Julie, qui accuse 22 pompiers de Paris de viols : la cour d’appel de Versailles rejette la requalification pour "viol"
Julie, un pseudonyme, âgée de 25 ans, accuse vingt-deux pompiers de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) de l’avoir violée à de nombreuses reprises entre ses 13 et 15 ans.
Une affaire requalifiée en « atteinte sexuelle »
En juillet 2019, le tribunal de Versailles avait requalifié l’affaire de « viol aggravé » à « atteinte sexuelle », sous-entendant qu’il y avait une forme de consentement.
À la suite de cette décision, l’affaire a été renvoyée en correctionnelle concernant trois pompiers, quittant les assises. De fait, la peine maximale encourue par les trois accusés s’est vue réduite de moitié, passant à dix ans de prison.
Julie avait décidé de faire appel de cette requalification. Ce jeudi 12 novembre 2020, la cour d’appel de Versailles (Yvelines) a refusé que l’affaire soit requalifiée en viol. « Sans un regard, sans un mot, en une minute, la justice nous a dit que les trois pompiers n’iront pas en cour d’assises », a déclaré Corinne Leriche, la mère de la jeune fille, en larmes, aux médias présents, dont RT France. « On va continuer à se battre pour Julie et contre ce déni de justice ».
« Voilà une décision qui ne fait pas honneur à la justice française dans sa conception de ce qu’est un viol, a déploré l’avocat de la famille, Maître Tamalet. Cela démontre une fois encore que nous avons un retard énorme dans l’écoute des victimes en la matière, et dans la conception de ce qu’est un consentement à un acte sexuel. »
Il a révélé qu’un pourvoi en cassation est « envisagé », de même que la famille réfléchit aux poursuites qu’elle pourrait engager à l’encontre des pompiers encore laissés hors de cause.
Tentative de suicide en juillet dernier
Cette requalification de « viol » à « atteinte sexuelle » avait dévasté la jeune victime présumée et sa famille, dénonçant « un déni de justice intolérable ». « Non, à 13 ou 14 ans, on ne peut pas donner son consentement pour des rapports sexuels avec plusieurs personnes qui passent à la suite ! », avait maintenu Julie auprès du Parisien à l’époque.
Une pétition en ligne demandant la requalification en viol, lancée l’année dernière par la mère de la jeune femme, a récolté près de 228.000 signatures à ce jour.
Le 21 juillet dernier, la jeune femme avait avalé « plusieurs boîtes de médicaments » pour tenter de mettre fin à ses jours, avait raconté sa mère auprès du Parisien. Hospitalisée et tombée dans le coma, Julie s’en est sortie.
#JusticepourJulie
Lorsque la tentative de suicide de Julie avait commencé à être relayée par des militantes féministes sur les réseaux sociaux, un hashtag a émergé, depuis devenu viral : #JusticepourJulie.
Quelques jours après la sortie du coma de sa fille, Corinne avait témoigné auprès du Parisien : « Julie est toujours très fragilisée par son état de stress post-traumatique lié aux nombreux viols qu’elle a subis entre ses 13 et 15 ans. »
Une adolescente vulnérable, une femme « détruite »
Les faits présumés remontent à 2008 et auraient continué jusqu’en 2010. À l’époque, Julie n’a que 13 ans et fait des crises de spasmophilie. Après une crise au collège nécessitant une intervention des pompiers, un membre de l’équipe de soignants, âgé de 20 ans, récupère son numéro de téléphone sur sa fiche d’intervention. Quand il la recontacte, l’adolescente croit d’abord aux prémices d’une amitié.
Il m’a posée sur le lit, s’est assis à califourchon sur moi et m’a violée
Elle raconte au Parisien : « Un jour, alors que ma mère s’était absentée, il m’a posée sur le lit, s’est assis à califourchon sur moi et m’a violée. À partir de là, ma vie a basculé pour devenir un enfer… »
Scarifications, crises d’angoisse et de tétanie à répétition, feront désormais partie de son quotidien. Une première tentative de suicide survient. Un enchaînement d’événements qui nécessiteront au total plus d’une centaine d’interventions des pompiers, entre 2008 et 2010. La jeune fille est psychologiquement fragilisée.
Quelques mois plus tard, alors qu’elle sort d’hôpital psychiatrique, le jeune pompier qui avait récupéré son numéro lors de la première intervention vient la chercher chez elle pour « une promenade ».
Il m’a dit qu’ils allaient se balader dans un parc
Sa mère, Corinne, s’en rappelle encore : « Il m’a dit qu’ils allaient se balader dans un parc et je lui ai d’ailleurs rappelé que ma fille n’avait que 14 ans ». Il finira par emmener la jeune fille chez lui. Cette dernière décrira par la suite un viol en réunion, avec deux autres de ses collègues.
Après le dépôt d’une plainte en 2010, plusieurs autres tentatives de suicide, dont une défenestration, Julie est désormais handicapée à 80%. En novembre 2018, elle confiait déjà au Parisien avoir été « détruite » par cette affaire.
Les pompiers l’estimaient consentante
Le jeune homme incriminé, qui avait initialement récupéré son numéro, n’a jamais caché avoir su que Julie était mineure. Il estime que la jeune fille était alors tout à fait consciente de la situation.
Selon les propos de son avocate, Me Daphné Puglies, recueillis en 2019 par le Parisien : « Il maintient sa position, ils étaient alors en couple et elle était parfaitement consentante ». À l’époque pourtant, la jeune fille est sous antidépresseurs, neuroleptiques et anxiolytiques. De son propre aveu, elle était devenue un « légume ».
Les pompiers avouent quant à eux l’avoir « fichée nympho » (sic) et fait circuler son numéro. Les rapports se seraient alors multipliés dans des parcs, les parkings, et même dans les toilettes de l’hôpital pédopsychiatrique dans lequel Julie a été internée. Le pompier ayant reconnu ce fait n’a jamais été poursuivi.
Dans cette affaire, dix autres militaires incriminés ne tomberont finalement pas sous le coup d’un « abus d’autorité », la justice estimant qu’ils n’ont pas agi dans le cadre de leur fonction. Quatre autres, accusés de n’avoir pas secouru l’adolescente lors d’une crise de spasmophilie survenue après un rapport, sont aussi mis hors de cause.
Que dit la loi ?
Le viol est défini par l’article élargi 222-23 du code pénal. Ce dernier indique que « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol ». La peine encourue peut aller jusqu’à 20 ans de réclusion en fonction des circonstances aggravantes associées aux faits.
L’atteinte sexuelle, différente de l’agression sexuelle définie par l’article 222-27 du code pénal, est punie de « sept ans d’emprisonnement et de 100.000 euros d’amende. »
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