Laure Adler dénonce le « mépris » envers la vieillesse sur France 2
- France 2 diffuse La révolte des vieux, un documentaire réalisé par Laure Adler et Jérémy Frey, ce mercredi 15 février à 22h55.
- La réalisatrice et femme de radio de 72 ans est allée à la rencontre de vieux et vieilles de France et d’ailleurs et dresse un portrait optimiste du grand âge pour en finir avec le « mépris, l’invisibilisation et la détestation » des vieux.
- Elle voit dans les manifestations contre le report de l’âge légal de la retraite à 64 ans avec optimisme en France où le monde du travail voue un culte à la jeunesse. « C’est ridicule », dénonce-t-elle auprès de 20 Minutes. « On fait tout plus lentement mais ça permet aussi d’apprécier une certaine beauté qu’on ne voyait pas avant parce qu’on était trop pressé… »
« Ok boomer. » Cette expression, Laure Adler ne peut plus l’entendre. « Je fais partie d’une génération qui n’a pas été prévenue que la catastrophe écologique s’annonçait. Peut-être qu’on porte une responsabilité collective de ne pas avoir ouvert nos yeux là-dessus mais je pense que jeunesse et vieillesse fonctionnent ensemble. » La réalisatrice et femme de radio de 72 ans est allée rencontrer cette « génération » de vieux et de vieilles. La révolte des vieux, un documentaire de 62 minutes diffusé sur France 2 ce mercredi, est le résultat de ce rendez-vous en vieillesse méconnue, voir méprisée.
« Le jour de mon anniversaire, le président de la République a pris la parole à la télévision pour dire que les gens qui avaient plus de 65 ans devaient rester chez eux, qu’ils étaient en grand danger, qu’il fallait qu’ils se barricadent et qu’ils ne bougent plus », se souvient-elle. Un choc pour l’ancienne directrice de France Culture, fervente défenseuse du troisième âge depuis la parution de son livre La voyageuse de nuit. « J’ai été extrêmement révoltée par ce qu’on peut appeler une ségrégation et une forme de discrimination qu’on appelle l’âgisme. »
« La vieillesse n’est pas une maladie »
Au travers de rencontres avec le philosophe Edgar Morin ou les historiennes Mona Ozouf et Michelle Perrot, Laure Adler rend hommage aux vieilles et aux vieux et veut lever tous les tabous sur le grand âge.
« Les vieux sont méprisés, détestés, invisibilisés… Il vaut mieux les enfermer pour ne pas trop les rencontrer, c’est pour ça qu’on les met dans des Ehpad car on pense qu’ils sont incapables de faire quoi que ce soit. » Elle rappelle que chaque jeune est un vieux en devenir et que la vieillesse n’est pas une maladie mais une évolution naturelle du corps et de l’âme.
Le mépris vécu par les vieux et vieilles en France, la journaliste l’a d’autant plus perçu en s’envolant pour le Sénégal où elle a rencontré la danseuse Germaine Acogny, 78 ans. Elle y a observé un immense respect pour les plus de 60 ans. « En Afrique, les vieux sont respectés, sont admirés, aimés, célébrés. Plus on devient vieux, plus c’est une chance pour la personne qui vieillit mais aussi pour toutes les générations parce que vieillesse égal sagesse. »
Le culte de la jeunesse en ligne de mire
Si elle évoque une révolte des vieux et des vieilles, la journaliste est heureuse de voir les plus jeunes générations prendre la mesure de la valeur du grand âge.
Notamment dans les manifestations contre le report de l’âge de la retraite à 64 ans dans un monde où le travail, « de plus en plus difficile, de plus en plus mécanique, de plus en plus surveillé », n’est plus synonyme d’épanouissement. Car on demande selon elle aux travailleurs de plus de productivité dans des délais toujours plus courts. « Tout ça participe du culte de la jeunesse », dénonce-t-elle.
Qu’est-ce qui bloque pour dégoupiller l’âgisme latent que Laure Adler dénonce en France ? « Je pense que c’est un culte de la performance, de la vitesse, de la rapidité. Un culte très masculiniste d’une certaine jeunesse. Comme si les jeunes pouvaient être l’apanage d’un ultra-capitalisme et d’une certaine richesse. C’est ridicule ! »
La vieillesse de tous les possibles
Laure Adler décrit la vieillesse comme une « troisième vie ». « On redevient étudiant, on réapprend des choses qu’on n’a pas eu le temps de faire comme le piano, la musique, le dessin, la peinture… L’associatif et le bénévolat reposent aussi essentiellement sur des vieux ». Cette vie supplémentaire vient après l’enfance et l’âge adulte et est « faite de possibilités d’aller vers les autres et de pouvoir être un liant entre les différentes générations », défend Laure Adler.
Elle assure qu’être vieux permet de regarder le monde avec un autre regard. Car les plis sur le corps viennent avec un ralentissement physique mais n’empêchent rien. « Il y a une espèce de ralentissement. On fait tout plus lentement mais ça permet aussi d’apprécier une certaine beauté qu’on ne voyait pas avant parce qu’on était trop pressé… »
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