La schizophrénie : une maladie complexe mais pas incurable
Souvent assimilée, à tort, à une double personnalité, la schizophrénie est longtemps restée une maladie mystérieuse de la psychiatrie. Depuis plusieurs années, ses causes et symptômes sont de mieux en mieux identifiés, permettant une meilleure prise en charge des patients.
Complexe et chronique, la schizophrénie est une maladie qui touche près de 600 000 personnes en France. Contrairement aux idées reçues, véhiculées par le mot lui-même (qui vient du grec et se traduit par « fendre l’esprit »), elle ne correspond en rien à un dédoublement de la personnalité. « La schizophrénie est un dysfonctionnement du cerveau qui provoque une altération de la perception de la réalité », déclare Vincent Laprévote, professeur de psychiatrie à l’Université de Lorraine et psychiatre au Centre Psychothérapique de Nancy. Ces dernières années, de nombreux progrès ont été réalisés pour mieux comprendre et soigner la maladie. Diagnostiquée le plus tôt possible, la schizophrénie peut être maîtrisée et les épisodes psychotiques anticipés, améliorant sensiblement la qualité de vie des patients.
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Quels sont les facteurs de la schizophrénie ?
Comme beaucoup de maladies, la schizophrénie est multifactorielle. Pour Guillaume Fond, psychiatre responsable du Centre expert schizophrénie de l’AP-HM à Marseille, également enseignant et chercheur à l’Université d’Aix-Marseille, la maladie résulte « d’une interaction entre des gènes et un certain nombre de facteurs environnementaux ». Plusieurs études ont démontré que les membres de la famille d’un schizophrène ont dix fois plus de risque de développer la maladie que le reste de la population. Cependant, la génétique n’explique pas tout.
Parmi les autres facteurs pouvant créer une vulnérabilité, les recherches médicales ont identifié certains éléments autour de la naissance. « On sait par exemple qu’une infection maternelle dans les semaines qui précédent la naissance, peut augmenter le risque de développer la schizophrénie, détaille Vincent Laprévote. Certaines circonstances lors de l’accouchement peuvent aussi augmenter le risque. Mais attention, à elles seules, elles ne suffissent pas à expliquer la maladie. »
En grandissant, d’autres éléments peuvent constituer une menace. C’est par exemple le cas d’une consommation de tabac ou de cannabis, affirme Guillaume Fond : « Certaines études suggèrent que le taux de troubles psychotiques chez les adolescents est multiplié par deux en cas de consommation de cannabis. C’est un facteur aggravant reconnu. En revanche, la question à laquelle on n’a pas encore répondu est celle de savoir si un même individu aurait déclenché une schizophrénie sans consommation de cannabis. »
« On pense aussi que l’environnement urbain, ou le fait d’avoir rencontré une forme d’adversité dans la vie, comme une migration par exemple, peuvent jouer un rôle », ajoute Vincent Laprévote. L’absence de certains facteurs protecteurs, notamment le fait de bénéficier d’un environnement social stable peuvent aussi accroître le risque, selon le psychiatre de Nancy.
Quels sont les symptômes de la maladie ?
La schizophrénie est suspectée chez une personne lorsqu’on constate une altération de la perception de la réalité. « Cela peut se traduire par des hallucinations ou bien des idées fausses ou fixes que l’on qualifie de délires », indique Guillaume Fond. L’autre signe annonciateur est la désorganisation manifeste d’un individu. Elle se manifeste par une perte de certains automatismes de la pensée et du comportement (discours incohérents, attitudes inappropriées, agitation sans but précis).
L’autre grand pôle de symptômes identifiés correspond aux symptômes dits « négatifs ». « Ils se caractérisent par un manque d’énergie pour faire les choses, un repli sur soi, et parfois un désintérêt pour les interactions avec les autres. Pour poser les critères d’une schizophrénie il faut que l’ensemble de ces symptômes, qui peuvent varier d’une personne à une autre, perdurent dans le temps. S’ils durent moins d’un mois, on parle d’épisode psychotique aigu. Beaucoup de personnes qui développent un épisode psychotique aigu au cours de leur vie, ne déclencheront pas une maladie chronique comme la schizophrénie », souligne le psychiatre de Marseille.
« Ces trois catégories de symptômes sont surtout présentes pendant les crises de la maladie. La schizophrénie n’est pas forcément continue, loin de là, ajoute Vincent Laprévote. On fait en sorte que les symptômes soient présents uniquement pendant les crises. Le but du traitement médical, c’est de les diminuer, voire de les réduire à zéro. »
L’adolescence : une période clé
Parmi les moments-clés, l’adolescence constitue une période de vigilance particulière. C’est entre 15 et 25 ans que les risques de déclencher des troubles psychotiques sont les plus importants. « C’est la période la plus à risque parce que c’est une période de maturation cérébrale, explique Vincent Laprévote. C’est un moment où il se passe un grand remaniement à l’intérieur du cerveau. Il y a une sorte de tri qui se fait entre les connexions utiles au cerveau, qui sont renforcées, et celles moins utiles, qui disparaissent. » Facteurs génétiques et consommation de cannabis sont autant de causes pouvant venir perturber ce temps de maturation cérébrale, provoquant des risques de développer la maladie.
L’adolescence est d’autant plus importante qu’elle constitue une période cruciale pour le travail des psychiatres. Depuis une vingtaine d’années, l’organisation des soins et la compréhension des meilleurs moments pour intervenir ont beaucoup progressé. « Grâce à des méta-analyses, on s’est aperçu que le concept de l’intervention précoce était fondamental. Il consiste à fournir un suivi médical dès les premiers symptômes et ça change considérablement le cours de la maladie », insiste Vincent Laprévote, responsable d’un Centre de liaisons et d’intervention précoce (CLIP) situé dans une Maison des ados. Intervenir le plus tôt possible permet non seulement de diminuer les trois grandes catégories de symptômes, mais aussi de limiter le nombre et la durée des hospitalisation, et, de manière plus générale, d’améliorer la qualité de vie des malades.
Depuis peu, la médecine a fait une autre découverte significative dans la lutte contre la maladie. « On sait aussi que dans cette intervention précoce, on peut faire de la détection précoce, c’est-à-dire arriver à identifier non pas les symptômes en plein cœur d’un épisode psychotique mais des symptômes annonciateurs d’un épisode, détaille Vincent Laprévote. En intervenant à temps, on diminue le risque de développer un premier épisode psychotique. C’est révolutionnaire en psychiatrie parce que ça démontre que ces troubles ne sont pas inexorables et que l’on peut faire de la prévention », se réjouit-il.
Soigner la maladie à l’aide d’un antipsychotique
Pour soigner la schizophrénie, le traitement de référence est un antipsychotique. « Pour un premier épisode psychotique, il faut envisager deux ans de traitement antipsychotique. Lorsqu’une schizophrénie se développe, c’est plusieurs années de traitement au minimum, voire parfois à vie », précise Vincent Laprévote. La plupart du temps, l’antipsychotique est un comprimé à prendre tous les jours. Pour éviter les oublis, qui entraînent souvent des rechutes, le traitement sous forme d’injection tend à se démocratiser. Il permet d’espacer les prises tous les quinze jours, parfois même tous les deux mois selon les traitements.
Si l’activité physique ne peut pas suffire à soigner la maladie, elle est fortement conseillée par Vincent Laprévote et Guillaume Fond. Elle participe au bon rétablissement du patient et elle prévient les risques cardiovasculaires, de même qu’un régime alimentaire adapté.
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