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Votre interprétation de cette femme, Margaux, est très touchante. Elle a perdu son mari après de nombreuses années de vie commune et sa reconstruction n’est pas toujours très simple.
C’est Ludovic Bergery qui dit : »C’est une Belle au bois dormant qui se réveille » sauf que La Belle au bois dormant a 50 ans et donc on ne se réveille pas de la même façon à 20, 30 ou 50 ans. On va dire qu’elle a eu une longue absence où certainement elle ne s’est pas sentie vivante et elle a du temps à rattraper. Elle reprend ses études, se bat, elle est assez seule. Et ce film, c’est toute la trajectoire de ce joli personnage de femme, un joli portrait de femme.
Il y a une vraie forme de solitude chez Margaux et en même temps, elle est bouleversante parce qu’elle veut vivre, rattraper le temps perdu, sentir son corps revivre, sentir son cœur rebattre.
à franceinfo
Dans ce film, vous vous êtes complètement abandonnée.
J’ai passé les dix dernières années au théâtre et ça a créé autre chose dans mon rapport à la caméra et au cinéma. Je pense réellement que la chose la plus importante que j’ai donnée à Ludovic, c’est de ne plus savoir jouer. C’est toujours ce qui m’a passionnée, c’est la terre étrangère, c’est le metteur en scène. Ce film me fait penser beaucoup ces derniers temps, aux expériences que j’ai vécues avec Claude Sautet. Il y avait aussi avec lui cet abandon. Il n’y a pas de scories. Margot est là, pleinement là et je suis là en tant qu’actrice, je suis là et nulle part ailleurs et je le sens quand je vois le film.
J’ai l’impression que ce rôle existe aussi aujourd’hui par rapport à tout ce que vous avez déjà fait avant comme une vraie construction.
Construction, déconstruction. Chaque film, c’est : Je monte sur une colline et je regarde le monde, je le regarde avec le metteur en scène et puis on redescend et puis on se met au travail.
Ce film dit quelque chose de la réalité des femmes de 50 ans, il dit quelque chose du deuil, quelque chose de la solitude, mais aussi, effectivement, de la folie. Voilà, c’est mon chemin.
à franceinfo
C’est votre chemin et quand on regarde un peu, on se dit que vous êtes toujours là, dans la place, au centre de l’image.
Oui, avec des moments d’absence aussi. Je suis très heureuse d’être toujours aussi curieuse et je n’ai pas l’intention de partir.
Cette curiosité vous-a-t-elle toujours accompagnée même enfant ?
C’est mon enfance qui certainement m’a aussi rendue curieuse. J’ai grandi dans le Midi, vraiment pieds nus, dans la nature. Cette nature-là, je ne l’oublie pas et elle s’est inscrite en moi, elle me donne. Je ne suis jamais aussi vivante que quand je suis dans la nature. Je pense à tous ces metteurs en scène absolument incroyables qui m’ont fait confiance, m’ont aimée pour ce que j’étais, qui ont vu des capacités à ce que je pouvais être aussi. Je pense à Claude Berri, Claude Sautet, Jacques Rivette, j’ai grandi avec eux.
Cette curiosité m’est aussi venue de mes grandes rencontres au cinéma, de mes grandes rencontres amoureuses aussi bien sûr, de mes enfants, des personnes qui ont traversé ma vie et dont j’ai traversé la vie.
à franceinfo
On a l’impression que par moments, ils avaient plus confiance en vous, que vous-même aviez confiance en vous ?
Oui, certainement. Il m’arrive toujours de douter. Rien n’est jamais acquis et en ce sens, effectivement, un peu comme pour Margaux, c’est comme s’il fallait toujours tout recommencer. C’est formidable et très épuisant.
Que vous a apporté votre métier d’actrice ?
Il m’a permis sans doute de fuguer dans un premier temps, d’exprimer des choses que j’avais vécues. Peut-être fuguer de moi-même. J’ai commencé avec une certaine colère voire une rage et puis, j’ai continué avec plaisir, avec jouissance. Il est partie intégrante de la femme que je suis aujourd’hui. Il n’y a pas la femme et le cinéma ou le théâtre, c’est vraiment un tout. Je dois beaucoup à ce métier.
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