Interview d'Élie Semoun : “Je ne suis jamais allé aussi loin dans l'intime”

Le génial créateur des “Petites Annonces” n’est pas qu’un amuseur public. Confirmation avec ce premier roman tendre d’un amour déçu. Une réussite littéraire.

Actuellement à l’affiche de Suite royale au théâtre de la Madeleine avec Julie de Bona, Élie Semoun est avant tout un auteur tout-terrain. One-man-shows, chansons, films (Ducobu président !), cet artiste aux multiples facettes a repris sa plume pour s’atteler, cette fois, à son premier roman… à forte inspiration autobiographique.

France Dimanche : Pourquoi écrire un roman seulement maintenant, à 59 ans… ?

Élie Semoun : Je vous remercie déjà de me rappeler mon grand âge ! Cela dit, c’est une bonne question car j’avais cela en moi depuis très longtemps. J’ai écrit beaucoup de choses, mais je ne suis jamais allé aussi loin dans l’intime. Je pense que c’est le fait d’avoir fait le documentaire sur la maladie d’Alzheimer de mon père qui m’a incité à aller chercher des choses très personnelles. Aussi, j’ai profité de cette histoire d’amour qui s’est mal terminée, comme toutes les histoires d’amour, pour aller assez loin…

FD : On constate aussi que vous êtes très fleur bleue…

ES : Oui, je suis assez romantique. Quand je tombe amoureux, j’écris des poèmes, des chansons. Déjà, mon premier album avait été écrit pour une femme qui s’appelait Aurélie…

FD : Il faut que vous ayez le blues pour bien écrire ?

ES : Exactement ! Comme tous les artistes, il faut que cela se passe mal pour provoquer l’écriture.

FD : On sent que vous vous êtes régalé avec tous ces aphorismes en tête de chapitre…

ES : Oui, j’adore ça. D’ailleurs, au départ, je voulais faire un livre d’aphorismes, mais l’éditeur trouvait ça trop léger. Il fallait une histoire autour de ça. Et cela m’a motivé car je l’ai fait aussi dans un but de reconquête… mais ça n’a pas marché.

FD : Il s’agissait d’une liaison récente ?

ES : C’est encore très frais car je me suis fait larguer il y a un an. Mais bon, je ne suis pas le seul à m’inspirer de rupture amoureuse. Brel a écrit Ne me quitte pas et elle n’est pas revenue non plus !

FD : Ce n’était pas trop difficile à écrire ?

ES : C’était assez intense, oui. Mon écriture s’est étalée sur trois quatre mois, et les mots me venaient presque avant ma pensée. C’est un texte qui s’est imposé à moi. De toute façon, dans un tel registre, on ne peut pas tricher. Et je ne me suis pas donné le beau rôle. Elle me traite d’égoïste, de type qui ne l’écoute pas. C’est très cash, d’autant que je parle aussi de son point de vue à elle…

FD : Vous écrivez : « Je ne dois pas être habitué au bonheur. » C’est assez courant chez les humoristes, non ?

ES : Oui, c’est vrai. D’ailleurs, quand j’étais plus jeune, j’avais écrit un recueil de poèmes qui s’appelait « plaisantristes ». Je n’ai pas vraiment changé et le syndrome du clown triste n’est pas une légende. J’en connais plein !

FD : Vous dites d’ailleurs que vous ne vous êtes jamais remis du décès de votre maman à l’âge de 11 ans…

ES : Oui, car c’est peut-être aussi le livre d’une déclaration d’amour d’un enfant à sa mère.

FD : Votre roman fait bien office de psychothérapie, notamment en parlant de votre enfant intérieur…

ES : Certainement. Mais j’espère aussi que ce n’est pas plombant et que c’est agréable à lire. J’ai fait le maximum pour ça, en pratiquant aussi l’autodérision car je suis plus habitué à la “lose” qu’aux histoires d’amour !

FD : Vous n’avez jamais connu d’histoires d’amour heureuses ?

ES : Si, bien sûr ! J’ai été heureux, j’ai eu un enfant… donc il ne faut pas exagérer. Et je rassure mes futurs lecteurs, ce n’est pas un livre larmoyant. On rit aussi, il n’y a pas que des violons.

FD : Vous êtes vous-même un grand lecteur ?

ES : Oui, j’ai toujours été attiré par des auteurs à l’écriture limpide comme Colette, Françoise Sagan, Albert Camus ou Milan Kundera. C’est simple et profond.

FD : Vous parliez de moments drôles dans votre roman, il y en a pas mal quand vous abordez la différence d’âge…

ES : Oui, nous avions 20 ans d’écart. Pourtant, moi je me considère comme quelqu’un de jeune… alors que je suis vieux ! Mais je n’ai pas une vie de vieux, je bouge tout le temps, je n’ai pas de pépins médicaux. Je me dis donc que ce n’est pas bizarre d’être avec une femme de 20 ans de moins que moi. Et si l’on s’est séparés, ce n’est pas à cause de ça, mais plutôt en raison de mon côté artiste justement. Elle était plus ancrée dans la réalité que moi. J’étais le plus vieux, mais c’était moi le gamin dans l’histoire !

FD : On s’aperçoit aussi que vous êtes souvent dans le doute…

ES : Oui malheureusement, même quand tout va bien. On va dire que le doute m’a fait avancer. Cela étant, le doute est à conseiller dans un couple. La certitude est dangereuse en amour… Mais, comme tout artiste, je doute.

FD : Aujourd’hui, vous êtes-vous remis de cette rupture ?

ES : À peine. Il faut du temps…

FD : Vous ne vous êtes pas remis en couple ?

ES : Non… On va lancer une petite annonce !

FD : Ce premier roman vous a donné envie d’en écrire d’autres ?

ES : Oui, car j’ai vraiment adoré cette période d’écriture. C’était fantastique ! Il faut que je trouve un autre thème, mais j’ai hâte de m’y remettre.

FD : Avec toutes vos activités, vous trouvez encore le temps ?

ES : Oui, d’ailleurs on est en train d’écrire le nouveau Ducobu que l’on devrait tourner cet été. Et je m’éclate sur scène en ce moment avec la belle Julie de Bona au théâtre de la Madeleine. Ça m’a bien foutu la pétoche mais j’adore ça. Aussi !

À lire…

Compter jusqu’à toi, d’Élie Semoun, éd. Robert Laffont, 19 €.

Propos recueillis par Yves QUITTÉ

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