"Je suis une éponge émotionnelle”

  • Une fragilité de l’enveloppe psychique
  • Éponge émotionnelle : le danger est de ne jamais “essorer”
  • Remonter aux racines de l’enfance

“C’est comme si elles étaient branchées en permanence sur la prise de courant du malheur du monde.”

Lorsque l’on demande au psychothérapeute et coach Pascal Aubrit, basé dans le Val d’Oise, de nous décrire les personnes dites “éponges émotionnelles”, le professionnel de santé n’y va pas par quatre chemins.

Une fragilité de l’enveloppe psychique 

Difficulté à réguler ses émotions en présence d’autre, tendance à se sentir envahir par celles des autres, perméabilité constante aux sollicitations extérieures : il décrit des individus ultra-empathiques, ultra-sensibles qui viennent absorber et internaliser les “good” et “bad moods” de ceux qui les entourent.

“C’est une fragilité de l’enveloppe psychique, comme si vous étiez en incapacité de fermer les écoutilles pour vous protéger », poursuit-il. Complaintes d’une collègue de bureau qui vous fait tenir le crachoir, désespoir d’une amie qui vient de rompre, frustration d’un compagnon en pleine querelle fratricide : l’éponge émotionnelle subit les petites comme les grandes épreuves de vie de son entourage comme si elle était la principale concernée, au-delà même de la simple sympathie que l’on peut manifester face à un proche qui doit faire face à certains obstacles de la vie.

« Certains vont même jusqu’à se sentir obligés de maintenir l’autre personne dans un état émotionnel positif”, précise par ailleurs le Dr Turner, dans un article du Stylist anglais, soulignant que les éponges émotionnelles vont parfois avoir du mal à distinguer leurs propres émotions de celles des autres, quitte à négliger leur propre santé mentale.

Parmi les signes caractéristiques d’un tel fonctionnement cognitif, l’experte note également le fait de se sentir épuisé après avoir pensée du temps avec un proche, mal à l’aise lorsque ce dernier se sent mal ou encore la tendance à vouloir répondre instantanément à ses besoins, sans poser de limites. Et c’est là que le bât blesse.

Éponge émotionnelle : le danger est de ne jamais “essorer”

Car si l’éponge émotionnelle absorbe plus et plus vite qu’elle n’en a conscience, elle ne sait pas pour autant essorer tous ces états d’âme dont elle a inconsciemment pris la responsabilité. Une surtension émotionnelle en somme qui risque, tôt ou tard, de se muer en épuisement psychique.

“Concrètement, il n’est pas rare que les personnes qui se décrivent comme des éponges émotionnelles, tombent brutalement en dépression, fassent un burn-out, parce que cela devient le seul moyen pour elles de se protéger », commente Pascal Aubrit qui compare leur fonctionnement cognitif comme un réseau électrique qui, dénué de disjoncteurs, serait plus à même de subir des courts-circuits.

Je me suis rendue compte que ça faisait sept jours que j’écoutais ses états d’âme, ses problèmes au bureau, ses regrets avec son ex…

C’est ce qui s’est produit pour Charlotte, 35 ans, qui après une semaine de vacances après sa sœur aînée, se retrouve prise de violents maux de ventre et de sensations d’angoisse. « Je me suis rendue compte que ça faisait sept jours que j’écoutais ses états d’âme, ses problèmes au bureau, ses regrets avec son ex, que j’essayais de solutionner chaque désagrément du voyage, de trouver les meilleurs restos qui puissent prendre en compte ses allergies, d’assurer l’itinéraire en temps et en heure… et que je n’en pouvais plus.” raconte-t-elle. “À aucun moment, elle n’a levé le petit doigt pour s’impliquer et faire en sorte que ça se passe bien. Et finalement, c’est comme ça depuis qu’on est gamine », réalise-t-elle. Et si Charlotte a pu gérer cette surchauffe par quelques jours de repos à distance de son aînée, d’autres tombent dans des dépressions dont ils ont parfois du mal à se relever. 

Remonter aux racines de l’enfance

Alors comment l’éviter ? Pour Pascal Aubrit, il faudrait commencer par apprendre à se connaître et comprendre sa propre histoire, “afin de mieux appréhender la façon dont notre peau psychique s’est tissée”, explique-t-il.

Et pour cause, les éponges émotionnelles puiseraient leur porosité dans une petite enfance négligée. « C’est typiquement le cas d’un bébé qui aurait vécu une situation d’inversion des rôles au cours de laquelle la mère lui a fait la demande inconsciente d’assurer la contenance des émotions qui la débordent », pose le psychothérapeute. “N’ayant pas vraiment d’autre choix, le bébé va probablement faire avec les moyens du bord en devenant l’éponge des angoisses et débordements émotionnels familiaux.”

Un mécanisme de survie psychique qui se transformera en trait de personnalité qu’il est important de déconstruire aux côtés d’un professionnel pour mieux accepter sa singularité.

D’autres experts conseillent, notamment aux adolescents, de se plier à des loisirs tels que le théâtre ou les sports collectifs pour apprendre à se réapproprier leur propre enveloppe psychique. « Ça permet de jouer des rôles et de faire la distinction entre ce qui est à nous et ce qui ne l’est pas », précise Anne Landry dans un article du quotidien 20minutes.

Pour d’autres, comme Charlotte, c’est d’apprendre à se tenir à distance raisonnable de certaines personnes de leur entourage, qui volontairement ou non, ont tendance à essorer leurs émotions sur elles. “Je ne pourrai pas couper les ponts avec ma soeur, mais je la vois à petites doses », conclut celle qui, de toute évidence, ne repartira pas de sitôt avec elle en vacances.

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