Les hommes américains rechignent à se faire vacciner et c'est un problème

L’écart est significatif. Au début du mois d’avril, les statistiques montraient que la répartition des vaccins entre les femmes et les hommes était généralement proche de 60 % et 40 % outre-Atlantique.

En cause d’abord, la démographie des personnes prioritaires à l’injection, révèle le New York Times. Les femmes représentent ainsi une plus grande proportion des Américain·e·s de plus de 70 ans, et elles constituent également la grande majorité des travailleur·se·s de la santé et des enseignant·e·s. Deux catégories qui figuraient en pool position des receveur·se·s aux doses Pfizer-BioNTech, Moderna ou Johnson & Johnson, distribuées dans le pays.

Ensuite, les inégalités qui frappent le marché du travail. Les femmes ont perdu leur emploi en plus grand nombre que les hommes tout au long de la pandémie – beaucoup d’entre elles devant s’occuper à plein temps de leurs enfants, ainsi que de leurs parents et d’autres proches – et ont peut-être été davantage motivées à s’immuniser. Une façon, estiment-elles à en croire le journal, de réduire le risque pour leur famille et d’accroître leurs chances de retrouver et reprendre leur job en toute sécurité.

Mais ce n’est pas tout. Un autre facteur semble peser dans la balance de cette disparité : la réticence pure et simple des hommes à se faire vacciner. En cause, une potentielle perte de patience sur les plateformes de rendez-vous dédiées aux injections, une plus forte affiliation au parti Républicain, une tendance à prendre moins soin de sa santé en général et surtout : un sentiment d’invincibilité que nombreux des concernés associeraient à la virilité.

« Un sentiment de toute-puissance »

« Certains hommes ont le sentiment qu’ils ne sont pas nécessairement sensibles à la maladie », déplore auprès du Times le Dr Paul Simon, responsable scientifique du département de la santé publique du comté de Los Angeles. « Ils ont supporté cela pendant plus d’un an et ont un sentiment de toute-puissance ». Un effet « macho » qui inquiète depuis quelque temps déjà les spécialistes, et qui s’est illustré récemment par un autre constat : ils seraient moins enclins à porter de masque puisque celui-ci, comme les gestes barrières, serait signe de « faiblesse » et « pas cool ».

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Pourtant, à échelle mondiale, le taux de mortalité lié au Covid-19 est 2,4 fois plus important chez eux que chez leurs homologues féminines. Un comportement contradictoire et dangereux, donc.

« Cet évitement a été lié aux idéaux de masculinité selon lesquels les hommes sont forts, invincibles et ne demandent pas d’aide », confirme Kristen W. Springer, professeure associée au département de sociologie de l’université Rutgers dans le New Jersey, qui a mené des recherches sur ce sujet.

Elle poursuit : « En d’autres termes, ces idéaux culturels conduisent les hommes à éviter les soins de santé importants afin de se comporter en hommes. Maintenant que le vaccin est disponible pour tous, il sera intéressant d’observer les différences hommes-femmes dans [son] adoption, car celles-ci reflèteront plus probablement les idées sociales et culturelles sur le genre et la santé, comme l’idée culturelle selon laquelle les ‘vrais hommes’ n’ont pas besoin de soins de santé préventifs. »

« C’est pour ma sécurité »

Justement, l’observation actuelle en dit long. Et à le don d’agacer certaines citoyennes qui pensent au-delà de leur bien-être personnel, rappelant à juste titre : « C’est pour ma sécurité, pour la sécurité de mes enfants, pour la sécurité de mes voisins, pour la sécurité des gens qui vont à mon église », plaide auprès d’USA Today Mary Ann Steiner, 70 ans, qui a conduit 2 h 30 pour se faire vacciner. « Je ne comprends vraiment pas la résistance ». Dans la queue du centre dédié, elle se souvient n’avoir vu que des femmes.

Alors, que faire pour convaincre les réfractaires, et espérer atteindre l’objectif de l’administration Biden de 80 % d’adultes vacciné·e·s d’ici l’été ? Apparemment, ne pas compter sur des spots de sensibilisation animés par des voix féminines.

Une étude menée sur deux clips destinés à encourager les internautes à passer le pas avance ainsi des résultats édifiants : « La version de la vidéo narrée par un homme a augmenté l’intention de vaccination chez les spectateurs », analyse Leah Whitus, co-leader du rapport, « mais la version narrée par la femme a eu des associations mitigées avec la propension à la vaccination, et chez certains spectateurs, ceux qui se sont identifiés comme conservateurs, a en fait diminué l’intention de vaccination. »

La preuve s’il en fallait que la masculinité peut littéralement être toxique.

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