Julia Minkowski, l'épouse de Benjamin Griveaux est un ténor du barreau

Dans L’avocat était une femme, paru le 6 janvier et coécrit avec la journaliste Lisa Vignoli, la pénaliste de 40 ans recueille les confidences de neuf «ténoras» du barreau. Portrait d’une avocate optimiste et «obsessionnelle», atout de Ladj Ly comme de Bernard Tapie.

«Il a tué Agnès Le Roux, à la Toussaint 1977, à Monte-Cassino, d’une balle dans la tête dans son sommeil», relate-t-elle dans L’avocat était une femme, paru le 6 janvier (1) et coécrit avec la journaliste Lisa Vignoli. Julia Minkowski revient ainsi sur l’affaire qui a marqué le début de sa carrière : le procès de Maurice Agnelet, en 2007, devant la Cour d’Aix-en-Provence. L’avocate a 27 ans. Elle défend, au côté de son mentor Hervé Temime, la famille d’Agnès Le Roux. Son premier procès d’assises, et bien plus qu’un baptême du feu.

«J’ai ressenti un phénomène d’identification, car j’avais exactement le même âge qu’Agnès Le Roux, la jeune femme disparue, nous confie-t-elle le 14 janvier, lors d’un entretien Zoom. Elle se trouvait dans une situation amoureuse tumultueuse, ce qui avait été mon cas un an plus tôt – évidemment dans une toute autre mesure. Cela résonnait très fort en moi.» Maurice Agnelet écope de vingt ans de réclusion criminelle. Une année qui marquera la carrière de Julia Minkowski – mais également sa vie sentimentale. À la même période, l’avocate fait la connaissance d’un certain Benjamin Griveaux.

Bygmalion, Clearstream et Bernard Tapie

Diplômée du lycée Henri IV, puis de l’université de droit Paris II Panthéon-Assas et de Sciences Po, Julia Minkowski vient alors de rejoindre le cabinet d’Hervé Temime, spécialisé dans le droit pénal des affaires, pour son dernier stage. Un mentor dont elle deviendra l’associée en 2010. Ensemble, Hervé Temime et Julia Minkowski plaideront dans les affaires Bygmalion, Clearstream et Bernard Tapie. L’avocate défendra également le réalisateur Ladj Ly, visé par une enquête après un signalement pour détournement de fonds.

Mais, pour l’heure, Julia Minkowski doit encore faire ses premières armes. Elle participe en 2007 à la Conférence du stage – un concours d’éloquence destiné aux avocats, durant lequel les candidats répondent par un discours à un sujet non juridique. L’invité de cette session, Dominique Strauss-Kahn, encore fréquentable à l’époque, avance alors que les avocats font un métier d’engagement et qu’ils devraient s’engager en politique. «Je partageais cette idée, nous dit-elle. À l’époque, Benjamin animait À gauche en Europe, le thinktank de DSK. J’ai postulé en me disant que je pourrais réfléchir à des réformes sur la justice.»

La rencontre de Benjamin Griveaux

Après leur rencontre, elle doit passer l’un des tours de la Conférence du stage. Benjamin Griveaux lui demande s’il peut y assister, et s’y rend le jour où elle prononce son plaidoyer. Le duo ne se quittera plus. L’homme politique et l’avocate auront ensemble trois enfants : un garçon de 8 ans et deux filles de 6 ans et 18 mois. Le couple connaît son lot de bouleversements. Julia Minkowski entend s’assurer que sa vie privée impacte le moins possible sa carrière. En 2013, celle que sa coauteure Lisa Vignoli décrit comme «exigeante, voire obsessionnelle» se rend au tribunal pour un client accusé de multiples agressions sexuelles.

«J’avais perdu mon beau-père (Patrick Griveaux, ancien notaire décédé en 2013, NDLR) la veille de l’ouverture du procès, et ce, de façon très brutale. Pourtant, je devais défendre à 100 % cet homme que j’accompagnais dans une procédure d’instruction depuis sept ans. Il y avait dix-huit femmes qui, chaque matin, me regardaient de travers parce que j’étais son avocate. Je devais aussi composer émotionnellement et familialement avec quelque chose de très triste, et soutenir mon compagnon.»

Affaires sensibles

D’autres affaires demeurent gravées dans la mémoire de Julia Minkowski, pour des raisons tout aussi intimes. «Un jour, l’enfant de l’une de mes clientes a été kidnappé par son père, en Équateur, se souvient la quadragénaire. Je n’en ai pas dormi pendant trois semaines. Mon fils avait le même âge. J’imaginais ce qu’il ressentirait s’il était enlevé à sa maman, du jour au lendemain.» En 2012, la pénaliste défend également une nourrice, poursuivie dans une affaire de bébé secoué. «La date du procès a été fixée deux mois et demi après celle de mon accouchement, se remémore-t-elle. Il n’était pas question que je le rate. Sauf que j’ai moi-même confié mon enfant à la nourrice le matin de l’audience.»

Julia Minkowski vit ses échecs professionnels comme des «chagrins d’amour». «Lorsque vous essuyez un revers dans une affaire, les gens autour de vous disent : « Cela n’est pas de ta faute, tu as fait ce que tu pouvais », confie-t-elle. Mais vous avez l’impression que vous avez participé à cet échec par votre inefficacité. Ce sentiment d’impuissance est difficile. Rien ni personne ne peut vous faire guérir, si ce n’est le temps. »

Une nouvelle preuve, s’il en fallait, de la passion qui anime Julia Minkowski. Née à Paris le 23 octobre 1980, la future avocate découvre très tôt les romans policiers d’Agatha Christie, Ruth Rendell ou Mary Higgins Clark, par le biais de sa mère. «C’est drôle, ces auteures sont surtout des femmes, s’amuse-t-elle. J’ai toujours moins accroché avec des Stephen King.» Le Mystère von Bülow (1990) nourrit également sa fascination pour les affaires criminelles. Le long-métrage, signé Barbet Schroeder, relate la bataille judiciaire d’un milliardaire, accusé d’avoir plongé son épouse dans le coma. Un dossier si complexe que l’avocat Alan Dershowitz doit faire appel à une équipe composée de professionnels et de ses élèves. Aucun doute, Julia Minkowski sera pénaliste.

Le Club des femmes pénalistes

Au fil de sa carrière, l’avocate réalise qu’il n’est pas toujours simple pour ses consœurs de se faire une place dans ce monde masculin. En 2013, cette fervente lectrice de Laure Adler et Lola Laffont décide donc de fonder le Club des femmes pénalistes, afin que toutes «puissent s’entraider». Déterminée à donner plus de visibilité aux «ténoras» de l’ombre – comme Céline Lasek ou Jacqueline Laffont – elle les met à l’honneur dans le livre L’avocat était une femme, qui donne la parole à neuf d’entre elles.

Elle n’a, finalement, jamais rejoint le thinktank de DSK. «Je suis assez indépendante, déclare-t-elle. Je ne voulais pas m’immiscer dans ce qui était le domaine de Benjamin, c’est-à-dire la politique.» La quadragénaire s’autorise toutefois deux entorses à cette règle. En 2017, elle accepte de participer «avec des amis» à l’élaboration du programme justice durant la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron. La même année, la ministre de la justice, Nicole Belloubet, lui propose de mener une réflexion de trois mois sur le sens et l’efficacité des peines.

« Je n’ai pas vécu l’affaire Griveaux dans le déni, mais dans le refus »

(De gauche à droite) Jean-Marc Dumontet, Benjamin Griveaux et Julia Minkowski assistent à la cérémonie des Molières. (Paris, le 28 mai 2018.)

Benjamin Griveaux poursuit, quant à lui, son ascension politique. Il devient ainsi porte-parole du gouvernement, avant d’être désigné candidat officiel du parti LREM pour les élections municipales de Paris en 2019. L’ancien conseiller général de Saône-et-Loire ignore encore qu’il s’apprête à faire l’objet d’une tempête médiatique. Le 13 février 2020, Piotr Pavlenski revendique la mise en ligne d’une vidéo du sexe de Benjamin Griveaux. Des images que l’homme politique aurait envoyées à Alexandra de Taddeo, désormais compagne de l’artiste russe, en mai 2018. L’ex-porte-parole du gouvernement est contraint de présenter sa démission. Julia Minkowski refuse, quant à elle, de se laisser submerger.

La pénaliste a déjà assisté à bon nombre de crises médiatiques – elle sait comment les affronter. «C’est même l’objet d’un cours que je donne à Sciences Po, explique-t-elle. Le conseil adressé aux gens visés, c’est de ne surtout rien conserver. Je l’ai respecté à la lettre. Je n’ai lu aucun journal, je n’ai pas allumé la télé ni regardé internet. Ce battage médiatique, je ne l’ai pas vécu dans le déni, mais dans le refus.» Leur mariage, fortement éprouvé, ne s’en trouve pas brisé.

En vidéo, « Nous allons bien », assure Julia Minkowski l’épouse de Benjamin Griveaux

Un « sentiment d’impuissance »

«L’hypocrisie serait de croire que dans un couple, on ne connaît pas de turbulences et que parce que l’on rencontrerait une crise, on devrait nécessairement se séparer (…), soutient-elle sur le plateau de C à vous, le 7 janvier. On a géré cela de façon banale, parce que l’on a toujours géré la vie publique, la vie privée et la vie politique qui a été celle de Benjamin ces dernières années de façon normale.» Avant de préciser : «Nous allons bien.» La pénaliste n’entend plus regarder en arrière. Et s’émerveille de l’infinie capacité de l’être humain à se réinventer. Ces derniers temps, elle s’est mise aux échecs. Elle espère un jour avoir le courage de publier son premier roman.

(1) L’avocat était une femme, de Lisa Vignoli et Julia Minkowski, paru le 6 janvier 2021 aux Éditions JC Lattès, 200 pages, 18 €.

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