Les artbooks de mangas, une passion japonaise mais aussi française
- Le terme d’artbook désigne le plus souvent des recueils d’illustrations sur des mangas ou des mangakas
- Les Japonais les adorent, et les lecteurs et lectrices françaises aussi, de plus en plus
- Trois beaux artbooks sont sortis à l’automne, sur Akira, Slam Dunk et Dreamland
S’il existe des livres d’illustrations sur tous les arts, et donc la bande dessinée, le terme d’artbook évoque immédiatement
le manga pour les fans. L’artbook peut même être considéré comme une spécialité japonaise, avec également des recueils sur les animés, les jeux vidéo et la pop culture. Il suffit d’aller dans une librairie japonaise en France, par exemple l’institution Junku à Paris, pour se rendre que ces ouvrages sont mis en avant, parfois plus que les mangas eux-mêmes, et donc qu’il y a une demande des lecteurs et lectrices françaises. On parle ici d’import, mais de plus en plus d’artbooks sont édités en France, à l’instar des récents Akira Club chez Glénat, Slam Dunk Illustrations 2+ chez Kana et Dreamland par le français Reno Lemaire chez Pika.
«Un artbook remet en avant le travail, le dessin de l’auteur»
« L’artbook vient accompagner une série à succès, et c’est un peu la même chose au Japon, éclaire Satoko Inaba, responsable éditoriale chez Glénat Manga. Les mangas sont prépubliés dans des magazines au Japon, avec régulièrement des pages couleur, des images d’ouverture ou de couverture, qui ne sont pas reproduites dans les volumes reliés. L’artbook est l’occasion de remettre en avant l’oeuvre et le travail de l’auteur, même s’il n’est foncièrement pas destiné à tous les lecteurs, plutôt aux passionnés qui souhaitent tout avoir, tout savoir sur une série. Un artbook n’intervient pas dans la compréhension de l’histoire, il est dédié au dessin, au graphisme. » Glénat a ainsi édité des artbooks sur Dragon Ball, Tokyo Ghoul, Bleach, Berserk, Blame, One Piece ou les films du Studio Ghibli.
Des mangakas impliqués, très impliqués
Si les illustrations ont la part belle dans les artbooks, en couleur et grand format, elles ne sont pas leur seul contenu, avec souvent des interviews, des coulisses, etc. « C’est ce qui nous incite à les traduire et éditer en France, sinon l’import suffirait, commente Satoko Inaba. Il y a aussi ce qu’on appelle les Guide Books, des mines d’informations. » Le mangaka est souvent impliqué dans les artbooks, voire dans leurs éditions françaises, à l’instar de Katsuhiro Otomo très regardant sur la qualité. Publié en 1995 au Japon, son Akira Club est sorti en novembre dernier en France, pourquoi si tard ? « En fait, une partie du artbook était le 14e tome de la première édition française, en couleur, rectifie l’éditrice de Glénat Manga. Avec la nouvelle édition, nous avons voulu le rééditer, mais cela a été difficile, car les livres références sur cet artbook sont rares, même l’éditeur japonais n’en a plus, et il a donc fallu retrouver les fichiers, les couleurs… Un travail de longue haleine mais nous savions que les lecteurs seraient au rendez-vous. »
Une fabrication complexe, une impression au Japon
La fabrication d’un artbook est ainsi plus complexe qu’un manga, car il faut reproduire les couleurs à l’identique, avec des encres spéciales, parfois seulement disponibles au Japon. C’est le cas du superbe artbook Slam Dunk Illustrations 2 +, sorti par Kana en accompagnement de la réédition du manga et en quantité très limité (1.990 exemplaires pour l’instant). Pourquoi ? Parce que l’impression n’est techniquement possible que dans deux imprimeries au monde, les deux étant au Japon. Il faut bien ça pour retrouver l’effet dorure de la couverture, le rendu ballon de basket sur les pages de garde ou encore 130 illustrations de Takehiko Inoue et son trait puissant et inimitable.
«Tu dois avoir accès aux trucs que tu n’as jamais vus»
Depuis 15 ans, Reno Lemaire connaît le succès critique et public avec son manga Dreamland chez Pika, et, toujours investi et généreux, il a décidé d’offrir un artbook à ses lecteurs et lectrices. Il est lui-même friand de ces beaux bouquins, d’ailleurs plus d’artworks de jeux vidéo et recueils d’artistes et illustrateurs (Katsuya Terada, Kim Jung Gi, Moebius, Jamie Hewlett) que d’artbooks sur des mangas, à part « celui des 30 ans de Dragon Ball ». Mais sa démarche n’est pas exactement la même que pour un artbook japonais. « L’artbook doit être pensé par l’artiste pour le public, explique-t-il. Tu dois avoir accès aux trucs que tu ne connais pas ou que tu n’as jamais vus : les croquis préparatoires de décors, les designs des persos de jeux vidéo, les story-boards d’animés ou des crayonnés, que seul le staff connaît. »
L’auteur-dessinateur a ainsi fourni plus de 800 illustrations inédites, sur presque 400 pages couleur, pour un prix qu’il a lui même fixé (35€) : « Je voulais que ce soit un bel objet, un truc concret dont je serai fier. Les mangas existent pour leur histoire, leurs personnages, le plaisir de la lecture, pas par l’objet qu’est le livre. La preuve avec l’évolution du numérique. Bien évidemment, les lecteurs sont fiers de leurs étagères de mangas, mais tu n’as pas un attachement à un tome, plutôt à une série. L’artbook, c’est le délire inverse, c’est très contemplatif et concret, tu ressens le poids dans tes mains. Il existe. »
Cette culture de l’artbook, du bel objet, semble d’ailleurs déteindre sur l’édition même de mangas, à l’instar du travail de Ki-oon sur les oeuvres Lovecraft de Gou Tanabe, ou encore de Noeve, éditeur spécialisé dans les livres d’art et de photographie, dont le premier titre manga, Veil, est à la croisée de l’artbook. Et c’est très beau.
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