"Les Icônes de Kimia", le livre pour enfants qui célèbre l'Histoire du continent africain
Il y a tout juste un an, nous échangions avec Karen Adédiran Nganda autour de son compte Instagram, Afroconscience. Une page qu’elle alimentait alors anonymement, apportant documentation historique et pistes de réflexions pointues au gré de publications fouillées destinées, entre autres, à encourager les Afrodescendant·e·s à s’emparer des luttes qui ont façonné le continent.
Un moyen, nous confiait-elle, de « poser un regard sur l’Histoire, [d’] être honnête, afin que l’on puisse avancer, nous les nouvelles générations, main dans la main. » « Il est nécessaire que les choses soient dites », affirmait-elle encore, « qu’elles ne soient plus ignorées. »
Aujourd’hui, afin de poursuivre ce travail précieux et d’aller « plus loin dans sa démarche », elle change de lectorat, et met un nom sur ses écrits. L’autrice sénégalaise choisit l’univers de la littérature jeunesse pour faire découvrir aux plus petit·e·s les hommes et les femmes qui ont marqué l’Histoire de l’Afrique par leurs combats, leurs actions, et leur présence. 90 pages de récits de vies méconnues, illustrées par Félix Fokoua, suivies de jeux ludiques qui permettent à chacun·e de résumer et de mieux enregistrer les éléments décrits, chapitre par chapitre.
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Pour les guider, Kimia, une petite fille à laquelle nombreuses pourront (enfin) s’identifier – et à en croire les retours des parents qui ont eu l’ouvrage entre les mains, c’est déjà le cas. Elle raconte, avec ses mots d’enfant et en retranscrivant ce que lui a appris sa grand-mère, les destins de 10 icônes du passé qui ont permis de bâtir le présent. Parmi elles, Nefertiti, reine d’Egypte, Frantz Fanon, médecin, écrivain et révolutionnaire anti-colonialisme, ou encore Winnie Madikizela Mandela, symbole de la lutte anti-apartheid et épouse de Nelson Mandela.
Afin d’en savoir davantage sur ce qui l’a motivée à se lancer dans la conception de ce projet, dont les précommandes se sont écoulées en moins de 12 heures, on a posé quelques questions à son instigatrice. Entretien.
Terrafemina : Comment est né le projet Les icônes de Kimia ?
Karen Adédiran Nganda : C’était pour moi la suite logique du processus. Mais je ne l’avais pas du tout en tête au moment de la création de ma page Instagram. J’ai commencé par créer Afroconscience dans le parfait anonymat, il y a deux ans. L’objectif, c’était de partager toutes mes découvertes sur l’Histoire de l’Afrique impériale, sous colonisation et post-colonisation, mais sans révéler mon identité.
C’était déjà bien de soulever tous ces sujets avec les adultes et les adolescent·e·s, mais je me suis dit qu’il fallait que je pérennise tout ceci, que j’aille plus loin dans ma démarche. Je me suis dit : « Instagram fera son temps mais un jour, ce réseau social peut disparaître ou ne plus être branché, alors que restera-t-il ? » Comme on dit « les écrits ne meurent jamais » et c’est grâce à ces écrits que j’ai découvert de merveilleux ouvrages comme ceux de Frantz Fanon et bien d’autres.
Et puisque depuis très jeune, j’adore écrire – j’ai déjà écrit un roman que je n’ai jamais publié pour mon propre plaisir – j’ai alors décidé de me lancer dans l’aventure en auto-édition. Pourquoi l’auto-édition ? Pour garder la liberté sur l’ensemble de mon projet.
J’ai décidé d’écrire pour les plus jeunes parce que j’aimerais que les générations futures n’aient pas à mener les mêmes travaux de recherches que notre génération pour savoir qu’il y a eu des empires africains avant les invasions extérieures, que la colonisation est un crime contre l’humanité, et que ce sont nos résistants qui ont permis la liberté. Les résistances, voilà un thème qui est très peu abordé au sein de l’Education nationale française, mais également en Afrique (au Sénégal pour ce que je sais) où j’ai fait mon primaire, mon collège et mon lycée jusqu’à l’obtention de mon bac.
A qui s’adresse ce livre ? A qui conseilleriez-vous de l’offrir ?
K. A. N. : Ce livre s’adresse aux enfants d’Afrique et de la diaspora, mais également à toute personne désireuse de découvrir l’Histoire de l’Afrique à travers dix icônes. Des enfants d’autres cultures peuvent se montrer curieux, et ça peut être intéressant pour elles et eux afin d’améliorer leur culture générale ou même de combler leur imagination.
Je crois fermement qu’un enfant qui fait l’expérience de la diversité à travers des voyages ou la littérature jeunesse aura une plus grande ouverture d’esprit et cela aura forcément un impact sur la façon dont il appréhende sa culture et celle des autres, sur sa perception du monde de manière générale. S’adresser aux plus jeunes est selon moi une des voies les plus concrètes pour lutter contre le racisme et détruire les clichés et les idées reçus sur un peuple, une culture, un pays ou un continent.
Pour ce qui est de l’âge, Les Icones de Kimia est à la portée des plus petits (à partir de 8 ans) comme des plus grands. Je recommande d’ailleurs aux parents de faire de la lecture accompagnée à leurs enfants pour ce type d’ouvrage. Il est important de toute façon que les parents prennent connaissance des livres qu’ils offrent à leurs enfants, en amont.
Je suis également en contact avec des écoles et des bibliothèques en Afrique afin que le livre puisse être distribué à un large éventail d’élèves et d’enfants partout sur le continent. J’envisage de me déplacer pour faire des ateliers à la demande.
https://www.instagram.com/p/CNIcYhGDNoz/
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En quoi est-ce important de raconter la vie et les combats de ces hommes et ces femmes pour l’indépendance et la liberté, sous le format d’un livre pour enfants ?
K. A. N. : Comme je dis souvent à mes lecteurs·rice·s, je n’ai rien inventé. J’ai juste vulgarisé l’Histoire, et ma bibliographie à la fin du livre en atteste. L’écrivaine Chimamanda Ngozi Adichi a écrit : « L’instruction est une priorité ! Comment pourrons-nous résister à l’exploitation si nous ne disposons pas d’outils pour comprendre l’exploitation ? »
Pourquoi sous le format d’un livre pour enfants ? Tout simplement parce que, nous ne pouvons pas nous plaindre indéfiniment de ce que ne fait pas notre système éducatif depuis des décennies, et ne pas agir. Je voulais planter une graine dans la tête des plus jeunes, elle germera avec le temps.
L’objectif, c’était de leur raconter l’Histoire sous un prisme qui n’est pas eurocentré, leur montrer que tout est possible et qu’ils sont capables de réussir tout ce qu’ils souhaitent dans la vie à l’image des Icônes de Kimia. Leur montrer que des résistances ont eu lieu sur le continent et que les personnes mises en esclavage n’ont attendu personne pour se libérer. Elles ont arraché leur liberté.
Et aujourd’hui, quelle suite pour Les icônes de Kimia ?
K. A. N. : Ce n’est que le premier tome. Dans celui-ci, j’ai voulu axer sur la culture, mais dans le suivant, je parlerai d’icônes de la mode, de la science, et d’autres modèles afin que les enfants aient un plus large éventail et qu’ils ne soient pas sans cesse ramenés à leur condition. Le but à long terme, au-delà de la connaissance de soi, c’est aussi leur permettre de rêver !
Il y a eu beaucoup de parents qui m’ont remerciée pour le travail, qui m’ont dit que c’était un outil pédagogique aussi pour eux, que leurs petites filles s’identifiaient à Kimia. Je suis comblée au-delà de mes espérances. Comme je le disais, je voulais que ce livre ait un impact positif sur la perception de soi. Alors, si c’est le cas pour même cinq enfants, j’ai déjà gagné. Car j’ai lu quelque part : « qu’on change le monde un enfant à la fois ».
Les icônes de Kimia, de Karen Adédiran Nganda. 90 p. 20 euros
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