Le choix du « bon parti » : les couples d’aujourd'hui, bien plus libres que ceux d’hier
Dans une étude publiée jeudi, l’Ined démontre que l’influence des parents sur le choix du conjoint a largement diminué au cours du dernier siècle.
Des parents refusant une union, telles les familles véronaises de Roméo et Juliette : cette situation semble tout à fait anachronique aujourd’hui. Elle était pourtant fréquente il y a encore quelques dizaines d’années seulement. C’est-ce que révèlent Milan Bouchet-Valat et Sébastien Grobon, qui ont étudié l’évolution de l’influence parentale sur le choix du conjoint pendant le siècle dernier. Leur travail, consultable depuis le jeudi 8 avril sur le site de l’Institut national d’études démographiques (Ined), se base sur l’analyse de trois enquêtes menées au cours des soixante dernières années, datant de 1959, de 1984 et de 2014. Ils notent une amélioration de la « tolérance » parentale vis-à-vis du partenaire de sa progéniture après 1968, période à laquelle l’opposition entre parents et enfants concernant le choix du conjoint est la plus forte.
Les auteurs expliquent le phénomène ainsi : « de façon schématique, les jeunes adultes qui ont fait l’expérience du mariage d’amour contre l’avis de leurs parents en première période (1919-1970) auraient fait preuve de plus de tolérance à l’égard de leurs propres enfants lorsqu’ils sont devenus à leur tour parents en deuxième période (1970- 2014) ». Derrière l’assouplissement des « critères parentaux » se cache une émancipation de la jeunesse et l’envie de ne pas reproduire les schémas familiaux coercitifs. C’est l’avènement des « mariages d’amour ».
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Une baisse significative de l’homogamie
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« L’attitude des parents était la moins favorable quand les conjoints étaient de religions ou de pays de naissance différents », affirment les chercheurs. Ces derniers constatent justement une baisse de l’homogamie (le fait de rechercher un conjoint dans le groupe social auquel on appartient) en ce qui concerne la religion. Ainsi, 95 % des conjoints qui s’étaient mis en couple en 1919 avaient été élevés dans la même religion. Cette proportion diminue à partir des années soixante. En 2014, seulement 68 % des conjoints sont de même religion. « Le développement de l’hétérogamie religieuse peut notamment s’expliquer par l’augmentation de la proportion de personnes se déclarant sans religion, alors que la population française se déclarait presque uniformément catholique au début du XXe siècle », avancent les auteurs.
En revanche, la proportion de couples nés dans le même pays n’a quasiment pas changé : elle est encore de 84% en 2014. Concernant le niveau de diplôme ou l’origine sociale, la tendance à l’homogamie a aussi progressivement diminué.
Des choix davantage basés sur l’attirance physique
Les critères intervenant dans le choix du conjoint ne relèvent plus automatiquement de la religion ou du milieu social d’origine, dictés sous la pression parentale, mais plutôt de l’attirance physique et des goûts communs. La proportion de personnes déclarant qu’« en vue d’un mariage », il vaut mieux « considérer l’attirance des personnes », plutôt que « la situation sociale » ou « les deux » augmente nettement : elle passe de 50 à 69% entre 1919 et 1959. Aussi, la proportion de personnes indiquant qu’elles auraient accepté « l’idée d’être avec quelqu’un qui aurait été nettement moins diplômé » ou « nettement plus diplômé » s’élève à 62 % pour les personnes s’étant mises en couple en 1945, passe à 83 % au début des années 1990, et atteint 88 % en 2014.
Les rencontres se font de plus en plus en dehors du cercle familial, les « mariages arrangés » disparaissent : alors que 40 % des unions formées en 1919 résultaient d’une rencontre dans le cadre familial ou dans le voisinage, ce n’est le cas que de 9 % de celles formées en 2014, établissent Milan Bouchet-Valat et Sébastien Grobon.
Ces changements s’expliquent, d’après les auteurs, par les possibilités offertes par la mobilité, qui s’est développée au fil du temps. Selon eux, « l’allongement des études et le développement du salariat et de la protection sociale ont largement émancipé les individus de l’influence familiale, notamment les femmes ».
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