“Le Serpent” : Jenna Coleman dans la peau d’une tueuse en série pour Netflix | Vogue Paris

L’actrice britannique nous raconte comment elle est entrée dans la peau de Marie-Andrée Leclerc, complice du criminel Charles Sobhraj, pour une série en huit épisodes haletante. Au programme de la discussion : la mode des seventies, l’apprentissage du français, l’expérience du tournage à Bangkok avant le coronavirus et ses espoirs pour les prochains mois.

Jenna Coleman a toujours été une actrice difficile à ranger dans une case : à 19 ans, la Britannique faisait ses premiers pas à la télévision dans rôle d’une jeune fille à problèmes pour le soap opera Emmerdale. Une myriade d’autres rôles prestigieux allait suivre : une écolière au caractère bien trempé dans la série Waterloo Road (2006 à 2015), une aventurière qui remonte le temps pour Doctor Who (de 2005 à aujourd’hui), la jeune Reine Victoria pour les trois saisons de la série Victoria (de 2016 à aujourd’hui) ou encore une mère à la recherche de son bébé disparu dans la série australienne The Cry (2018). Son dernier projet l’amène vers d’autres contrées : la Thaïlande des années 1970, où sévissait le serial killer français Charles Sobhraj, qui dépouillait et tuait les hippies qui faisaient du tourisme dans la région.

Dans le Serpent, une série en huit épisodes adaptée des véritables crimes de Sobhraj, Jenna Coleman incarne Marie-Andrée Leclerc, son amante québécoise. Opérant sous les pseudonymes d’Alain et Monique, le couple se lie d’amitié avec des touristes occidentaux, avant de les droguer et de les délester de leur argent et de leurs passeports. Ceux qui se défendent seront dûment éliminés par Sobhraj (joué par un Tahar Rahim d’un sang froid qui donne la chair de poule) et son associé Ajay Chowdhury (Amesh Edireweera). Mais ils ont à leurs trousses Herman et Angela Knippenberg (Billy Howle et Ellie Bamber), un diplomate néerlandais et sa femme, qui enquêtent sur une série de crimes irrésolus ainsi que Nadine Gires (Mathilde Warnier), une voisine qui soupçonne quelque chose. Le résultat est une série à suspens angoissante, dépaysante, et avec une patine très années 1970 dans le domaine de la mode.

Alors que la série est disponible sur Netflix le 2 avril, Coleman nous parle de sa rencontre avec les véritables protagonistes de ce drame, les Kippenberg et Nadine Gires, de la lecture du journal intime de Leclerc, ainsi que de la playlist qui l’a aidé à se mettre dans la peau de son personnage.

Rencontre avec Jenna Coleman, la révélation du Serpent

Le Serpent est basé sur une histoire vraie invraisemblable. À quel moment avez vous reçu ce projet ?

« J’ai reçu le scénario alors que je jouais la pièce All My Sons au théâtre, en 2019. Je n’avais jamais entendu parler de cette histoire. On m’a également fait parvenir beaucoup de photos, les véritables déclarations de Marie Andrée et les enregistrements de sa voix. J’ai tout de suite été captivée. Elle est mystérieuse et compliquée, et plus je lisais de choses sur elles, et plus j’étais accro. C’est une histoire séduisante et toxique, mais aussi assez sombre.

Quelle est la marge de liberté dans l’histoire que nous voyons par rapport aux faits historiques ?

«  Il y a évidemment beaucoup d’interprétations des évènements qui sont celles de l’équipe. Par exemple, on ne sait pas et on ne saura sûrement jamais à quel point Andrée était sa complice ou sa victime. Mais la série se base tout de même sur des faits. L’autre jour, un ami m’a écrit un texto pour me demander si le singe avait vraiment été empoisonné. Alors j’ai écrit à Richard [Warlow, l’un des scénaristes de la série] et à Tom [Shankland, le réalisateur] et ils m’ont répondu que c’était tout à fait vrai. Donc, beaucoup d’éléments de la série dont on ne s’attendrait pas à ce qu’ils soient vrais le sont.

Comment avez-vous contrebalancé les deux facettes de Marie-Andrée — la victime et la complice? 

« C’est une chose avec laquelle je me suis beaucoup battue. Je n’ai jamais rencontré personne qui ait une telle psychologie, et son histoire est vraiment intéressante. Elle était issue d’une famille religieuse, et quand elle parle de sa vie, dans ses journaux intimes, il y a quelque chose d’assez morose et banal. Elle est romantique avec une faible estime d’elle-même. Trois semaines à peine après avoir rencontré Charles Sobhraj, elle se met à droguer des gens. On ne sait pas exactement ce qu’elle savait des autres crimes de Charles, mais il est devenu sa religion. Elle l’a laissé complètement brouiller ses repères moraux. »

Est-ce vrai que pendant le tournage, vous avez rencontré le vrai Herman Knippenberg et la vraie Nadine Gires? 

« Ils sont venus sur le plateau et je pense que c’était étrange pour eux. J’ai demandé à Nadine si Marie-Andrée et Charles étaient véritablement amoureux. Elle m’a dit : « au début, oui, et Marie-Andrée l’est restée. Mais elle m’a également raconté que lorsqu’elle avait demandé à Marie-Andrée s’ils souhaitaient avoir un enfant, celle-ci lui avait répondu : “impossible, Charles serait un monstre”. Donc elle était au courant de cela, et elle ne l’a pas quitté »

Marie-Andrée est québécoise. Est-ce que vous avez dû apprendre le français en partant de zéro ?

« Oui, tout à fait. C’était la folie, parce que je jouais au théâtre et je n’avais que quelques semaines de battement avant de tourner. Donc l’apprentissage a beaucoup tourné autour d’exercice de muscu pour la bouche et des sonorités. Je n’ai jamais appris le français, mais je ne voulais rater à aucun prix de faire la série. Et puis, je suis fan de Tahar Rahim [qui incarne Sobhraij] depuis un Prophète [2009]. Donc, en quelques semaines, j’étais sur le tournage avec Tahar en train de parler en français.

La mode des années 1970 est très glamour dans la série. Comment avez-vous trouvé le look de Marie-Andrée? 

« On avait beaucoup d’images de référence, et nous avons cherché une sorte d’aura de Brigitte Bardot sombre. Dans mon esprit, Marie-Andrée était obsédée par les magazines et surtout Vogue Paris. L’idée, c’est qu’elle souhaitait cacher son identité québécoise et se transformer en quelqu’un d’autre. Il y a quelque chose de vaporeux dans son look et j’ai amené l’idée de la faire porter des kimonos chez elle. Les lunettes de soleil sont incroyables, et puis, il y a les habits qu’elle porte à Paris. On s’est intéressé à des images de Mick et Bianca Jagger, et c’est là qu’on a trouvé l’idée des costumes. J’ai également dû porter une perruque à certains moments, parce qu’au début, elle a des cheveux bouclés. »

Quelles autres ressources vous ont aidé à entrer dans votre personnage ?

« Tom Shankland, le réalisateur, m’a envoyé une playlist Marie-Andrée. On s’est amusé autour de l’idée qu’elle avait des goûts musicaux un peu douteux et qu’elle aimait les chansons romantiques un peu sirupeuses. Sur la playlist, il y avait Leaving on a Jet Plane de John Denver, Mamma Mia d’Abba, Tiny Dancer d’Elton John, Bridge Over Troubled Water Simon & Garfunkel. Il y a une scène où il se déroule quelque chose d’assez horrible, et Marie-Andrée est dans la pièce d’à côté à écouter She (Tous les visages de l’amour) de Charles Aznavour pour couvrir le bruit. On voit qu’elle voudrait continuer à jouer cette héroïne qu’elle imagine dans sa tête.

La série se déroule dans plusieurs lieux, de Bangkok à Katmandou en passant par Paris, mais le tournage s’est essentiellement déroulé en Thaïlande ? 

« Ça s’est essentiellement déroulé en Thaïlande, mais nous avons beaucoup voyagé. La scène près du Lac Dal a été tournée près de Myanmar. On devait aller à Budapest tourner les scènes parisiennes, mais c’est là que le Covid est arrivé, et on a dû rentrer chacun chez soi pour une pause de six mois. On ne pouvait pas vraiment voyager après, donc le reste a été tourné à Tring, dans le Hertfordshire, qui sert pour les scènes de Mumbai, Karachi et Paris. C’était une aventure incroyable, surtout à Bangkok avec les marchés, les embouteillages et la chaleur. Notre équipe thaïlandaise était formidable et le tournage était un vrai bouillon de culture. On a vraiment capturé l’hédonisme des années 1970. Assister à la sortie de la série après tout ça, c’est très enthousiasmant. »

Comment avez-vous occupé votre temps de confinement, quand les tournages étaient interrompus ?

« J’ai l’impression que tant de temps est passé depuis. L’autre jour, j’ai vu quelqu’un poster une recette de banana bread sur Instagram, et je me suis dit “mince, on est déjà de retour au banana bread” (rires). J’ai continué à apprendre le français, j’ai cuisiné, jardiné, et j’ai commencé à prendre un cours de photographie avec Leica. Les moments forts de ma vie sociale, ça a été de rencontrer des amis pour une promenade. Les soirées Zoom , on s’en lasse vite. »

Quelles leçons de 2020 avez-vous retenues pour 2021 ?

« On doit lever le pied. On a cette sensation de devoir toujours être en train de faire quelque chose ou de mettre en avant autre chose, on essaie d’être tellement polyvalents tout le temps, on oublie la beauté de capituler. J’ai apprécié le calme, la bonté, tout ce qui était là au début du confinement, j’espère que ça continue ».

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