La langue française fait un retour en force à l'Eurovision

  • La Française Barbara Pravi et le Suisse Gjon’s Tears concourent à l’Eurovision 2021 avec deux chansons francophones, respectivement Voilà et Tout l’univers.
  • Aucune chanson en français ne s’est imposée au concours depuis la victoire de Céline Dion en 1988.
  • Cette année, les chansons de la France et de la Suisse figurent parmi les favorites. La langue française a été délibérément choisie par les deux artistes.

De notre envoyé spécial à Rotterdam (Pays-Bas)

Et si, cette année, une chanson francophone remportait l’Eurovision ? Ce scénario ne s’est pas produit depuis que Céline Dion a soulevé le trophée pour la Suisse avec Ne partez pas sans moi. C’était en 1988. Ensuite, l’anglais a assis son hégémonie sur le concours…

Mais cette fois, la langue de Molière peut espérer une happy end, ou plutôt une fin heureuse, en finale de l’édition 2021, le 22 mai prochain à Rotterdam. Deux morceaux en français trônent
en bonne place parmi les favoris : Voilà, de la Française
Barbara Pravi et Tout l’univers du
Suisse Gjon’s Tears.

« Un amour profond pour les mots »

« La langue française n’était pas une option pour moi, assure la représentante tricolore. On m’a demandé plusieurs fois si j’allais ajouter des mots en anglais. Je ne l’ai pas fait, non pas parce que je n’ai pas envie que ma chanson soit internationale, mais parce que ce que je fais c’est de la chanson française, j’ai surtout un amour profond pour les mots. »

« On a évité les polémiques sur le fait que notre artiste chante en anglais », se réjouit Stéphane Bern, en faisant référence aux controverses de ces dernières années où les secrétaires d’Etat à la francophonie s’insurgeaient d’entendre de l’anglais au détour d’un couplet ou d’un refrain de J’ai cherché d’Amir, Requiem d’Alma ou Roi de Bilal Hassani, respectivement candidats en 2016, 2017 et 2019. « Il est important qu’on envoie le signal que le français est aussi la langue de l’Europe », ajoute l’animateur, qui commentera cette édition au côté de Laurence Boccolini.

La francophonie a pâti du retrait du Luxembourg et de Monaco

Il fut un temps où la langue française avait le vent en poupe au concours. Entre 1956, année de la création de l’Eurovision, et 1990, elle dominait le palmarès : 14 chansons francophones ont décroché un trophée sur cette période, contre neuf en anglais. Un podium complété par trois morceaux en… néerlandais.

Depuis trente ans, seuls le suédois, l’hébreu, l’ukrainien, le serbe, le tatar de Crimée et le portugais ont eu l’opportunité de triompher de temps en temps, entrecoupant un tunnel de victoires anglophones. Le déclin du français s’explique notamment par le fait que le Luxembourg ne participe plus depuis 1993 et Monaco depuis 2006, laissant la France bien seule pour défendre sa langue. D’autant plus que, en 1999, le règlement de la compétition a été modifié : il n’oblige plus les artistes à chanter dans une des langues nationales du pays qu’ils représentent.

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Depuis cette date, la Belgique n’a envoyé que deux titres en français – le dernier en 2005 – et a cédé aux sirènes de la langue de Shakespeare. Le constat est similaire pour la Suisse, qui a quand même présenté deux titres italophones et deux francophones avant de revenir au français avec Gjon’s Tears qui tente sa chance cette année avec Tout l’univers.

Barbara Pravi se réjouit que cette autre chanson en français se fasse également remarquer. « C’est [le duo] Aliose qui a coécrit la chanson de Gjon. Ce sont des gens que j’aime beaucoup, avec qui j’ai beaucoup travaillé. C’est marrant, j’ai un peu l’impression d’être au coude à coude avec des potes », s’amuse-t-elle.

« Je me casse », chante la Maltaise Destiny

« Ma chanson a été écrite en anglais mais je trouvais qu’en français elle prenait une dimension plus grande, qu’il y avait quelque chose de plus fort dans l’interprétation, explique l’artiste suisse, demi-finaliste de The Voice sur TF1 il y a deux ans. Défendre le français est pour moi un choix délibéré par rapport à cela, mais aussi au fait que c’est une des langues nationales de la Suisse et que c’est ma langue maternelle. »

Aimerait-il voir davantage de chansons en français représenter son pays à l’avenir ? La question lui a été posée en conférence de presse. « J’espère que le mot d’ordre ne sera pas « Chantons en anglais parce que c’est mieux pour le format Eurovision ». Il est primordial que les artistes fassent confiance à leur instinct. Il faut que personne ne soit obligé de chanter en français, que chacun puisse choisir la langue qui lui correspondra le mieux », a répondu Gjon’s Tears.

Pour compléter le tableau francophone, la Maltaise Destiny participe à cette édition avec une chanson intitulée Je me casse… alors que l’intégralité du texte est en anglais. Un signe du retour en grâce du français au concours ?

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