« Je te promets » et « En thérapie » prouvent qu'on peut réussir un remake

  • TF1 lance ce lundi Je te promets, le remake français du succès américain This is Us.
  • Arte diffuse ce jeudi En thérapie, remake français de la série israélienne Be Tipul.
  • Deux paris risqués et réussis. Explications.

Deux paris risqués et réussis ! TF1 lance ce lundi à 21h05 Je te promets, remake français de l’immense succès critique et public outre-Atlantique, This is Us. De son côté, Arte diffuse ce jeudi à 20h55 En thérapie, remake de Be Tipul signé par le duo
Eric Toledano et Olivier Nakache, disponible en intégralité sur Arte. TV, une série israélienne déjà déclinée dans une quinzaine de pays, dont In Treatment, diffusée aux Etats-Unis sur HBO en 2008. De quoi réveiller un vieux débat sur le bien-fondé des remakes en France.

Les remakes ont toujours eu mauvaise presse en France. La faute à André Bazin, pilier de la critique ciné française des années 1950. Ce critique des Cahiers du cinéma distingue le « bon » remake, celui réalisé longtemps après l’oeuvre originale, qui modernise cette dernière et tient « d’une véritable démarche esthétique » et le « mauvais » remake, transnational, qui s’efforce de « copier » l’œuvre d’origine.

Une doxa qui résiste au temps

Une doxa qui résiste au temps. A peine la bande-annonce de Je te promets était dévoilée que les fans de This is Us, sans avoir vu la série française, criaient au « copié-collé ». Lorsque Éric Toledano et Olivier Nakache sont venus présenter leur projet En thérapie à Arte, Olivier Wotling, directeur de la chaîne, reconnaît avoir été réticent : « Au début dans nos discussions, nous, à Arte, on parlait de positions tout à fait dogmatiques : on ne fait pas de formats, pas d’adaptations, que des créations originales. »

André Bazin occulte pourtant un argument. Pourquoi la transposition culturelle « géographique » serait-elle plus absurde esthétiquement que la transposition « temporelle » ? Condamnant les œuvres qui prennent trop de liberté, et celles collées à l’originale, un remake est rarement évalué pour lui-même, sauf si l’œuvre d’origine est méconnue.

« Toutes les questions des journalistes tournent autour de cela, explique Aline Panel, l’audacieuse productrice de Je te promets. Pourquoi adapter This is Us ? Personne ne m’a posé la question sur Rita », la série danoise qui a inspiré une autre de ses fictions sur TF1, Sam.

« En thérapie » explore le traumatisme des attentats avec justesse

En thérapie, sur Arte, reprend évidemment la « mécanique », selon Eric Toledano, de la fiction d’Hagai Levi. Chaque épisode met en scène une séance en temps réel chez un psychanalyste. Dans un appartement cosy du 11e arrondissement parisien, le docteur Dayan (Frédéric Pierrot) reçoit à tour de rôle une chirurgienne (Mélanie Thierry), un agent de la BRI (Reda Kateb), un couple en crise (Pio Marmai et Clémence Poesy) et une adolescente fragile (Céleste Brunnquell). Il reprend, après douze ans d’arrêt, sa propre thérapie avec Esther, sa psychiatre et amie de longue date (Carole Bouquet). « La contrainte, c’est de tenir en haleine, avec simplement un face-à-face », explique Eric Toledano.

Le remake se situe « précisément au lendemain des attaques des terrasses et du Bataclan », relate Eric Toledano. En mettant sur le divan ses personnages à ce moment précis, et même si la série d’Arte a des airs de « déjà-vu » avec ses aînées, elle noue avec le spectateur français une relation intime. « On peut tous s’identifier à cette période des attentats », commente Reda Kateb. « “Les failles d’un personnage traduisent les failles d’un pays”, disait Hagai Levi », rappelle Eric Toledano.

« On est surpris de la résonance qu’a pu trouver le personnage de Reda Kateb [l’agent de la BRI] sur la position de la police et ce que cela raconte sur la société d’aujourd’hui. Et celui de Mélanie Thierry, la chirurgienne, qui parle de comment on gère l’hôpital en France. Et celui de Clémence, qui rappelle de ce qui s’est passé aussi dans certains sports en France comme le patinage artistique », énumère Eric Toledano.

« Je te promets » raconte la France des quarante dernières années

Je te promets reprend « cette histoire hyperbien racontée, universelle et touchante » de This is Us, et « l’incarne dans un contexte totalement français ». Le défi est de taille. Le succès international This is Us est « connu » en France. La série américaine a été diffusée sur Canal+ et M6, où elle a peiné à séduire les téléspectateurs français.

Lorsque Aline Panel contacte les producteurs américains de This is Us pour adapter le format en France, elle essuie d’abord un refus. Les Américains veulent exporter leur série. Un an plus tard, « ils m’ont rappelé parce que, partout dans le monde, les séries commençaient à s’exporter moins bien, avec moins de succès. Les séries locales, plus proches des gens, commençaient à avoir énormément de succès », explique Aline Panel.

Je te promets reprend la trame de This is Us : raconter l’histoire d’une famille en multipliant les lignes temporelles. C’est précisément parce que Je te promets inscrit cette histoire intime dans une histoire collective française qu’elle dit autre chose que This is us. La naissance des triplés – Maud (Marylou Berry), jeune femme en surpoids, Michaël (Guillaume Labbé), footballeur de Ligue 1 et Mathis (Narcisse Mame), trader et père de famille comblé – se situe à l’arrivée de François Mitterrand et des socialistes au pouvoir : « Ce rêve et cette promesse non tenue vont former en partie les névroses de nos personnages », analyse la productrice.

Du Pacs au Sida en passant par l’avortement, Je te promets explore la grande histoire de France. « On va traiter de la guerre d’Algérie en équivalent avec ce que les Américains font avec la guerre du Vietnam », annonce la productrice.

De la publicité pour Banga au coup de boule de Zidane en passant par les images Paninis, Je te promets conte aussi la petite histoire des Français : « Tout ce qui faisait notre quotidien dans ces années-là », résume Aline Panel. « La musique, omniprésente, fait référence aux tubes qui nous ont bercés », ajoute Hugo Becker, qui campe Paul, le patriarche de la famille Gallo et l’époux de Flo (Camille Lou).

Et de développer : « La série parle des liens qui existent entre les membres d’une même famille, et sur ce qui fait qu’on se sent intégré ou pas au sein d’une famille, au travers cela, on parle de l’intégration dans la société. »

This is Us permet ainsi de réfléchir à la condition des Noirs ou des obèses aux Etats-Unis, Je te promets interroge la place des Noirs, du racisme et de la grossophobie en France. Changer de contexte n’est clairement pas qu’une simple question de changement de décor.

En thérapie et Je te promets parviennent à s’emparer des mécaniques et trames de leurs brillantes œuvres d’origine pour les transposer dans un cadre bien français. Qui s’est ému de savoir si House of Cards ou Homeland étaient des remakes au moment de leurs sorties ? N’est-il pas temps de penser le remake comme un authentique travail de (re) création ? En musique, les Daft Punk ne font rien de plus, ça s’appelle la French Touch !

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