« Le prince Philip était le point de ralliement d’Elisabeth II »
- Le duc d’Edimbourg s’est éteint ce vendredi à l’âge de 99 ans.
- Epoux de la reine Elisabeth II, le prince Philipp aura traversé la seconde moitié du XXe siècle et une partie du XXIe à ses côtés.
- Pour Philippe Chassaigne, spécialiste de la monarchie britannique, « c’était un personnage qui est, sur la photo, toujours quelques pas derrière la reine. Mais qui était toujours là ».
Il allait passer le cap symbolique du centenaire dans deux mois à peine. Le prince Philip, époux de la reine
Elisabeth IId’Angleterre, s’est éteint ce vendredi matin à l’âge de 99 ans, au château de Windsor. Le duc d’Edimbourg, dont on connaissait le côté colérique et gaffeur, aura traversé la seconde moitié du XXe siècle et une partie du XXIe au côté de la monarque, avec laquelle il s’était marié en 1947.
Mais que représentait-il pour le peuple britannique ? Selon Philippe Chassaigne, spécialiste de la monarchie britannique et professeur d’Histoire contemporaine à l’université de Bordeaux-Montaigne, avec la disparition du prince Philip, c’est une page de l’Histoire de la Grande-Bretagne qui se tourne.
Que représentait le prince Philip pour le peuple britannique ?
C’était un personnage qui est, sur la photo, toujours quelques pas derrière la reine. Mais qui était toujours là. Une figure très familière, qui n’était pas sans susciter quelques controverses, mais désormais plus consensuelle. Un personnage dont la vie est très liée à celle d’Elisabeth II, depuis leur mariage en 1947. Je pense que dans les jours qui viennent, les témoignages de sympathie et de condoléances des sujets auprès de la reine seront nombreux.
Le prince Philip a donc pu être sujet à controverses. Mais il a aussi été, durant l’ensemble de son règne, le principal soutien de la reine…
Elisabeth II perd l’un de ses piliers. Elle est la reine, certes, mais elle n’oublie pas qu’elle est une femme. Philip était un peu comme son roc. Car si elle est le point de ralliement de toute une Nation, Philip, lui, était son point de ralliement à elle. Toutes les grandes décisions, même les plus récentes – comment faire face, par exemple, à l’interview de Meghan et Harry ? – , elle les a prises en concertation avec son mari.
Le prince Philip a-t-il souffert du « second rôle » qu’il a joué une grande partie de sa vie ?
C’est un rôle qu’il a eu du mal à assumer au début, dans la mesure où il a dû renoncer à tout. A sa nationalité : il était prince de Grèce et de Danemark, il est devenu sujet britannique. A sa religion : orthodoxe, il s’est converti à l’anglicanisme. A sa carrière de marin, aussi. Entre leur mariage, en 1947, et l’accession au trône d’Elisabeth, en 1952, Philip a continué sa carrière maritime, et c’est la princesse qui est allée le rejoindre là où il était affecté, notamment à Malte. Mais ensuite, devenu son époux, ses fonctions se sont résumées à des fonctions purement protocolaires. On sait aussi qu’il a été ulcéré de ne pas pouvoir donner son nom à ses enfants : ils portent le nom de Windsor et non le sien, Mountbatten.
D’où des tensions au sein du couple…
Oui, qui ont été à l’époque rendues publiques par la presse américaine. La presse britannique, elle, était alors plus réservée qu’aujourd’hui. On connaît notamment l’épisode des six mois durant lesquels il est parti en « virée » sur le yacht Britannia [en 1956]. On lui a prêté des liaisons, notamment avec une actrice américaine. Ces tensions se sont conclues par une sorte de modus vivendi. Philip a fini par accepter son rôle et la réconciliation du couple s’est vue avec la naissance de leur troisième enfant, le prince Andrew, en 1960. La naissance précédente, celle de la princesse Anne, avait eu lieu en 1950. Donc durant une décennie, il n’y a pas eu d’enfant, ce qui a pu être le signe de tensions. Par ailleurs, on ne connaîtra vraiment la réalité que lorsque l’on aura
accès au journal intime de la reine. Ce qui n’est pas près d’arriver…
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Le décès du prince Philip va-t-il, comme souvent dans l’histoire de la monarchie britannique, rassembler le peuple ?
Philip était une figure médiatique tout à fait notable. Le précédent, si l’on veut faire une comparaison, est le décès de la reine mère, Elisabeth, en 2002. A l’époque, on avait vu les Britanniques faire corps autour de leur souveraine. Or nous étions cinq ans après la disparition de la princesse Diana, et la monarchie souffrait d’un réel déficit de popularité. Aujourd’hui, ce n’est absolument pas le cas. Elisabeth II est plus populaire qu’elle ne l’a jamais été depuis son accession au trône. Il n’y a pas de fêlure à ressouder, donc je pense qu’il y a aura une communion avec la tristesse de la reine, sans arrière-pensée.
Quelles funérailles peut-on imaginer compte tenu de la crise sanitaire ?
Très difficile à dire. Il y a des plans prévus pour les funérailles de chacun des membres de la famille royale. Pour le décès d’Elisabeth II, c’est l’« Opération London Bridge ». Donc des choses sont prévues concernant le prince Philip. Qu’importe ce qui sera organisé, cela sera adapté au contexte sanitaire. Mais un évènement en petit comité me paraît très peu probable, car ce n’est pas un personnage de dimension moyenne qui disparaît. Et j’ai du mal à imaginer que
Boris Johnson n’essaie pas de tirer profit, en termes de popularité, des obsèques. Car le prince Philip était à quelques semaines de son centième anniversaire, et c’est une page du passé de la Grande-Bretagne qui se tourne.
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