivalent d’une boîte à chaussures. Thomas ne voyait rien : son œil était rivé sur son œilleton à me filmer, il n’était pas en mesure de voir un coup qui serait arrivé d’un côté comme de l’autre. On était sur les terrasses du Capitole, il aurait pu être entraîné dans un mouvement de foule, basculer et tomber dix mètres plus bas. C’est pour cela que j’ai fini par l’agripper fermement pour qu’on ne soit pas séparés et pour le guider.

Troisième chose : je surveille, pour lui comme pour moi, les militants trumpistes autour qui peuvent être violents. Et quatrième chose : je regarde derrière mon épaule le cordon de police qui nous pousse, en essayant de jauger si la riposte de la police est violente, auquel cas le direct va commencer à devenir un suicide, ou si je peux continuer à parler en montrant que j’obéis aux injonctions des forces de l’ordre. On a surtout eu de la chance que, même si la transmission passe, même si elle n’était pas optimale. On ne pensait pas qu’elle passerait dans toute cette foule.

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