Les 6 astuces d'un psy pour apprivoiser ses cauchemars

Faire de mauvais rêves n’est pas une fatalité. Des solutions existent pour retrouver des nuits plus paisibles et moins angoissantes.

Rien de plus désagréable que de rêver d’être agressé, humilié, trahi… On se passerait bien de ces scénarios catastrophes qui surviennent surtout en seconde partie de nuit. C’est pourtant, nous apprend la recherche, un signe de bonne santé psychique ! « Le rêve, même à tonalité négative, est une formidable machine à digérer les émotions, confirme Benjamin Putois, docteur en sciences cognitives et psychologue clinicien. Cauchemarder après un événement traumatisant ou de temps en temps – deux ou trois fois par mois – est normal et nécessaire. Les cauchemars deviennent pathologiques quand ils sont trop fréquents – au moins un par semaine depuis plus de six mois – ou trop pesants : angoisse d’aller au lit, peur du noir, impossibilité de se rendormir, impact sur l’humeur…».

De 5 à 7% des adultes en souffriraient. « C’est une vraie maladie qui se soigne », assure ce spécialiste des troubles du sommeil. Son Manuel de guérison des cauchemars (Les Arènes) détaille pour la première fois en français une technique issue des recherches récentes en neurosciences pour « guérir ». Cette méthode, dont l’efficacité est attestée par l’Académie américaine de médecine du sommeil, a été inventée par Barry Krakow il y a environ trente ans et arrive enfin en France. « Elle est accessible à tous, à condition d’en suivre assidûment chaque étape », précise ce dernier.

Arrêtez de les fuir

Eviter ses cauchemars (ne pas en parler, s’empêcher d’y penser) les renforce. « C’est valable pour n’importe quel sujet de peur ou d’angoisse, note le psychologue. Tenir à distance la souffrance est un réflexe humain. Mais quand elle ne disparaît pas, il faut trouver le courage de s’y confronter ».

Pour aller plus loin

Des études ont montré que le simple fait de coucher sur le papier ses cauchemars, d’écrire chaque jour un journal des rêves, aidait certains à en avoir moins. Juste avant de sombrer dans le sommeil, dites-vous : « J’espère que je vais rêver et attraper un cauchemar ». Dès que vous vous réveillez (la nuit ou le matin), prenez-en note aussitôt, si besoin en l’enregistrant. Les images vous terrifient et il vous est insupportable de les revoir ? Entraînez-vous à visualiser des moyens de protection : imaginez-vous assis dans un cinéma, comme un spectateur distancié de la scène, dans une bulle de protection incassable…

Tenez un agenda des rêves 

Les bénéfices sont nombreux : mesurer la régularité et l’intensité de vos cauchemars; identifier les thématiques ; repérer les facteurs d’amélioration ou d’aggravation ; tirer des conclusions pour votre hygiène de vie et de sommeil.

Pour aller plus loin

Tous les matins, notez vos rythmes des dernières 24 heures en établissant un tableau heure par heure : une flèche vers le bas pour le coucher, une flèche vers le haut pour le lever. Grisez les cases quand vous avez dormi (même une sieste). Mettez une croix quand vous avez fait un cauchemar. Notez les émotions négatives qui lui sont associées (de – 10 à + 10), les mots-clés. Si vous avez pris un médicament ou de l’alcool, mentionnez-le.

Agissez sur les facteurs d’aggravation

« Les cauchemars tirent profit de tout ce qui perturbe le sommeil, rappelle Benjamin Putois : douleur physique, fièvre, mauvaise literie, nuisances sonores, digestion difficile… L’alcool, le cannabis ou les somnifères sont aussi de faux amis. Méfiez-vous-en ».

Pour aller plus loin 

Optimiser son rythme de sommeil en dormant juste ce qu’il faut pour assumer vos responsabilités du lendemain condense le sommeil profond et aide à réduire les cauchemars. « 80 % des sujets souffrant de stress post-traumatique font des cauchemars chroniques », explique le psy. Une prise en charge adaptée est alors conseillée. Un bilan préalable réalisé par un spécialiste du sommeil permettra aussi d’éliminer un problème d’origine organique, révélé par des ronflements, des apnées, une agitation nocturne…

Repérez les émotions négatives qui les alimentent

Impatience, peur, colère… quand les émotions désagréables sont trop envahissantes, il devient difficile pour la machine à rêves de les métaboliser. « Résultat, on fait des cauchemars qui perturbent le sommeil, explique Benjamin Putois. Le lendemain, on est fatigué, maussade, et cet état émotionnel alimente les cauchemars : un vrai cercle vicieux ».

Pour aller plus loin

Sans chercher à interpréter le cauchemar, essayez d’établir des liens entre son contenu et des souvenirs, des images du passé ou des rencontres qui ont eu lieu. « Il faut changer de paradigme par rapport au modèle freudien qui stipule que, derrière chaque rêve, il y a la gestion d’une frustration ou d’un fantasme, estime Benjamin Putois. La recherche montre que les rêves sont plutôt un patchwork visuel et émotionnel confectionné à partir des tissus dont nous nous sommes vêtus les deux dernières semaines ». Ainsi, plus on prend conscience de nos états émotionnels, plus il est facile de changer notre destin nocturne. Réduire notre niveau de stress grâce à des techniques de relaxation peut aussi aider.

Entraînez votre capacité d’imagerie positive

« En monopolisant, à l’état d’éveil, notre pouvoir d’imagination, en s’entraînant à ressentir des émotions ou à visionner des images positives, nous pouvons influencer nos visions oniriques, atteste Benjamin Putois. Tout le monde peut y arriver avec de l’entraînement. Un quart de notre cortex est spécifiquement consacré à la vision ».

Pour aller plus loin

Réalisez au moins un exercice d’imagerie positive par jour. Le principe : se projeter mentalement dans une situation agréable : lieu que vous appréciez, réussite, scénario imaginaire… De nombreux supports d’entraînements existent, comme dans le manuel. Plus vous allez vous entraîner à la vivre, plus votre cerveau la considérera comme réelle et l’acceptera.

Rescénarisez votre cauchemar

C’est la dernière étape de la méthode. Il s’agit de transformer le scénario négatif du cauchemar en scénario positif (voir encadré) et de le répéter visuellement cinq minutes par jour, sur une musique apaisante. « Plus vous répéterez cette rengaine, plus elle vous viendra automatiquement à l’esprit et apportera de l’eau positive au moulin des cauchemars, promet Benjamin Putois. Pour porter ses fruits, la thérapie par rescénarisation d’images mentales exige un entraînement quotidien pendant un à quatre mois ». Une étude menée sur 48 personnes souffrant de cauchemars chroniques a montré que, trois ans après la thérapie, 70 % des participants étaient encore considérés comme guéris.

Pour aller plus loin

Pour commencer, choisissez le cauchemar le moins douloureux ou le plus ancien. Rédigez son story-board, puis changez les éléments les plus perturbants : décors, actions, acteurs… Sollicitez votre imagination et n’hésitez pas à faire plusieurs brouillons. Répétez le nouveau scénario cinq minutes par jour durant une semaine avant de vous attaquer à un autre cauchemar.

Comment Alexandre s’est apaisé

Le cauchemar « Je suis enfermé dans une pièce et des rats se mettent à me manger. J’essaie de les chasser, mais ils ne partent pas. J’appelle à l’aide, personne ne m’entend. Je suis seul et les rats, de plus en plus nombreux, continuent de me dévorer ».

Le nouveau scénario positif « Je suis enfermé dans une pièce et des rats se mettent à me manger. J’essaie de m’échapper et, en tâtant les murs, je découvre une porte. En récitant une formule magique, elle s’illumine de milliers d’étoiles bleues, s’ouvre et m’emmène loin de la cave. Je suis à présent sur une plage devant un magnifique coucher de soleil, que je contemple en humant l’air du large. Je me sens libre ».

*Témoignage extrait de Manuel de guérison des cauchemars, de Benjamin Putois.

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