L’intelligence artificielle se plie en quatre pour notre santé !

Sommes-nous prêts à mettre notre santé entre les mains d’une machine, parfois capable de faire mieux qu’un praticien ? Tour d’horizon de ce que les algorithmes peuvent apporter à la médecine.

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L’intelligence artificielle (IA), c’est quoi exactement ? Non pas un robot ultra-sophistiqué et doué de pensée, mais des logiciels capables de comparer des millions d’images ou de données. On parle aussi de machine learning (apprentissage automatique en anglais). À partir de cette masse de données, l’IA développe des formules mathématiques (les fameux algorithmes) pour en extraire des informations qui vont venir en aide aux praticiens. « Elle peut intervenir à tous les niveaux, du diagnostic de la maladie au développement de nouveaux médicaments, en passant par la prédiction de l’efficacité d’un traitement donné au patient », indique le Pr Fabrice André, directeur de la recherche de l’Institut Gustave-Roussy, à Villejuif. Une technologie certes en cours de perfectionnement, mais dont plusieurs applications se révèlent très prometteuses.

Vers des diagnostics plus fiables

La grande force de l’IA ? Repérer des choses invisibles pour l’œil ou le cerveau humains. Sur des cellules prélevées chez un malade ou des images d’IRM et de scanner, parmi les millions d’informations présentes, l’IA pointe les signes d’une maladie, même à un stade précoce. Elle est capable par exemple d’identifier un cancer du sein sur une mammographie avec une précision similaire ou supérieure à celles des radiologues experts (qui « manqueraient » le cancer dans environ 20 % des cas). « Normalement, l’IA fait aussi bien, voire mieux, que les meilleurs humains, estime le Pr André. Selon l’endroit où vous habitez ou le spécialiste que vous consultez, vous n’êtes pas soigné de la même façon. La machine réduit ces inégalités et donne accès à tous à une super expertise. » L’IA peut en effet aider le médecin à poser son diagnostic ou servir de « deuxième avis » immédiat. Mais, pour l’instant, elle est loin d’être infaillible : la nouvelle IA de DeepMind, firme de Google, affirme pouvoir détecter une insuffisance rénale quarante-huit heures avant le diagnostic actuel (réalisé en dosant le taux de créatinine dans le sang). Cela pourrait éviter des dialyses et des décès. Mais elle émet aussi beaucoup de fausses alertes : pas encore de quoi s’en remettre à elle les yeux fermés…

Vers plus d’efficacité dans les traitements anticancer

De nombreuses études utilisent l’IA pour améliorer la prise en charge des patients cancéreux. À l’Institut Gustave-Roussy, deux projets sont menés en partenariat avec la société Owkin. Le premier, Race-AI, vise à pronostiquer le risque de récidive après un cancer du sein localisé. En analysant les dossiers de milliers de personnes suivies dans ce centre, l’IA calcule un « score de rechute ». « Aujourd’hui, on le prédit assez mal. L’IA peut reconnaître quels facteurs, parmi toutes les données médicales des patientes, sont associés le plus fortement à une possibilité du retour de la maladie. Cela pourrait permettre de proposer aux femmes les plus à risque certains traitements innovants », explique le Pr André. Le second projet, Puls-AI, utilise l’IA pour conjecturer précocement l’efficacité de traitements anti-angiogéniques, qui inhibent la formation des vaisseaux sanguins pour freiner la croissance des tumeurs. S’appuyant sur les scanners et échographies de près de 2 000 personnes, ce projet vise à déterminer si un patient y sera « sensible » ou non. D’autres IA semblent efficaces pour anticiper le succès d’une immunothérapie. L’idée étant d’orienter le plus tôt possible vers le bon traitement, celui qui donnera le plus de chances de guérison, et d’en changer si besoin, dès les premières semaines.

Vers un diagnostic précoce de l’arthrose

Comme on ne sait pas régénérer le cartilage, il n’y a pas de médicament pour soigner l’arthrose. On a donc tout intérêt à agir en amont. Le but ? Freiner sa dégradation lorsque l’on est à risque (via la prise de compléments alimentaires, l’activité physique…). Des chercheurs américains de l’université de Pittsburgh ont développé un algorithme qui détecte sur imagerie des signes précoces de la maladie, avant que les douleurs ne débutent. Nourri de milliers d’IRM de genoux, il repère des changements subtils dans la structure du cartilage, invisibles à l’œil du clinicien. En se concentrant sur les patients qui présentaient peu de signes de lésions cartilagineuses au début de l’étude, la machine a repéré lesquels avait développé ou non de l’arthrose et a ainsi appris à reconnaître les indices. D’après l’étude, l’IA prédit le risque d’arthrose avec une précision de 78 % sur des images effectuées trois ans avant l’apparition des premiers symptômes. De quoi nous laisser le temps de tout mettre en œuvre pour protéger nos articulations.

Vers des troubles du sommeil mieux traités

Lorsqu’on souffre d’insomnie ou qu’on soupçonne une apnée du sommeil, il faut souvent recourir à la polysomnographie. Cet examen enregistre les données du patient endormi grâce à différents capteurs : électroencéphalogramme pour transcrire l’activité électrique du cerveau mais aussi capteurs respiratoires, cardiaques, musculaires… Des milliers d’indices qui en disent long sur la qualité de nos nuits ! « On agrège beaucoup d’informations, mais elles sont longues et complexes à interpréter, cela demande pas mal de temps et l’interprétation peut être variable d’un médecin ou d’un technicien à l’autre », explique le Dr Nicolas Carpentier, neurologue au Centre de médecine et de recherche sur le sommeil du CHRU de Nancy. Voilà pourquoi son équipe teste actuellement un outil d’IA, avec les sociétés Bial-X et Adista. Objectif : déléguer à un algorithme une pré-interprétation automatique des différentes phases du sommeil (déterminer quand le patient dort, à quelle profondeur, etc.) pour « dégrossir » le travail. Et laisser le médecin se concentrer uniquement sur les phases les plus complexes de la nuit. Les résultats de l’IA et des spécialistes concordent à plus de 90 %.

Reste à soumettre à l’algorithme des cas toujours plus complexes. « Si on arrive à développer un outil fiable qui fasse en amont ce travail rébarbatif à notre place, on pourrait espérer réduire le temps d’interprétation : passer de quarante-cinq minutes/une heure (pour un médecin expérimenté) à environ quinze minutes. Autant de temps gagné pour se recentrer sur la relation personnalisée avec le patient : renforcer l’éducation thérapeutique, la thérapie cognitive et comportementale », s’enthousiasme le médecin.

Vers des médicaments plus ciblés

En passant au crible des milliards de molécules, des algorithmes peuvent prédire celles qui vont agir ou non sur tel récepteur d’une cellule ou sur tel virus. En amont, ils identifient aussi de nouvelles cibles thérapeutiques : des aspects qui expliqueraient la maladie et sur lesquels on pourrait agir pour la traiter, comme la mutation d’un gène par exemple. Cela fait gagner un temps précieux pour développer de nouveaux traitements. En février 2020, des chercheurs du MIT (Massachusetts Institute of Technology) ont annoncé la découverte d’un nouvel antibiotique grâce aux algorithmes, qui s’est avéré efficace contre plusieurs espèces de bactéries résistantes. Il a été sélectionné par l’IA parmi 6 000 candidats. Un autre médicament est actuellement testé au Japon chez des personnes souffrant de TOC : les logiciels ont généré des dizaines de millions de compositions différentes et ont ensuite fait le tri pour ne garder que la formule la plus susceptible d’avoir un effet bénéfique sur le récepteur du cerveau concerné par la pathologie. Le laboratoire n’aura mis que douze mois pour le développer, contre quatre ans et demi en moyenne en temps normal. L’IA n’a pas fini de faire gagner du temps au traitement de notre santé…

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