Les mystères du syndrome Gilles de la Tourette
Une personne sur 2 000 est concernée par ces tics souvent intrigants.
C’est quoi exactement ?
Un syndrome neuropsychiatrique qui se caractérise par des tics moteurs et des tics vocaux. Les premiers se traduisent par des petits mouvements corporels essentiellement dans le haut du corps (yeux qui clignent, léger mouvement de tête, haussement ail d’épaule…). Ils sont parfois impressionnants : large mouvement du bras, tapes sur la tête… Les tics vocaux prennent la forme d’un reniflement, d’un raclement de gorge, de l’émission d’une syllabe (ah, oh).
Il peut exister une écholalie (répétition de la phrase qu’une personne vient d’énoncer) et, plus rarement, une coprolalie (mots grossiers ou/et insultants, 15 à 20 % des patients). Selon les malades, les tics sont d’intensité et de fréquence variables. Ils sont susceptibles de varier chez une même personne. De surcroît, des symptômes psychiatriques sont associés aux tics.
Les principaux ? Des troubles obsessionnels compulsifs (TOC), un déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), de l’impulsivité, des crises de colère, des troubles du comportement… Ce syndrome apparaît dans l’enfance ou l’adolescence. Il touche davantage les garçons. Dans 75 % des cas, il perdure à l’âge adulte. À l’inverse, un quart des jeunes en guérissent, sans que l’on en connaisse les raisons.
Ça vient d’où ?
En cause, une prédisposition génétique. Il existe des familles Gilles de la Tourette. Attention ! Ce n’est pas parce qu’on a un membre de sa famille atteint qu’on sera concerné. D’autres facteurs, pour l’heure non identifiés, jouent sûrement un rôle. On émet l’hypothèse d’une anomalie cérébrale (dysfonctionnement au niveau de la dopamine, un neurotransmetteur responsable du contrôle des mouvements). Par ailleurs, un dysfonctionnement au niveau des noyaux gris centraux (structure cérébrale impliquée dans les circuits de la parole) est également incriminé.
Quelles sont les répercussions sur la vie quotidienne ?
Au fil des années, les patients parviennent à mieux gérer leurs symptômes. Ils sentent “venir” leurs tics moteurs, et de fait, les contrôlent davantage. Cependant, ils rencontrent fréquemment des difficultés dans le cadre professionnel. Si cette maladie n’entraîne pas de déficience intellectuelle, elle implique un fonctionnement intellectuel et cognitif différent. Ainsi, ces personnes ont souvent besoin d’être hyperactives, elles s’investissent beaucoup, et se fatiguent. En outre, les traitements médicamenteux peuvent avoir un impact délétère (fatigue, troubles du sommeil) sur la vie quotidienne. Certains patients ont été reconnus en tant que travailleurs handicapés, ce qui leur permet d’obtenir un mi-temps, de bénéficier d’un aménagement de poste… L’impact social peut être important : le regard des autres n’est pas toujours bienveillant. Imaginez la réaction des gens qui assistent à une pièce de théâtre et entendent à plusieurs reprises des sons étranges émanant d’un spectateur un peu spécial. N’oublions pas que cette maladie survient dès l’enfance : à l’âge adulte, les évitements relationnels et les phobies sociales ne sont pas rares.
Quels sont les traitements et thérapies préconisés ?
Les principaux médicaments sont les neuroleptiques, des psychotropes agissant sur la dopamine. Ils sont plutôt efficaces, mais leurs effets secondaires (somnolence diurne, prise de poids…) ne sont pas négligeables. Par ailleurs, certains patients bénéficient d’injections de petites doses de toxine botulique dans les cordes vocales pour inhiber leurs tics vocaux. En cas de symptômes intenses, fréquents et handicapants, résistants aux traitements médicamenteux, le médecin pourra proposer une stimulation cérébrale profonde, réalisée à l’hôpital. Non douloureuse, elle consiste à envoyer des impulsions électriques dans une zone spécifique du cerveau. Concrètement, une électrode est implantée dans une région cérébrale précise et est stimulée en s permanence grâce à une batterie implantée sous la peau. L’objectif étant de réguler l’activité anormale de la dopamine, et de la noradrénaline, deux neurotransmetteurs (molécules qui permettent aux neurones de communiquer entre eux). Dans tous les cas, la prise en charge est pluridisciplinaire : psychiatre, mais aussi psychologue, psychomotricien, phoniatre… Une thérapie cognitivo-comportementale, qui modifie pensées, émotions et comportements, constitue une aide précieuse.
Merci au docteur Fanny Jacq, psychiatre chez Qare
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À consulter
Le site de l’Association française du Syndrome Gilles de la Tourette, france-tourette.org
À écouter
Le podcast Gilles, ma sœur et moi, de Camille Descroix, arteradio.com
ÉGLANTINE GRIGIS
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