La nouvelle Bourse de commerce sublime la foisonnante collection Pinault

  • La Bourse de commerce, le nouveau lieu d’art contemporain du magnat du luxe François Pinault, ouvre ses portes au public le samedi 22 mai au centre de Paris.
  • Le lieu, vaste dôme du XVIIIe et XIXe siècle, a été adapté en un centre d’art par l’architecte Tadao Ando, dans un dialogue entre les époques.
  • Sculptures de cire d’Urs Fischer, totems critiques de Bertrand Lavier, clichés qui dérangent le genre de Michel Journiac et Cindy Sherman, peintures oniriques de Peter Doig et dédale musical cliquetant de Tarek Atoui… Les visiteurs et visiteuses épris d’art contemporain trouveront forcément leur bonheur dans cette foisonnante collection.

A l’entrée, c’est l’impression de tournis et de grandeur qui dominent. La Bourse de commerce, logée au premier arrondissement de Paris, près des Halles, ouvre ses portes samedi 22 mai
après trois ans de travaux pour y accueillir la collection du magnat du luxe François Pinault, grand amateur d’art contemporain. Très vite, à peine entrée, on est captée par la lumière projetée du haut d’un immense dôme, qui éclaire dans une salle ronde et haute une grande sculpture qui semble classique, et tout un tas d’objets qui n’ont a priori aucun lien entre eux.

Jusqu’à ce qu’on aperçoive qu’ils sont tous parsemés de petites mèches, et que ces objets qui sont en fait en cire sont destinés à mourir progressivement, le long de l’exposition. Voilà d’emblée planté un des thèmes chers à François Pinault, celui de la vanité et du temps qui passe. Cette magnifique sculpture imitant
L’enlèvement des Sabines de Jean Bologne va donc
périr par le feu.

Urs Fischer, «Untitled», 2011.

Une tronçonneuse qui ressemble à un totem africain

L’œuvre de cire d’Urs Fischer est d’autant plus visible qu’elle est entourée par un grand cylindre de béton, qui certes cache l’ancien bâtiment construit essentiellement au 18e et 19e, mais sublime aussi tout ce qui vient se loger en son centre. C’est la patte de l’architecte japonais Tadao Ando, fidèle compagnon du richissime collectionneur, qui avait pour mission de faire dialoguer l’ancien et le nouveau.

Tout autour les visiteurs et visiteuses pourront déambuler dans un passage ponctué par les œuvres de Bertrand Lavier, égrainées dans l’ancienne halle au blé dans des vitrines d’époques, conçues comme une forme de rétrospective de la carrière de l’artiste français. On retrouve ainsi par exemple sa fameuse tronçonneuse Bosch AHS, qui n’est rien d’autre qu’une tronçonneuse, mais qui agencée comme telle ressemble à un totem africain. Une forme de critique qui révèle en creux, comme beaucoup d’autres œuvres de Bertrand Lavier, que notre culture érige au-dessus de tout les objets de consommation.

Comme tout droit sorti d’un rêve

Une galerie entière est consacrée à l’œuvre de David Hammons, plus abscons, et plus haut, on retrouve l’œuvre très queer et imprégnée de questions de genre des photographes Cindy Sherman, Martha Wilson ou encore Michel Journiac. Dans sa série 24 heures dans la vie d’une femme ordinaire, prise en 1974, ce dernier met en scène dans des postures très théâtralisées La maternité, Le repas du mari, L’arrivée du mari, L’avortement, Les courses, etc. où le travestissement révèle la nature profondément jouée du genre, l’apparentant à une performance, dira plus tard, en 1990, la philosophe Judith Butler.

Une visiteuse regardant «Bather» de Peter Doig.

A l’étage encore au-dessus, on pourra se perdre dans les énigmatiques peintures flashy du peintre britannique Peter Doig, plantées dans des décors indécis. Dans Bather (Nightwave) par exemple, on voit un homme au clair de lune, aux contours indistincts et fluorescents, debout sur une plage orange, comme tout droit sorti d’un rêve. On s’attarde devant la plantureuse Vénus noire nommée comme telle par Kerry James Marshall dans Could this be love, qui se dévêtit en nous transperçant du regard. Et plus loin nos yeux s’arrêtent sur les gangs fantomatiques auscultés par le peintre new-yorkais Florian Krewer, qui explore la vie des jeunes en milieu urbain.

«Intouchables» de Florian Krewer.

Dispositif ludique

Last but not least, le sous-sol est consacré à deux œuvres musicales qui toucheront très certainement le public. Offspring de Pierre Huygues, « expérience sensorielle et politique, hors du temps », selon les mots de Martin Bethenod, le directeur général délégué de la Bourse du commerce, qui fait varier la Gymnopédie n°1 d’Erik Satie.

«The Ground» de Tarek Atoui

En face, un dédale interconnecté de fils, de branches d’arbres, de platines jouant des disques en céramique, de bijoux ressemblant à des bracelets tibétains et de sculptures en céramiques, produit de la musique à la fois concrète et électronique, dans un dispositif ludique et fascinant. Une médiatrice nous apprend que l’artiste Tarek Atoui a étudié pendant cinq ans les pratiques agricoles, architecturales et musicales, d’où il a tiré The Ground. Comme quoi cette Ouverture – c’est le titre de la toute première exposition du nouveau musée de François Pinault – est aussi à prendre au sens musical.

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