La musophobie, ou la terreur des rats et des souris

Certaines personnes ont une peur panique incontrôlable des rats et souris. Trois spécialistes nous expliquent en quoi consiste la musophobie.

Il arrive que les rongeurs déclenchent une réaction de panique ou de terreur absolue et incontrôlable chez certaines personnes. On appelle cela la musophobie. Maria Hejnar, psychologue clinicienne, Boris Charpentier, psychologue et coach et Florence Lautrédou, psychanalyste, expliquent d’où elle vient et comment la traiter.

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Qu’est-ce que la musophobie ?

La musophobie concerne les rats et souris, le terme vient de « mus » qui veut dire souris ou rat en latin, et de « phobos » qui désigne la peur. Comme les autres phobies animales, on dit d’elle qu’il s’agit d’une phobie spécifique ou phobie simple, c’est-à-dire qu’elle est déclenchée par quelque chose de concret, de délimité : le rongeur. Maria Hejnar explique que, comme toute phobie, la musophobie est une crainte irrationnelle, démesurée et persistante.

Quelles sont les origines de la musophobie ?

Marie Hejnar souligne que la plupart du temps, la musophobie débute au cours de l’enfance. « Les animaux photogènes sont en lien avec les images parentales intériorisées. L’enfant, pris dans son ambivalence (hostilité envers les parents aimés) ressent de l’angoisse. Il ne peut figurer l’angoisse autrement qu’en la projetant sur un objet extérieur qui vient justifier ses craintes. A travers le processus de déplacement, la crainte ou l’hostilité que l’enfant ressent pour l’adulte (père, mère) se trouve déplacée et projeté sur le rat ou la souris. Ce processus de substitution se passe de manière inconsciente et permet à l’enfant d’éviter l’angoisse de perdre l’amour du parent envers lequel il ressent des sentiments hostiles. Le rongeur est donc (comme souvent dans les phobies animales) un avatar de la figure parentale. Le même procédé du déplacement sur les animaux est d’ailleurs fréquemment utilisé dans les contes et les mythes remplis d’animaux dangereux ou répulsifs. »

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D’autre part, elle rappelle que le rat a participé à propager des épidémies (telle que la peste) et persiste dans l’imaginaire collectif (adultes y compris) comme l’annonciateur d’un fléau. « Il vit près de sous-sols, il en émerge de manière furtive et par cela il peut symboliser ce qui peut surgir d’une zone d’ombre, de notre inconscient, il personnifie les forces obscures », termine-t-elle.

Comment se manifeste la phobie des rats et des souris ?

« La phobie étant une expression de l’anxiété, nous trouvons régulièrement chez une personne phobique des rats et souris d’autres manifestations anxieuses : anticipation anxieuse des situations redoutées par exemple. Ainsi, les personnes présentant une musophobie appréhendent des promenades dans certains lieux qui pourraient en contenir. Cette appréhension mène à l’évitement qui rend les objets phobogènes de moins en moins familiers. Lorsque la confrontation ne peut être évitée, le phobique ressent de l’angoisse plus ou moins forte. Il s’agit de symptômes neurovégétatifs, tels que : difficultés respiratoires, sentiment d’oppression ou d’étouffement, douleur thoracique, accélération du rythme cardiaque (tachycardie, palpitations), transpiration ou frissons, nausées… Lorsque la phobie est très intense, elle peut être très handicapante et peut restreindre considérablement la liberté de la personne qui en souffre. » A 32 ans, Ophélie ne compte plus les fois où elle a éclaté en larmes à la vue d’une souris. Elle avoue avoir envisagé de déménager en voyant un rat dans sa rue.

Quels traitements et solutions ?

Maria Hejnar précise tout d’abord que l’on n’est pas obligé de soigner sa phobie : « La phobie sert à gérer l’angoisse que la psyché ne parvient pas à élaborer par des moyens plus opérants. Avoir la phobie des rats est une stratégie inconsciente de gestion, qui fonctionne comme un paratonnerre. » Mais si cette dernière devient trop envahissante, il existe des solutions développées par la psychanalyste Florence Lautrédou. D’une part, la psychanalyse, qui permet de mettre en place des associations libres avec sa terreur des rats. « Cela permet de dérouler le fil de sa phobie en remontant à d’autres images corrélées. » L’hypnose peut aussi être une bonne option, mais demande d’expérimenter la phobie au préalable, en s’exposant à un rat ou une souris. Les thérapies cognitives et comportementales sont aussi efficaces contre la musophobie, comme l’explique Boris Charpentier. « On met le patient face à une échelle des peurs, dans le but de recréer du lien avec l’animal phobogène. D’abord, on l’évoque en discutant, puis on montre une image, on peut aller jusqu’à se trouver face à une souris ou un rat », explique-t-il. Le thérapeute accompagne le patient tout du long.

Être pris en charge pour la musophobie, c’est possible ?

Dans le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM), on trouve les phobies animales dont la musophobie fait partie. De fait, on peut être traité par un psychiatre pour sa phobie des souris et des rats et obtenir un remboursement de la sécurité sociale. Certaines complémentaires santé et certains contrats permettent aussi d’avoir accès à des consultations prises en charges avec un psychologue ou un psychothérapeute pour soigner ses phobies.

Peut-être guérir de la musophobie ?

La musophobie peut être soignée, dans la mesure où « on estime que dans 80% des cas, les thérapies cognitives et comportementales permettent de venir à bout de sa phobie », précise Boris Charpentier. Selon le type de thérapie choisie, le travail peut prendre plus ou moins de temps. Avec les TCC, 12 à 15 séances sont généralement nécessaires.

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